Essai
Nouvelle parution
J. Semprun, Une tombe au creux des nuages

J. Semprun, Une tombe au creux des nuages

Publié le par Laure Depretto

Jorge Semprun, Une tombe au creux des nuages

Flammarion, collection Climats

24 février 2010,

  • EAN: 9782081236332
  • Prix: 19 euros

Recueil d'essais l'écrivain sur son internement à dans le camp deBuchenwald, la réunification de l'Allemagne, la constructioneuropéenne, les attentats du 11 septembre 2001, les liens entre cultureet démocratie, la culture juive en Europe, etc.

L'histoire de notre XXe siècle peut se lire comme un roman.
Comme un roman, elle s'est construite sur des rencontres, des luttes, des trahisons: Heidegger supprimant la dédicace de son livre, Être et Temps, à son ancien professeur de philosophie, Edmund Husserl, parce que ce dernier était juif; Freud conversant avec Mahler dans les rues de Leyde, une nuit d'été de 1910 ; Husserl appelant à lutter, en mai 1935, contre la chute de l'Europe "dans la haine spirituelle et dans la barbarie".
C'est cette même conférence que devait découvrir Jorge Semprun, alors interné à Buchenwald, par l'entremise d'un autre détenu, Felix Kreisler, au cours des heures de discussions dominicales volées à l'enfer du camp auprès de Maurice Halbwachs. Des années quarante à la chute du communisme, à la réunification allemande et à la construction européenne, ce livre lucide et passionné est le témoignage d'un intellectuel européen sur les épisodes les plus marquants de notre histoire.
Au "siècle des totalitarismes", Jorge Semprûn oppose le siècle des émancipations. Au "devoir de mémoire" des camps nazis et du Goulag, le " laboratoire intellectuel " de notre avenir commun.

Sommaire:

L'arbre de Goethe
De la perplexité à la lucidité
Mal et modernité : le travail de l'histoire
La gauche en Europe après les utopies
La diversité culturelle et l'Europe
Une tombe au creux des nuages
Ni héros ni victimes
Mère blafarde, tendre s?ur : l'avenir de l'Allemagne
L'expérience du totalitarisme
Inventer Israël

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On peut lire sur le site nonfiction.fr un entretien avec l'auteur.


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Dans Le Monde des livres du 18/3/2010, on pouvait lire cet article:

Buchenwald, Weimar, l'Europe LE MONDE | 17.03.10 | 16h24  •  Mis à jour le 17.03.10 | 16h24
Quand on demande à Jorge Semprun qui il est vraiment - français ou espagnol, écrivain ou homme politique ? -, la réponse qui s'impose à lui est : "Ex-déporté du camp de Buchenwald." Issu d'une famille de républicains espagnols exilée en France, il ne récuse pas les autres moments de sa biographie : résistant, communiste, ministre de la culture du socialiste espagnol Felipe Gonzalez, romancier, essayiste... Mais l'intellectuel qu'il est ayant connu l'horreur des camps n'a jamais cessé de s'interroger sur leur signification.

 

empty.gif La série de conférences qu'il a données, pour la plupart en Allemagne, de 1986 à 2005, témoigne de cette quête sans fin. Nourri tôt de culture germanique, parlant la langue, Jorge Semprun ne pouvait qu'être sensible au lieu où Buchenwald a vu le jour : sur les flancs de l'Ettersberg, la montagne où Goethe aimait se ressourcer, non loin de Weimar.

 

C'est dans un baraquement de ce camp que, en 1944, le matricule 44 904 vit peu à peu s'éteindre le regard de Maurice Halbwachs, son professeur de sociologie à la Sorbonne. Jorge Semprun se souvient encore, un demi-siècle plus tard, de leurs discussions sur ce que Kant appelle le "mal radical". Buchenwald y était prédestiné. La paix revenue, les Soviétiques y installèrent un "camp spécial" géré par la police de Staline. Cette continuité du totalitarisme, dans ce lieu associé à la mémoire du poète, fait dire à Jorge Semprun que, à Weimar, on est "au coeur de l'Europe". De ce qu'elle a produit de meilleur et de pire.

Le Reich a vécu, la RDA n'est plus. Goethe a triomphé des totalitarismes. Le temps est venu de l'Europe unie : à 86 ans, l'ancien dirigeant du parti communiste espagnol clandestin n'a pas renoncé à croire ni à argumenter. Il place l'avenir du Vieux Continent sous le patronage d'Husserl qui, en 1935, alors que le nazisme triomphait, que Staline s'apprêtait à lancer les grandes purges, parlait de l'Europe comme d'une entité "spirituelle".

Le surplace, aujourd'hui, de la construction européenne, la médiocrité des querelles qu'elle suscite parfois ne rebutent pas Jorge Semprun. Il faut le recul d'un sage, revenu de l'épouvante des camps et des lendemains qui chantent pour exprimer une telle foi dans l'unification du continent, au nom d'une communauté de valeurs. Au nom de la "raison démocratique".

Une tombe au creux des nuages de Jorge Semprun, Climats, 330 p., 19 €.


Bertrand Le GendreArticle paru dans l'édition du 18.03.10