Questions de société

"L'université doit intégrer Internet" + perle ministérielle (Libération 20/07/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Perle ministérielle:

La journaliste : "N'y a-t-il pas aussi une certaine appréhension chez les enseignants à dispenser leurs cours en ligne?"

La ministre : "Quand vous êtes issus du grec ou des lettres anciennes, il est vrai que ça ne va pas de soi."

-------------

Lire aussi: "V. Pécresse réinvente la démagogie ?", par Y. Comenge (Le Post, 20/07/09)

-------------

Dans Libération le 20 juillet 2009:

"L'université doit intégrer Internet comme elle l'a fait pour le livre"

http://www.liberation.fr/societe/0101580839-l-universite-doit-integrer-internet-comme-elle-l-a-fait-pour-le-livre

Interview de Valérie Pécresse, par CORDÉLIA BONAL

Wifi, podcast... La ministre Valérie Pécresse a précisé ce lundi lescontours du chantier du numérique à l'université, sur la base d'unrapport remis par Henri Isaac, enseignant à Dauphine. Son éclairage.

16 millions d'euros du plande relance vont être consacrés à l'intégration du numérique àl'université, a annoncé la ministre de l'Enseignement supérieur et dela Recherche Valérie Pécresse ce lundi matin... soit un an et demiaprès la remise du premier rapport sur le sujet. Sur cette enveloppe,10 millions seront investis dans la couverture wifi des campus et sixmillions dans le développement des équipements nécessaires à ladiffusion des cours podcast. Près de 10.000 bornes wifi supplémentairesseront installées d'ici fin 2009 et 10% des étudiants bénéficieront descours en podcast d'ici un an, a promis la ministre.

Henri Isaac,professeur en sciences de gestion à Paris IX-Dauphine et auteur durapport remis en janvier 2008 à la ministre, pointait à l'époque leretard de la France en la matière et préconisait une série de mesures.Etat des lieux.

Il y a un an et demi, vous pointiez le retard desuniversités françaises dans le passage au numérique. Les chosesont-elles bougé?

Même si le rapport que j'avais remisaura tardé à être suivi d'effets, il aura au moins permis de secouer unpeu le cocotier en déclenchant une prise de conscience chez lesprésidents d'université. Certes, la France a encore bien du chemin àfaire, mais on ne part pas de zéro, des dispositifs ont été menés àbien.
Nous avons des points forts, comme la capacité à créer descontenus riches, scénarisés, mutualisés, et pas simplement la mise enligne de pdf, qui est le degré zéro du numérique. L'ère des pionniersest maintenant achevée. Ce qu'il faut aujourd'hui c'est une vraiepolitique qui industrialise et harmonise ce mouvement.

Quel est l'enjeu?

Dupoint de vue de la connaissance, l'université connaît une crise delégitimité. Il s'agit pour elle d'intégrer cette révolution de laconnaissance qu'est l'ère internet, comme elle avait intégré avecsuccès l'arrivée du livre. Aujourd'hui, quand un étudiant fait unerecherche, il va sur Google ou Wikipédia. C'est un réflexe,l'université ne peut pas s'abstraire de cela. Il est donc essentiel, sielle ne veut pas se marginaliser, qu'elle valorise ses propres contenusdans les réseaux numériques de la connaissance. Demain, apprendre ce nesera pas forcément aller physiquement à l'université.

En termes d'équipement, où en est-on?

Depuis environ trois ans ça n'est plus tellement le problème. Sil'on prend Lyon I, une université plutôt réprésentative, le tauxd'équipement en ordinateurs portables est de 97%.

Où sont alors les freins?

L'un d'eux vient de sauter : il résidait dans le statut desenseignants-chercheurs issu du décret de 1984, dont on a beaucoup parlépour d'autres raisons, qui n'autorisait pas à donner son coursautrement qu'en face à face. Avec la réforme de ce statut,l'enseignement à distance est devenu légal.
Un autre frein restela mauvaise organisation au sein des universités de la gestion desressources numériques, l'absence de vraie vision du numérique.

N'y a-t-il pas aussi une certaine appréhension chez les enseignants à dispenser leurs cours en ligne?

Quand vous êtes issus du grec ou des lettres anciennes, il est vraique ça ne va pas de soi... La première crainte est celle du plagiat, enpartie fondée dans la mesure où il demeure un flou juridique* sur lesdroits d'auteur: si vous faites un cours multimédia qui demande uncertain investissement, à qui appartient ce cours, de l'enseignant oude l'université? Il faut clarifier cela.
Un autre aspect est celuide la rémunération de la production de contenus multimédia. Dans lesystème universitaire français où la recherche prime sur tout le reste,où l'on fait une carrière de chercheur plus que de pédagogue, lenumérique oblige à repenser la formation et le métier d'enseignant.

N'y a-t-il pas aussi aussi un risque de voir les amphis se vider?

Toutes les expériences menées sur le podcast des cours en amphi, àGrenoble I par exemple, où cela a été couplé à un vrai tutorat,montrent bien que les étudiants utilisent le podcast comme uncomplément du cours. Il ne faut pas oublier qu'entre 17% et 25% desétudiants ne peuvent pas venir en cours parce qu'ils travaillent.D'autres ont de long trajets, d'autres, notamment en première année,ont de vrais problèmes avec la prise de note, sans oublier lesétudiants aveugles. On apprend tous de façon différente: en écoutant,en écrivant, en regardant.

* commentaire sur le site Poolp: Poolp pense qu'il n'y a aucun "flou juridique" mais que lesintentions ministérielles, déjà présentes dans le premier projet derefonte des statuts des enseignants-chercheurs, est de "subtiliser" lesdroits d'auteurs des enseignants tout comme cela a été fait des droitsd'auteurs des agents de l'Etat par la loi DADVSI en 2006 (titre II), excepté pour les universitaires (art. L.111-1 4e alinéa).