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L'écrivain fictif en sociétés

L'écrivain fictif en sociétés

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Michel Lacroix)

Appel de proposition

L'écrivain fictif en sociétés :

groupes, rivalités, publics

Université de Liège

23-24 juin 2010

L'écrivain devient, aux abords du XIXe siècle, une des figures centrales de l'imaginaire social en France, au point de prendre place parmi les « grands hommes » du Panthéon. Cette « sacralisation » et l'autonomie relative de la sphère littéraire ne sont pas étrangères à l'émergence de représentations fictionnelles dans les romans du XIXe siècle à nos jours. Depuis Madame de Staël, Vigny et Balzac jusqu'à Angot, Beigbeder et Michon, ces récits doublent l'histoire littéraire d'un autre personnel, aux vies imaginaires. Toutefois, bien peu de ces littérateurs de papier ont été retenus par la critique. Qui plus est, on a souvent réduit les multiples et contradictoires scénarios qu'ils mettent en branle à ceux centrés sur le poète, solitaire et unique, négligeant ainsi les textes qui saisissent l'écrivain en interaction avec ses pairs et les divers acteurs de la vie littéraire. Ce colloque vise à interroger ce corpus quelque peu négligé pour voir comment, au moment même où elle s'impose comme espace social spécifique, la littérature se pense comme lieu de socialisation, d'ancrage identitaire et de travail collectif, ceci par le biais de la forme et des cordes romanesques.

Postulant que toute représentation d'un écrivain fictif nourrit « des rapports avec le statut effectif de la littérature et du langage dans la société réelle » (Belleau), ce qui appelle une perspective sociohistorique, nous invitons les chercheurs à examiner comment les romans de la vie littéraire conjuguent intelligence du social et travail de mise en texte. Ce savoir est souvent pétri d'aveuglement, de mauvaise foi ou de roublardise, et le corps-à-corps avec les discours mêle reproduction et novation. Néanmoins, avec les moyens de la fiction, les romanciers de notre corpus tentent à leur manière et sur un domaine spécifique, ce que Proust ou Stendhal ont pu accomplir pour d'autres milieux, à savoir, une sociologie romanesque (Dubois, 1997 et 2007).

C'est à l'étude de ces sociologies-fictions que nous convions les chercheurs en sciences humaines. Nous intéresseront tout particulièrement les propositions recoupant l'un ou l'autre des axes suivants:

1) L'écrivain en sociétés

Il s'agira d'abord d'examiner comment les romans représentent « les » sociétés de pairs et de compétiteurs au sein desquelles est plongé l'écrivain fictif. Salons, cénacles, cafés, salles de rédaction, couples et réseaux de créateurs dessinent les « raisons sociales » des personnages d'écrivain. Le colloque sera l'occasion d'interroger cette socialité centrée sur la figure de l'écrivain, et tout particulièrement de se demander comment s'articulent configurations sociales et personnel romanesque, échanges ou confrontations entre littérateurs et dynamiques narratives, rhétoriques, énonciatives. Comment les diverses scénographies de l'écrivain en sociétés dialoguent-elles avec l'imaginaire de la littérature qui circule ailleurs dans le discours social (journaux, revues, etc.)? De quelle manière ces « sociétés littéraires » fictives manifestent-elles une forme de paratopie (Maingueneau)?

2) Fiction et disqualification

Bien des « écrivains fictifs » ne sont mis en scène, dans les romans de la vie littéraire, que pour être disqualifiés. On connaît mal, cependant, les mécanismes et les fonctions de cette dévalorisation romanesque. Comment se sert-on des diverses composantes romanesques (onomastique, description, dialogue, personnages-types, énonciation) pour produire une critique d'un certain type d'auteur, d'écriture, de posture littéraire? De quelle manière le discours sur et contre la littérature propre à ce corpus se distingue-t-il de ceux empruntant d'autres formes, d'autres lieux (polémique, critique journalistique, discours politiques, etc.)? Dans quelle mesure la propension à la satire met-elle à mal les conventions réalistes de certains textes? Sur le versant social de cette question, on se demandera contre quelles esthétiques ou quels écrivains contemporains ces romans s'insurgent, ou on éclairera les connotations sociales accolées aux écrivains honnis (sont-ils associés à l'aristocratie, à la bourgeoisie ou aux classes populaires, à la ville ou à la ruralité, etc.)?

3) Médiateurs

Le troisième axe du colloque vise à mettre en lumière la galaxie d'acteurs des mondes littéraires fictifs qui ne sont pas d'abord définis, dans les romans, en tant qu'auteurs, mais par un rôle de médiateur entre les créateurs et le public. Dans quelle mesure ces figures sont-elles réduites à incarner « l'autre de l'écrivain », l'envers de la littérature, soit parce que dépendantes, dans leur mise en texte, des couples écrivain VS comédienne, critique, éditeur, salonnière, etc. (et de ce fait restreintes à des rôles secondaires), soit parce que unilatéralement associées à des topoï économiques, médiatiques, profanes? Dans quels cas et de quelle manière leur accorde-t-on au contraire les premiers rôles ou en fait-on des personnages problématiques, divisés entre des intérêts, des appartenances conflictuelles?

4) Oeuvres et réceptions fictives

Nous souhaitons enfin cerner les cas de mises en abyme de réception, de « passage au public ». Quels scénarios auctoriaux (Diaz) convoquent ces moments où le texte (fictif) se met à exister socialement dans la diégèse? Quelles conceptions de la littérature, des genres, du public ou des instances de réception les informent? Quelles « formes » de publication met-on en scène : parution d'un livre, article dans un périodique, conférences ou lectures publiques, lectures privées de manuscrits? Dans quelle mesure la mise en scène de la réception opère-t-elle un retour critique sur les procédés, les valeurs et l'écriture même du jugement porté sur les oeuvres? Cette narrativisation de la réception s'appuie-t-elle sur une description, voire une « exhibition » du texte fictif : esquisse du projet, extraits, résumé du sujet, etc.?

Comité organisateur

Pascal Brissette, Université McGill

Björn-Olav Dozo, Université de Liège

Anthony Glinoer, Université de Toronto

Michel Lacroix, Université du Québec à Trois-Rivières

Guillaume Pinson, Université Laval

Les proposition de communication devront compter environ 500 mots et être envoyées avant le 15 octobre 2009 à :

Michel Lacroix

Département de lettres et communications sociales

Université du Québec à Trois-Rivières

3351, bd. des Forges, Trois-Rivières,

Qué., G9A 5H7

michel.lacroix@uqtr.ca