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L'imitation dans la musique et les arts (18e siècle)

L'imitation dans la musique et les arts (18e siècle)

Publié le par Sophie Rabau (Source : Marie-Pauline Martin)

Colloque international

La musique face au système des beaux-arts,

oules vicissitudes de l'imitation (18e siècle)

Le Centre Allemand d'Histoire de l'Art propose, les 17, 18 et 19 février2010 à Paris, un colloqueattaché à élargir le champ de l'histoire de l'art à la recherche musicologique,esthétique et philosophique.

Nous invitons les chercheurs intéressés par le projet àsoumettre, avant le 31 mai 2009, uneproposition de communication accompagnée d'un résumé et d'une courte noticebiographique, à l'adresse suivante : musique@dt-forum.org.Soucieux depérenniser le résultat de ce colloque, le Centre Allemand d'Histoire de l'Artprojette la publication de ses actes au cours de l'année 2011. L'institutions'engage par ailleurs à prendre en charge vos frais de transport et de séjour.

Argument du colloque

Depuis la fin du XVIIesiècle – comme l'illustre l'ouvrage de Charles Perrault (1690) – la musique compte parmi les beaux-arts. Une fois mise en système avec la poésie, la peinture,l'architecture ou même la danse, son identitéest alors questionnée, son analogie avecles autres arts étudiée, sa spécificité recherchéeet sa valeur discutée. Orl'enjeu de ces discussions, aussi bien dans le propos de Batteux, Lacombe,Rousseau, Diderot, Chastellux ou encore Quatremère de Quincy, dépasse le seulintérêt musicologique. Précisément, le présupposé de ce colloque, soumis àdiscussion, est que l'art musical, admis comme objet et partie des beaux-arts, instituelui-même un système de représentation de la nature ; posé tout d'abordcomme référent, il soumet les autres arts à l'épreuve de sa proprespécificité ; pensé encore comme modèle d'une conception particulière du beau, il fournit alors l'instrument d'uneappréciation des autres disciplines, met en jeu leur propre statut et leurordonnance hiérarchique. C'est donc principalement selon un "esprit desystème" (qui ne nie pas la singularité des disciplines) que se construitl'identité poétique de la musique au siècle des Lumières, justifiantd'infléchir les frontières cloisonnant aujourd'hui la recherche musicologique,littéraire, philosophique et celle de l'histoire de l'art.

Si l'enjeu méthodologique dece colloque vise à rétablir ou discuterl'esprit de système qui oriente la pensée artistique des Lumières, sonenjeu historiographique est de questionner l'évolution de la théorie de l'imitation au cours du XVIIIesiècle. À cette époque en effet, l'examen empirique de la musique montre que faire sens, et parler à l'âme, ne repose pas nécessairement sur l'imitationintelligible de la nature, mais singulièrement sur l'impression qu'un langageindéterminé communique au coeur. Ce questionnement est décisif :reconnaître à la musique un langage spécifique conduit parfois à lamarginaliser (Terrasson, Batteux, Fréron), ou au contraire à affirmer sasupériorité sur les autres arts ; ainsi, dans plusieurs écrits consacrés àla peinture, à la sculpture, à l'architecture ou à la danse, le modèle musical met à l'épreuve le principe imitatif des arts visuelset agit en faveur d'une redéfinition dela mimesis. Pose donc questionl'enjeu des réflexions menées sur lamusique : en effectuant, selon le mot de Marian Hobson, une« subjectivisation » radicale du principe d'imitation, la critiquemusicale des Lumières aurait-elle ouvert le chemin à une esthétique fondée surles impressions du spectateur ?

Cette enquêtes'appuiera principalement sur la lecture raisonnée des écritsartistiques parus en France depuis la publication du Cabinet des beaux Arts de Perrault (1690) jusqu'à la parution del'ouvrage De l'Allemagne de Mme deStäel (1810) – qu'ils soient théoriques ou critiques, pour autant qu'ilsmettent en jeu la place et le rôle de lamusique dans le système des beaux-arts. Cette perspective se limite au modèle français, tout en considérantl'écho de ces problèmes dans certains ouvrages allemands, italiens etanglo-saxons, lorsqu'ils sont diffusés en France et/ou pris à partie par nosthéoriciens français.

