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La compétence (revue ¿Interrogations?)

La compétence (revue ¿Interrogations?)

Publié le par Florian Pennanech (Source : Brice Monier)

LA COMPETENCE

Pour son 10ème numéro, la revue ¿ Interrogations ? souhaite aborder lathématique de la compétence en convoquant les multiples apports des scienceshumaines et sociales.

Les injonctions normatives actuellesadressées aux acteurs professionnels à « avoirdes compétences », à développer leur« portefeuille de compétences », etc., sont un indice de l'actualité de ce terme. Dans ledomaine professionnel, la compétence est devenue en trente ans un conceptcentral. Il s'agirait, dans un contexte de chômage massif, de penser l'individucomme un être perfectible tendant à devoir, justement, se perfectionner,« sortir du lot », devenir « compétitif », en élargissant et enrichissant ses compétences, afin de pouvoir accéder à un poste de travail ou encorerester employable. Les nouvelles lois du marché réclameraient, et ce depuis unetrentaine d'années, l'avènement de cet individu malléable, flexible,transformable à souhait. L'analyse des rapports entrele succès de ce terme et celui des politiques et de discours cherchant à fairedu marché le cadre et le paradigme de toute vie sociale et de toute existenceindividuelle est un premier axe de notre appel à contribution.

Denombreux travaux (ceux de Jean-Pierre Le Goff,notamment) ont d'ores et déjà remis en question la pertinence de ce principe decompétence, dénonçant la définition impossible de ce terme, sinon de manièrefloue par les employeurs eux-mêmes. Car pouvons-nous vraiment dire ce que signifie « être compétent »? Par rapport à quelle norme est-on (ou non) compétent ?Qui décide de cette attribution ? Plus l'ons'intéresse à ce concept, moins les définitions que l'on cherche à en donnerdeviennent claires. Et pour cause : au-delà d'une approche politique etéconomique, la compétence a aussi une réalité « quotidienne »,empirique. C'est tout autant un jugement institutionnel fort qu'uneconstruction dans une réalité (organisationnelle, familiale, etc.). Lacompétence, terme vague et flou, concerne dece fait l'individu, lui donnant une existence sociale, touten mettant également en cause les collectifs. La compétence comme attribut peutéclairer d'une lumière positive les acteurs jugés. Mais il peut toutaussi bien condamner un bon nombre d'autres à ne pas pouvoir jouir de cejugement d'excellence, sorte de label permettant la reconnaissance sociale etd'éviter la trop grande confrontation à « la société du mépris »,selon les termes d'Axel Honneth.

De par sa complexité, la compétenceest un concept pouvant être appréhendé par toutes lessciences sociales et humaines : psychologie, sociologie, sciencesjuridiques, histoire, etc. Il convient de ce fait, ici, de le penser dans uneperspective résolument pluridisciplinaire mais aussi critique. De lafluctuation de sa définition, de « ce vers quoi » il se tourne, commeun attribut vide ne prenant contenance que sous le regard de ce qu'il attribue,il permet de multiplier les exemples de son usage. Néanmoins, si l'on suit lesdéfinitions générales, la compétence peut être présentée a priori commeune « aptitude d'une autorité reconnue ». Trois termes clés sont iciréunis, creux dans leur définition, précis dans leurs contours. En cela, lacompétence ne se réduit pas au domaine professionnel, comme évoqué plus haut,mais peut s'appliquer à n'importe quel acte qui demande un « expert »possédant cette ou ces compétences. Dès lors, l'analyse de toutes compétences(politique, artistique, scientifique, degenre...) intéressera le présent appel.

La compétence peut ainsi être conçuetout autant comme une intériorisation que comme un jugement sur cetteintériorité. Elle serait une intériorité car elle prouverait la possession desavoirs, savoir-faire et/ou savoir-être. Mais se réduit-elle à cette possession? Elle est aussi un jugement de soi sur soi, des autres sur soi, et de soi surles autres. Le jugement de compétence est nécessairement social, et permet decomprendre comment les acteurs cherchent individuellement à devenir « bons », à être reconnus comme tels et à lerester. « On est toujours compétent par rapport à... »,écrivait Philippe Zarifian. De ce fait, peut-on penser une définition de lacompétence réellement unifiée? Qui est compétent, et qui est compétent pourjuger de la compétence? C'est ici que les terrains de multiples disciplinespeuvent être évoqués, permettant de poser la variabilité des définitions de lacompétence, tout en essayant de décrire le processus d'avènement de cetattribut.

En sociologie du travail, bien sûr,la question est centrale. Les trente dernières annéesont vu le concept de « qualification » cohabiter avec celui de« compétence », pour peu à peu disparaître du discours professionnelet scientifique. Il permet pourtant encore de ne plus penser le rapport d'unindividu à un emploi comme celui d'un diplôme demandé à un diplôme recherché maisd'un individu perfectible à un marché du travail en perpétuelletransformation. De fait, est-ce l'acte de travail qui est jugé ? Ou l'individului-même ? La compétence dans le domaine professionnel peut prendre souvent deschemins inattendus, qui ne se résument pas forcément à un rapport d'autorité(le jugement d'un employeur sur unemployé, par exemple). Dans ce cadre, les contributions à ce numéro peuvent,par exemple, tenter de décrire comment ce concept peut émerger en situation de travail, mais aussi dans d'autres situationssociales.

