Édition
Nouvelle parution
J. Ruskin, Ecrits sur les Alpes (Cl. Reichler, éd.)

J. Ruskin, Ecrits sur les Alpes (Cl. Reichler, éd.)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : pups)

John Ruskin, Ecrits sur les Alpes

Textes réunis et commentés par Emma Sdegno et Claude Reichler, traduction d'André Hélard

Paris : Presses universitaires de Paris-Sorbonne, coll. "Le voyage dans les Alpes", 2013.

EAN 9782840508717.

288p.

Prix 22EUR

Présentation de l'éditeur :

La réflexion sur les Alpes est indissociable des thèmes fondamentaux de la pensée de John Ruskin : la peinture, l’histoire de la Terre, la religion, l’expansion du tourisme et les menaces qu’elle fait peser sur la nature, le monde social et l’éducation. Dispersés au fil d’une œuvre protéiforme, encore mal connue dans les pays de langue française, ses textes sur la montagne n’ont jamais été réunis comme tels, bien qu’ils offrent la matière d’un grand et beau livre. Donnant à lire quelques textes autobiographiques tirés des séjours à Chamonix ou à Genève, l’ouvrage comporte dans sa partie principale les chapitres de Modern Painters consacrés à la montagne – qui sont aussi des méditations sur l’art de Turner et sur le paysage. À travers ces pages, mais aussi dans la très riche illustration qui les accompagne, Ruskin apparaît comme l’un des grands penseurs du paysage au xixe siècle. Philosophe attentif à la qualité de la relation de l’homme avec son environnement naturel, sa réflexion et ses prises de position influenceront profondément les courants de ce qu’on appelle aujourd’hui l’écocritique.

Les Écrits sur les Alpes de Ruskin sont présentés ici pour la première fois en français, dans une traduction qui se tient au plus près de la prose dynamique, éloquente et poétique, mais sachant aussi être exacte, du grand écrivain que fut Ruskin.

 

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Gilles Bertrand a fait parvenir à Fabula cette note de lecture à propos de ce livre :

 

Dans les Ecrits sur les Alpes de Ruskin (1819-1900), les lecteurs amateurs de montagne trouveront une sélection de textes qu’un traducteur et deux chercheurs ont rassemblés afin de construire à partir de diverses parties de l’œuvre du célèbre poète, philosophe et critique d’art anglais un livre sur les Alpes qui n’avait jusqu’ici pas existé. Quelques extraits proviennent de textes autobiographiques, du récit d’un tour sur le continent écrit dès 1833 à Praeterita qui date de 1887, et les passages les plus substantiels de cette très belle anthologie sont traduits des volumes des Peintres modernes (Modern Painters, 1 à 4, 1843 à 1856). Cet ensemble inédit en français ravira tous ceux qui s’intéressent à l’art de peindre, de dessiner et d’écrire les montagnes au XIXe siècle, de Turner à Ruskin. On aime dans ce livre la plongée immédiate dans le texte, révélée par le choix de laisser le soin de l’ouverture au traducteur, André Hélard. Celui-ci accomplit un travail remarquable en se mesurant aux phrases souvent longues et aux particularités lexicales de Ruskin. La préface et les introductions d’Emma Sdegno et la postface de Claude Reichler se font écho, encadrant les textes de Ruskin regroupés en trois parties. Un premier groupe d’écrits (« Le voyageur ») est consacré à l’expérience du jeune voyageur qui a admiré les illustrations de Turner pour le livre de Samuel Rogers, Italy, a poem (1830), et qui a rencontré plusieurs fois les Alpes avec ses parents sur le chemin de l’Italie. On y voit se profiler presque sur le vif ou de façon rétrospective la théologie naturelle et le finalisme esthétique qui se déploient ensuite dans les textes de la partie principale de l’ouvrage (« La montagne dans l’art »), marqueurs d’une recherche de la beauté à travers les ciels et les roches organisées en matériaux compacts cristallins, en chaînes latérales, en pics centraux, en aiguilles et en précipices. Les écrits de la troisième partie (« L’homme et la montagne ») s’emploient à dégager l’effet des montagnes sur l’esprit humain, autrement dit l’influence tour à tour ténébreuse et glorieuse de ce paysage sur la vie et le tempérament des hommes.

Bien qu'il n’y ait de couleur qu’en couverture, diverses images jalonnent le texte, des croquis de Ruskin à une série de planches (dessins, aquarelles, gravures…) sur lesquelles C. Reichler exerce son goût du commentaire en vue de montrer comment les mots et les images rendent les montagnes « sensibles ». Il faut lire d’un même mouvement la prose magnifique de Ruskin et celle de ses commentateurs, qui décrivent sa double fascination pour les promenades géologiques d’Horace-Bénédict de Saussure et pour le « dynamisme et la force expressive du paysage turnérien ». Ce livre nous aide ainsi à mieux voir comment Ruskin s’y prend pour affronter la question de la mise en dessin des formes d’une montagne. C. Reichler oppose le paysage voulu par Ruskin, monde « de l’être » qu’il a découvert chez Turner, aux paysages fragmentaires du géologue, du peintre et du touriste qui lui sont contemporains. De l’ensemble de ces textes de Ruskin naît une sorte de grand roman de la montagne.

L’ouvrage, joliment présenté, souligne le paradoxe entre deux tensions du XIXe siècle, que Ruskin rassemble merveilleusement : d’un côté, le souci d’extrême précision dans le rendu des formes, l’attention scientifique au détail et à ce qu’il exprime ; de l’autre, une puissance visionnaire et mystique. Celle-ci donne sens aux paysages et les inscrit dans une approche où coexistent le didactisme et la reconnaissance d’un monde surnaturel qui s’accommode mal de certains aspects de la modernité, incarnée autant par la « crise du paysage », écartelé entre science et esthétique à partir des années 1830, que par le développement, dans les décennies suivantes, du tourisme et de l’alpinisme.