Tout en privilégiant larelecture d'un corpus de textesthéoriques dédiés au système desbeaux-arts, les discussions menées au cours de ce colloque tenteront égalementde trouver assise dans une histoireculturelle et sociale, et un contexte de création artistique et musicaleciblé. Prendre à témoin la production et la réception critique de certainesoeuvres musicales sera notamment instructif. Interroger par ailleurs le statutdes théoriciens et leur double inclination pour la musique et les arts visuels,montrera que la conscience artistique du siècle desLumières est bien souvent indissociable de la question musicale. A ce titre, la culture musicale de certains artistes, comme la placeaccordée à cet art dans certaines institutions artistiques, retiendra toutenotre attention. Enfin, au sein du vastecorpus d'images relevant de l'iconographie musicale, nous ne retiendrons quecelles qui, suivant notre problématique, engagent une réflexion surl'imitation, le système des beaux-arts et leur ordonnance hiérarchique. Sommetoute, la confrontation des disciplineset des spécialités (histoire de l'art, musicologie, littérature, arts duspectacle, philosophie, esthétique) sera fortement encouragée, en vued'éclairer et de discuter l'esprit desystème qui oriente souvent la pensée artistique des Lumière.

Quelques thèmes, non exclusifs, peuventservir de fil conducteur à la préparation du colloque :

· Le parallèlethéorique des arts

–­— La musique doit « peindre » : le« pittoresque » en musique et dans les arts (Batteux, Lacombe,Fréron…)

–­— La critique du « fini » en peinture et lavalorisation de l'indétermination du langage musical (De Piles, Diderot, Grimm,Chabanon,Engel, Grétry…)

–­— La langue du musicien : une « poésie »des sons (Perrin, Garcin, Chastellux, Quatremère de Quincy…)

–­— L'analogie de l'architecture et de la musique, enraison de la nature "imparfaite" ou "intellectuelle" deleur imitation (Terrasson, Briseux, Le Camus de Mézières, Quatremère deQuincy…)

–­— La danse doit se faire « musique » (Noverre,Engel…)

–­— L'analogie des arts et des sensations (Dubos, Estève,Le Camus de Mezières…)

· La hiérarchiedes arts

– Juger la musique inférieureà la poésie et à la peinture en raison de la "faiblesse" de sonimitation ; incapacité d'apprécier la musique pour elle-même, hors sasoumission au pinceau du peintre et à la langue du poète (Batteux,Pluche, Lacombe, Fréron…).

– Inversement, reconnaître lasingularité et l'autonomie du langage musical conduit parfois à affirmer sasupériorité sur les autres arts (Diderot, Rousseau, Grimm, Reveroni Saint-Cyr…)

– La hiérarchiedes sens ; confronter l'ouïe et la vue dans leur faculté respective de parlerà l'esprit et de toucher l'âme (Dortous de Mairan, Joncourt, Rousseau,Mirabeau, Sulzer…)

· L'imitationpittoresque de la musique mise à l'épreuve

–­— Une partie de ce colloque entend mettre enrelation l'esthétique avec l'écriture musicale elle-même (analyse desouvertures "à programme" par exemple)

–­— Au centre ducolloque, un concert de clavecin, présenté et commenté, questionnera, concrètement,le pouvoir d'imitation de la musique (pièces de caractère de Couperin et deRameau, batailles, tempêtes, etc…)

· La réunion desarts à l'épreuve des faits

– La réunion dela musique et des arts dans certaines institutions : enjeux et réalité d'unepolitique d'émulation (l'Académie royale des enfants d'Apollon, l'Institutnational, les fêtes révolutionnaires, la création du Prix de Rome de musique en1803…).

– Lectured'une iconographie musicale ciblée (portraits d'artistes et de musiciens,frontispices d'ouvrages théoriques, allégories des arts…), qui, par le biais del'image, engage une réflexion sur les arts d'imitation, le fonctionnement deleur langage, leur statut et/ou leur ordonnance hiérarchique.

– La culturemusicale de certains peintres, sculpteurs et architectes : enjeux d'unemélomanie.



Comitéscientifique

Markus Castor (directeur de recherche au Centreallemand d'histoire de l'art),

Philippe Junod (professeur à l'Université deLausanne),

Marie-Pauline Martin (chercheur au Centre allemandd'histoire de l'art, pensionnaire à l'INHA),

Christian Michel (professeur à l'Université deLausanne)

Theodora Psychoyou (maître de conférences àl'Université de Paris IV),

Chiara Savettieri (maître de conférences àl'Université de Pise),

Patrick Taïeb (professeur à l'Université deRouen).