La compétence a d'autres voiesd'entrée. Onpeut penser au domaine juridique, où la compétenceest une affaire de droit. L'État a un rôle dans la reconnaissance desacteurs sociaux mais aussi les instancesinstitutionnelles comme compétent(e)s, de la même manière que la loisanctionne à sa manière cette distinction. Dans le domaine de l'éducation, peuéloigné du domaine professionnel (les travaux deFrançoise Ropé et Lucie Tanguy le démontrent cette proximité de l'usage duterme dans les deux champs), la compétence a-t-elle droit de cité ? Pouvons-nous parler d'un élève compétent ? Le domaine du sport, à sa manière, peut nousdonner des indices sur le rapport entre compétence et performance. Dansle champ culturel, un artiste est-il un être compétent ? La questionpourrait être également posée dans le domaine scientifique, aujourd'hui tant sollicité.

Surtout,la question des compétences est placée au coeur de la formation professionnelle.Il serait intéressant d'étudier à travers quel processus, et pour quellesconséquences, les logiques de qualification et de compétence vontprogressivement se singulariser voire s'opposer (à travers l'opposition entre« qualification » et « professionnalisation »). Quels sontles effets sur les pratiques professionnelles des formateurs pour adultenotamment ? Dans quelle mesure auniveau des politiques publiques de formation, mais aussi des politiques des branches professionnelles, le recours auparadigme des compétences ne sert-il pas une pensée gestionnaire ? Lachose semble particulièrement vraie pour les métiers des services à lapersonne, présentés comme « un vivier d'emploi », soutenus par lespouvoirs publics dans leur développement. Il s'agit d'un secteur dans lequel onvoit se développer un discours qui oppose professionnalisation et qualificationet permet aux autorités publiques de justifier le financement de formationscourtes peu coûteuses et non diplômantes – mettant en avant justement que cesprofessionnels mobilisent des « compétences naturelles » et qu'ilsn'ont pas besoin de formation approfondie. Et nous pouvons aussi nous demandersi cette logique de compétence n'est pas en train de céder le pas à une autrelogique, celle de la « capacité », c'est-à-dire de compétencespotentielles.

Bref,comme nous le voyons, chaque discipline peut donner sa propre définition duconcept. Ce nouveau numéro de la revue ¿Interrogations? cherchera àrassembler les voix de multiples disciplines en sciences humaines et socialesautour de ce thème commun, proposant une réflexion autour de ce concept qui,au-delà de sa simpledimension normative, cache des définitions multiples et des mécanismesd'attribution souvent subtils.

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Les propositionsd'articles répondant au précédent appel à contribution doivent être adressées àM. François Girod, coordinateur du numéro 10, avant le 01 septembre 2009 et àl'adresse électronique suivante : girodfrancois[at]yahoo[point]fr. Il va de soi que cesarticles devront être rédigés aux normes de la revue.
En dehors des articles répondant à l'appel à contributions, la revue ¿Interrogations ? accueille volontiers des articles pour ses autres rubriques.Ces articles ne dépendent pas de l'appel à contribution en cours, parconséquent, ils peuvent traiter de tout autre thème. Pour cette même raison,ces articles ne sont soumis à aucun délai quant à leur réception.
La rubrique « Des travaux et des jours » est destinée àdes articles présentant des recherches en cours dans lesquelles l'auteur metl'accent sur la problématique, les hypothèses, le caractère exploratoire de sadémarche davantage que sur l'expérimentation et les conclusions de son étude(cette partie étant ainsi propice à la présentation des thèses de doctorat).Ces articles ne doivent pas dépasser 20 000 signes. Ils sont à faire parvenirau coordinateur de la rubrique : gilles[point]vieille-marchiset[at]univ-fcomte[point]fr
La rubrique « Fiches techniques »est destinée à des articles abordant des questions d'ordre méthodologiques (surl'entretien, la recherche documentaire, la position du chercheur dansl'enquête, etc.) ou théoriques (présentant des concepts, des paradigmes, desécoles de pensée, etc.) dans une visée pédagogique. Ces articles ne doivent pasnon plus dépasser 20 000 signes. Les fichestechniques sont à faire parvenir au coordinateur de la rubrique : pfugier[at]edu[point]univ-fcomte[point]fr
♦ Enfin, la dernière partie de la revuerecueille des « Notes delecture » dans lesquelles un ouvrage peut être présenté demanière synthétique mais aussi vivement critiqué, la note pouvant ainsiconstituer un coup de coeur ou, au contraire, un coup de gueule ! Elle peutaller jusqu'à 10 000 signes. Les notes sont à faireparvenir au coordinateur de la rubrique : schepens[point]f[at]wanadoo[point]fr

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