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La force du mal dans l’œuvre de Dostoïevski

La force du mal dans l’œuvre de Dostoïevski

Publié le par Vincent Ferré (Source : Natalia Leclerc)

La force du mal dans l’œuvre de Dostoïevski

Colloque à l’université de Bretagne Occidentale les 23 et 24 janvier 2014

 

La portée métaphysique des romans de Dostoïevski fait de cet auteur un des piliers de la culture mondiale. L’ensemble de son œuvre est concerné par cette dimension, des romans à vocation sociale de ses débuts aux Frères Karamazov. L’analyse des références à la Bible constitue par ailleurs une constante des études dostoïevskiennes. Le colloque aura pour objectif de réévaluer la banalité du mal transversale aux romans de Dostoïevski: du diable avec lequel discute Ivan Karamazov au Grand Inquisiteur qui accuse le Christ d’avoir donné la liberté à l’homme ; des personnages en qui le mal se condense avec une totalité bouleversante, comme le père Karamazov ou le prince Volkovski dans Humiliés et offensés, aux personnages démoniaques incarnés auxquels se heurtent les figures christiques du Prince Mychkine dans l'Idiot ou de Chatov dans Les Démons, ou encore les personnages féminins, majoritairement des Marie-Madeleine; des passions démoniques qui agitent Raskolnikov voire peut-être le joueur, aux réactions spontanées qui guident les gestes de l'homme ridicule, et à la philosophie de vie de l'homme du souterrain, le personnel dostoïevskien offre un panorama étendu sur la diversité des manifestations du mal. Il s'agira donc d’envisager les différentes manifestations du mal dans l’œuvre dostoïevskienne et de mettre au jour les relations entre ces modèles fictionnels et l'intertexte biblique qui les sous-tend, avec toute la complexité propre à cet ancrage chez Dostoïevski, qui n’omet pas le doute ou encore l’athéisme comme voie vers le christianisme.

 

1.       Origines du mal

 

Quelles réponses propose Dostoïevski dans son œuvre à la question de l’origine du mal ? En dehors de l’explication théologique du péché originel,  dans quelle mesure le mal trouve-t-il sa source dans l’homme lui-même, ou encore dans la société ? En quoi est-il une caractéristique existentielle voire métaphysique de l’homme dostoïevskien ? Comment s’articulent ces éléments pour constituer l’originalité de la configuration ?

Il semble certain en tout cas que Dostoïevski refuse la théodicée. À ses yeux, le mal est injustifiable – tenter de le justifier est un scandale de la pensée. L’indifférence à son égard est même encore pire. Ce n’est pas non plus un négatif mettant en valeur le positif du bien – et il faut envisager les différentes articulations possibles entre les manifestations du bien et du mal. Et pourtant à travers l’histoire du père Zossime, le personnage le plus lumineux des Frères Karamazov, Dostoïevski nous propose un exemple de vision dialectique du mal : l’expérience du mal, caractérisant aussi la jeunesse de Zossime, est nécessaire à la découverte du bien parce que dans l’homme, semble-t-il, n’a pas toujours le choix entre le bien et le mal : les deux principes coexistent en lui et sont en dialogue continuel.

2.      Diversité des manifestations du mal

De la maladie psychique et physique (l’homme du souterrain, le joueur, l’idiot, Marie Lebiadkine, Smerdiakov, Marmeladov, Katerina Ivanovna) au mal métaphysique (Stavroguine, Ivan Karamazov), la gamme des manifestations du mal dans l’œuvre de Dostoïevski est très étendue. Mais à côté de ce mal explicite qui distingue l’œuvre de Dostoïevski et qui marque à vie ses personnages intérieurement et extérieurement, une autre forme de mal, plus discrète mais au moins tout aussi nocive, ronge l’homme moderne, comme en témoigneL’Adolescent. Comment penser cette diversité ? Dans quelle mesure faut-il envisager que l’auteur expose une série de degrés dans le mal ? Qu’en est-il alors de l’existence du mal absolu ?

