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La Haine de Shakespeare

La Haine de Shakespeare

Publié le par Vincent Ferré (Source : François Lecercle)

La Haine de Shakespeare

3-5 décembre 2015 – Université de Paris-Sorbonne

Colloque international organisé par le PRITEPS

(Programme International sur le Théâtre et les Pratiques Scéniques)

à la Maison de la Recherche, 28 rue Serpente 75006 Paris

 

Shakespeare a le rare privilège de n’avoir jamais quitté la scène, d’avoir été très vite proposé comme un modèle du théâtre universel, parlant à toutes les époques et toutes les cultures – bref d’être « notre contemporain » (Jan Kott). Mais l’admiration n’est pas sans partage. Avec des « traits sublimes », Hamlet est, pour Voltaire, sorti de « l’imagination d’un sauvage ivre ».

Entre le sauvage ivre et l’éternel contemporain, où situer Shakespeare ?

Après les célébrations du centenaire, c’est sur le revers de la médaille qu’il convient de se pencher : sur toutes les formes d’insatisfaction, voire de désaveu, qui poussent à réécrire, transformer, manipuler, massacrer le grand homme. Il ne s’agira pas de faire une histoire des réécritures, en considérant la simple transposition dans une autre aire culturelle ou la nécessaire adaptation à un contexte nouveau. Nous nous intéresserons aux réutilisations de toutes sortes en réfléchissant aux formes de refus qui leur sont inhérentes, et tenterons de cerner ce qui, jusque dans l’hommage, se glisse de réticence, de résistance, voire de rejet profond.

Nous souhaitons des interventions portant sur toutes les périodes, toutes les aires culturelles, tous les media. Elles pourront prendre des directions très diverses.

  • L’hostilité déclarée (« Bard-bashing ») telle qu’elle s’exprime dans des pamphlets, des essais critiques ou des commentaires – chez les contemporains de Shakespeare (Greene, par exemple) et plus tard chez John Dryden,  Thomas Rymer, Voltaire ou dans le tollé qui a accueilli les comédiens anglais à Paris en 1822 ou encore Léon Tolstoi. Au XXe siècle, le « Shakespeare trashing » est un art qui a été cultivé avec raffinement par des gens aussi différents que George Bernard Shaw, T.S. Eliot et plus récemment, sur la scène américaine, Charles Marowitz, par exemple. On pourra également penser à la critique féministe et aux approches culturelles de Shakespeare qui renvoient dos à dos élitisme et culture populaire.
  • Les aléas de l’œuvre, passant dans les mains d’éditeurs et de commentateurs qui cherchent à la débarrasser de scories intolérables, qui réaménagent le texte, bien avant la bowdlerization, ou qui rejettent une partie de l’œuvre comme indigne (les horreurs de Titus Andronicus), jusqu’à ce que, à partir du XIXe s., les querelles sur la paternité ne cherchent à arracher la totalité de l’œuvre à un acteur indigne d’un tel monument.
  • Les réécritures, traductions et adaptations, quand les modifications opérées servent non seulement à mettre l’œuvre au goût du jour (Nahum Tate et bien d’autres) ou à la rapprocher d’un public et d’une culture différents, mais impliquent une violence assumée. Il n’y a guère de réécriture qui ne soit ambivalente, puisque la réécriture implique l’inadaptation ou l’insuffisance du modèle. Dans les réécritures contemporaines (Brecht, Stoppard, Bond, Barker, Heiner Müller, Deutsch, Botho Strauss, etc.) cette ambivalence prend une forme volontiers agressive. Et les adaptations qui sciemment maltraitent la langue de Shakespeare ? L’aplatissent-elles pour la mettre à la portée d’un public d’aujourd’hui ou dans le dessin affiché de lui régler son compte ?
  • Quant aux réécritures de plateau (Vincent Macaigne, Jean-Michel Rabeux, Thomas Ostermeier, Angelica Liddell, etc.) avec qui règlent-elles leurs comptes ? Avec la société, avec le public, avec le théâtre ou avec Shakespeare ? Après la génération des metteurs en scène du texte, puis celle des metteurs en scène sans texte, celle des metteurs en scène qui prennent un texte pour le dynamiter. Mais on aurait tort de croire que le démembrement de Shakespeare soit une invention contemporaine : on pense aux « drolls » de la période du Commonwealth comme Bottom the Weaver (1646 ?) qui assure au Songe d’une nuit d’été une existence clandestine mais néanmoins fragmentaire ; en 1723, Charles Jonson fait jouer Love in a Forest, où As you like it fournit le cadre vaguement narratif à une fricassée de fragments de comédies et même de tragédies de Shakespeare. Après tout, en intitulant ainsi sa comédie, Shakespeare n’invitait-il pas à en faire n’importe quoi ?
  • Le personnage de Shakespeare n’est pas épargné. On veut bien croire que la mièvrerie est une forme d’admiration (Shakespeare in love), mais le Shakespeare dépressif et suicidaire de Bond (Bingo),  l’identité mouvante développée par Mark Rylance (I am Shakespeare) ou encore par Roland Emmerich (Anonymous)?
  • On pourra, bien sûr, poursuivre l’enquête « hors les murs », dans les réutilisations non théâtrales : les réécritures narratives – et en particulier les réécritures policières –, les réutilisations cinématographiques (Looking for Richard). Il est sans doute difficile de soupçonner, dans la Boydell’s Shakespeare Gallery, les traces d’une intention sacrilège, mais on peut se poser la question pour l’abondante iconographie shakespearienne ou encore pour les propositions de plasticiens contemporains tels que Damian Hirst et ses crânes.

Vous êtes invités à envoyer vos propositions accompagnées d’un résumé et d’une courte notice biographique pour le 15 janvier 2015 à Elisabeth Angel-Perez (eangel@wanadoo.fr) et à François Lecercle (francois.lecercle@wanadoo.fr).