Intersexualités
Proust et Racine
Dans le diptyque qui forme sous le titre Sodome & Gomorrhe le quatrième volume d’À la Recherche du temps perdu, Proust fait de l’homosexualité l’un des thèmes majeurs de son roman, avec cette double difficulté que le narrateur est réputé durablement (et exclusivement) hétérosexuel et encore ignorant des mœurs des « invertis » dont il dit faire ici la découverte. On formulera l’hypothèse que les tensions liées au statut du narrateur sont régulièrement médiatisées, tout au long de l’œuvre, dans des échappées vers d’autres textes (et d’autres genres) : on propose de nommer intersexualités, par un (candide) mot-valise, ces moments textuels où la question de la différence sexuelle est prise en charge par un jeu intertextuel lui-même problématique. Les moments récurrents où Proust mobilise de façon iconoclaste les deux tragédies bibliques de Racine — Esther et Athalie mettent en scène deux épisodes de l’Ancien Testament, donc de l’histoire du peuple juif — constitueront notre principal terrain d’enquête, et autant d’occasions de méditer ce mot de Charlus à Jupien : « Du reste, ne soyez pas choqués. Tout cela est une question de genre. »
Textes au programme :
Proust, Sodome & Gomorrhe I & II, éd. A. Compagnon, Gallimard, coll. « Folio »
Racine, Esther et Athalie, dans Théâtre complet, vol. 2, éd. J.-P. Collinet, Gallimard, coll. « Folio ».