Questions de société

"L'Université de masse : Université « Reader's Digest » ou Université charismatique ?", par G. Châtelet (1987).

Publié le par Marc Escola (Source : I. Langlet)

En 1987, le philosophe Gilles CHÂTELET prononçait des thèses pour l'Université.

On trouvera sur le site du Laboratoire disciplinaire Pensées des sciences (ENS) le texte intégral de l'une de ces conférences, intitulée:

L'Université de masse : Université « Reader's Digest » ou Université charismatique ?

Extraits: 

"L'Université de masse pourra-t-elle dissiper le cauchemar qui guette le fin du XXe siècle : un monde où cohabitent des techniciens-savants surspécialisés, “hautement compétitifs”, des millions de Bac + 2 et d'adultes en formation permanente consom¬mant une “culture générale” totalement inoffensive et distribuée par l'Université de Masse (culture naturellement parfaitement méprisée par les “compétitifs”). Le souci de compréhension et de réflexion globales, ce qu'on appelle encore la pensée ? "

[…] "La plus grande articulation de la formation universitaire et de la vie économique du pays, tout à fait souhaitable, ne doit nullement signifier un assujettissement l'utilité immédiate. Des disciplines comme les mathématiques pures, la philosophie, l'histoire... ont fait connaître le nom de la France dans le monde entier, bien plus que l'imitation servile de modèles japonais, sud-coréens, malais. La philosophie, au regard de la demande sociale immédiate, apparaît pourtant comme “inefficace et subversive” et les mathématiques “inutiles” (cf. le commentaire d'un enseignement à l'École Polytechnique : « la France ne peut plus se permettre d'entretenir des mathématiciens purs »). La Prusse des années 1820, bien plus pauvre que la France actuellement n'a pas hésité à “investir” dans les mathématiques pures et la philosophie. Le résultat ? L'Université de Berlin a fait de la Prusse du XIXe siècle, un pays au rayonnement intellectuel mondial (Hegel, Humboldt, Jacobi). Si la France sacrifie les sciences sociales, les mathématiques pures et la philosophie, elle ne sera plus qu'une médiocre sous-traitante à la traîne de Tokyo ou de Singapour..."