Le diabolique lui-même reçoit plusieurs incarnations : du démon humain sans envergure, comme Pierre Verkhovenski, au Grand Inquisiteur, en passant par le médiocre Satan qui vient interpeler Ivan Karamazov.

Cette diversité des manifestations permet-elle néanmoins une définition du mal ? Le mal dans l’univers dostoïevskien est-il définissable ? est-il même dicible et pensable ?

3.      Ambivalence du sens du mal

Le lecteur de Dostoïevski peut être frappé par la violence des représentations du mal (réflexions et anecdotes sur le mal impardonnable fait aux enfants, le songe de Raskolnikov sur le cheval, la violence de Fedor Karamazov contre la mère d’Aliocha) : il faut s’interroger sur la possibilité d’une fascination du mal – d’autant que c’est une des fonctions potentielles de l’œuvre d’art et de sa charge esthétique.

Cette ambivalence intervient aussi dans la réflexion sur le sens du mal, qui apparaît comme un passage nécessaire pour accéder au bien.

Enfin, cette ambivalence intervient dans la présence du relativisme de la pensée du mal : Raskolnikov est d’abord persuadé qu’il existe une morale des forts et une morale des faibles, dichotomie qui a pu être rapprochée de la conception nietzchéenne d’une pensée du bon et du mauvais vs du bien et du mal.

4.      Quelles solutions ?

Face à cet état de fait désespérant des innocents et des faibles toujours sacrifiés, de la persistance du mal anthropologique et métaphysique, la situation des personnages est caractérisée par l’impasse. Les solutions trouvées ou proposées sont insatisfaisantes : le bien ne triomphe jamais mais le mal n’est pas davantage victorieux. D’ailleurs, les personnages ne recherchent pas la rédemption.

Dans la mesure où l’œuvre de Dostoïevski est comprise comme tragique (V. Ivanov), ce dernier ne consiste pas à subir la fatalité mais à la choisir. Cette théorie peut trouver un point de contact intéressant avec un trait du caractère attribué au peuple russe, qui serait particulièrement voué à la recherche de la souffrance, comme le montrerait le personnage de Sofia Marmeladova (mais aussi ceux de Maria Lebiadkine, de Netotchka Nezvanova, de Natacha Ikhmeneva, de la douce).

5.      Le mal, condition de la liberté ?

Le sens ultime du mal pourrait résider dans le fait qu’il est le produit d’un choix, et donc le signe de la liberté humaine, même s’il n’est pas  inenvisageable de le considérer, dans une perspective moderne, comme celle d’Hannah Arendt, comme le résultat du refus de la pensée et de l’altruisme.

Contributions souhaitées :

-          Études d’un texte de Dostoïevski

-          Études transversales de l’œuvre de Dostoïevski

-          Histoire de la critique sur le thème du mal dans l’œuvre de Dostoïevski

-          Études comparatistes, en particulier en lien avec des textes bibliques

-          Postérité de la question du mal dans l’héritage dostoïevskien

Le colloque s’inscrivant dans le cadre des travaux du groupe de recherches « Intertextualités et imaginaires bibliques » (UBO-UBS ; projet labellisé par la Maison des Sciences de l’Homme en Bretagne), les contributions orientées vers la réflexion sur les rapports entre les textes de Dostoïevski et les textes bibliques seront privilégiées.

Responsables : Benoît Jeanjean et Natalia Leclerc

Comité  scientifique : Anna Akimova-Louyest (Paris X), Marco Caratozzolo (università degli studi di Bari), Isabelle Durand-Le Guern (UBS), Benoît Jeanjean (UBO), Natalia Leclerc (UBO), Éric Lysoe (université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand II), Myriam Watthee-Delmotte (université de Louvain / FNRS)

Planning :

15/05/13 : réception des propositions

15/06/13 : réponse du comité

23-24/01/14 : colloque

Merci d’envoyer vos propositions de communication avant le 15 mai 2013 à Benoît Jeanjean (benoit.jeanjean@univ-brest.fr) et Natalia Leclerc (Natalia.Leclerc@univ-brest.fr)