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Itinérances spirituelles : écriture et mise en récit du voyage intérieur (XVe-XVIIIe siècles)

Itinérances spirituelles : écriture et mise en récit du voyage intérieur (XVe-XVIIIe siècles)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Françoise Poulet)

Itinérances spirituelles : écriture et mise en récit du voyage intérieur (XVe-XVIIIe siècles)

Colloque organisé par le laboratoire BABEL (EA 2649 - Université de Toulon) et le Centre d’Étude et de Recherche sur l’Europe Classique (CEREC - EA 4593 CLARE - Université Bordeaux Montaigne).

Bordeaux, 26-27-28 novembre 2014

 

Le récit de voyage, sous ses multiples formes, structures et contenus, a depuis longtemps conquis une place de premier plan parmi les objets qu’étudie la recherche littéraire. Qu’il soit fait par le voyageur lui-même ou bien par un tiers ayant recueilli son témoignage, il implique toujours une subjectivité engagée, de manière volontaire ou forcée, dans la découverte d’un ailleurs et d’une altérité qui le surprennent et l’effraient, ou l’attirent et le séduisent. Grâce à la dynamique qui lui est propre, le voyage ne peut se conclure par un strict retour au point de départ, comme si l’itinérant n’avait jamais quitté l’état de stase, tout simplement parce que le déplacement implique nécessairement une évolution, ne serait-ce que temporelle, et que la découverte de nouveaux lieux est un facteur propice à la méditation personnelle : elle ouvre à toutes formes possibles de cheminement intérieur. A contrario, tout voyage intérieur n’est pas nécessairement lié à un trajet réel ou à une mise en route physique effective.

C’est ce concept de « voyage intérieur », en lien avec un retentissement spirituel, qu’il soit réel ou imaginaire, que notre colloque souhaite approfondir et explorer, dans ses transpositions et ses réalisations littéraires. La définition même de ce concept pose problème et sera l’un des enjeux de nos réflexions : le voyage intérieur interroge nos capacités mentales de représentation imaginaire du fait religieux dans son ensemble, il se construit une topographie et éventuellement un lexique propres, il peut mettre en œuvre des formes de sollicitations sensorielles ou physiques spécifiques. Et comme toute construction mentale, il suppose aussi des temps ou des phases de confusion, d’indétermination, voire d’errance liée à l’inconnu qu’il explore. Enfin, qu’il s’accompagne ou non d’un déplacement géographique réel, le voyage intérieur peut prendre diverses formes, qui toutes traduisent d’une manière ou d’une autre la transformation psychique du voyageur, liée à l’approfondissement de sa vie de foi, voire à sa conversion. Entre songe et récit, entre témoignage et fiction dévote, le voyage intérieur offre donc toute une gamme de possibles qui composent une infinité d’itinérances spirituelles. Même lorsque l’objectif est clairement défini et les moyens de l’expérimentation méthodiquement mis en place, le trajet composé est rarement linéaire : les divagations de l’esprit ou les interruptions liées aux réalités extérieures (celles du corps et celle du monde) imposent éventuellement de recommencer le voyage et de procéder par étapes. Les causes du voyage spirituel peuvent être multiples (crise mystique, retraite volontaire ou captivité forcée, exercice spirituel réfléchi et méthodique) et les enjeux différents (individuels ou communautaires, pédagogiques ou édifiants, thérapeutiques ou cathartiques), mais dans tous les cas le voyage intérieur traduit une quête de sens, une volonté de dépassement des signes tangibles du visible, un irrépressible besoin de percer les mystères de la Création et d’approcher au plus près du divin.

Ce colloque s’intéressera prioritairement à la tradition chrétienne du voyage intérieur, mais d’autres formes de spiritualité pourront éventuellement être envisagées, dans une visée comparative. Nous interrogerons les lieux et les images privilégiés du voyage intérieur. Nous en étudierons les formes et les langages, ce qui nous conduira à envisager l’existence ou non d’une topique, voire d’une poétique, du voyage spirituel. Nous interrogerons également les rapports que l’on peut établir entre le voyage de dévotion réel et la fiction d’itinérance dévote, spirituelle ou mystique, en nous arrêtant par exemple sur quelques cas précis : mises en récit de pèlerinages (Lisieux, Saint-Jacques de Compostelle), de retraites ou de crises spirituelles (Jean-Joseph Surin, prêtre jésuite bordelais), de cas de possession ou d’abandon de soi (de la grande affaire des possessions de Loudun aux convulsionnaires de Saint-Médard).

Les communications porteront sur une aire géographique étendue à l’ensemble du territoire européen (France, Espagne, Angleterre, Italie et Allemagne notamment). L’intérêt de cette réflexion commune sur les récits de voyages spirituels sera aussi de mettre en résonance les textes littéraires avec d’autres champs du savoir : théologie, histoire des religions et des mentalités, histoire du livre, histoire de la langue.

Les études pourront notamment s’organiser autour des axes suivants :

- L’écriture du voyage intérieur : comment décrire un cheminement intérieur, abstrait et irréel ? Quels sont la place et le rôle du corps dans cette expérience de voyage intérieur ? Quels sont la place et le rôle des Écritures dans la composition du récit de voyage spirituel ? Comment se construit et se structure l’imaginaire du voyage intérieur ? Quels en sont les lieux privilégiés, les passages obligés ? Peut-on parler d’une poétique de l’itinérance spirituelle, mais aussi d’une confessionnalisation de l’expérience du voyage comme du récit ?

- Les enjeux de cette écriture : le récit de voyage spirituel s’adresse-t-il à un public spécifique ? S’agit-il de témoigner pour soi et pour les autres d’une vérité révélée ? S’agit-il plutôt d’édifier le récepteur, ou de le convertir ? S’agit-il d’apaiser un tourment intérieur persistant et obsédant ?

- Les voyages démoniaques et les voyages parodiques (récits de séjours aux enfers, de voyages nocturnes avec le Diable, en route pour le sabbat) : quand le Diable vient s’emparer de l’auteur-voyageur, que devient le récit ? Être un vagant, un itinérant ou un errant, ne pas savoir rester statique, n’est-ce pas là une caractérisation traditionnelle du démon et non du bon chrétien ? Mais alors qu’en est-il en période de persécution religieuse ? Comment concilier l’errance et la pratique (communautaire comme individuelle) de la foi ?


Modalités

Les propositions de communication [un titre accompagné d’un résumé d’une dizaine de lignes] sont à envoyer à Inès Kirschleger (ines.kirschleger@univ-tln.fr) et Françoise Poulet (francoise.poulet@u-bordeaux3.fr) avant le 15 mars 2014.

 

Comité scientifique :

Christian Belin, Université Paul-Valéry - Montpellier III

Marie-Madeleine Fragonard, Université Paris III - Sorbonne Nouvelle

Pierre Ronzeaud, Université d’Aix-Marseille

Myriam Tsimbidy, Université Bordeaux Montaigne

Ruth Whelan, National University of Ireland Maynooth