Agenda
Événements & colloques
Histoires littéraires autour de 1800: le cas de la France et de l'Allemagne

Histoires littéraires autour de 1800: le cas de la France et de l'Allemagne

Publié le par Julia Peslier (Source : Geneviève Espagne)

Colloque international Amiens les 26 et 27 janvier 2007 (Centre Circulation des savoirs et des textes entre l'espace germanique et les autres pays européens - Université de Picardie-Jules Verne) - Coordination scientifique : Geneviève Espagne

           Histoires littéraires autour de 1800 : le cas de la France et de l'Allemagne


    Jusqu'en plein XVIIIe siècle domine en Europe, dans le découpage des savoirs comme dans la structure universitaire, l'historia litteraria héritée des XVIe et XVIIe siècles. L'oeuvre de l'érudition est encyclopédique dans son contenu, cumulative ou systématique dans sa forme. Elle est aussi collective et s'exprime dans des compendia, des dictionnaires, des lexiques, des catalogues d'auteurs, des “bibliothèques” d'oeuvres qui se construisent dans la dimension diachronique et synchronique sur la base de réseaux liant l'érudit présent aux travaux de ses devanciers et/ou de ses contemporains. Elle détermine la pratique de l'histoire, de la théologie, de la philosophie, de la philologie. Elle est précisément une pratique érudite et non une discipline.
    L'histoire de la littérature comme récit chronologique continu, porté par une idée, en l'occurrence l'idée nationale, et s'adressant à des lecteurs n'appartenant pas nécessairement à la communauté savante est établie en Europe au XIXe siècle. Il suffit de penser, en Allemagne, à la Geschichte der poetischen Nationalliteratur der Deutschen (1835-1842) de Georg Gottfried Gervinus ou, en France, à l'Histoire de la littérature française de Désiré Nisard (1844).

    L'objet du colloque sera l'histoire littéraire en Allemagne et en France dans la période intermédiaire, c'est-à-dire depuis les années 80 du XVIIIe jusqu'à la fin de la seconde décennie du XIXe siècle. C'est là qu'émerge l'histoire de la littérature au sens moderne du terme. Les modèles sont à inventer, les concepts comme les modes d'écriture sont hybrides, héritage et innovation.

    Il sera intéressant d'étudier comment chaque essai prend des options et tente de résoudre certaines questions fondamentales :
        - Rapport entre histoire de la littérature et histoire tout court. Filiations entre l'histoire de la littérature et les écoles historiques dominantes dans les deux pays : l'école historique de Göttingen (August Ludwig Schlözer, Johann Christoph Gatterer) / Voltaire (Siècle de Louis XIV, 1751 ; Essai sur les moeurs, 1756).       
        - Rapport entre historiographie pragmatique, qui lie l'étude de la chronologie à celle de la causalité historique, et philosophique, qui tend à subsumer les faits sous des idées : progrès de l'humanité, de la culture, du goût / décadence des Lettres au XVIIIe siècle (Les trois siècles de notre littérature d'Antoine Sabatier de Castres, 11772 … 1788, abrégé en 1821 ; Cours de littérature ancienne et moderne de Laharpe, 11799-1805 … 1840 / Vorlesungen des deux frères Schlegel), problème de la téléologie. L'esprit de polémique.   
        - Rapport entre histoire de la littérature et critique littéraire, entre relativité historique et normativité esthétique (Laharpe / Fr. Schlegel).    
       - Mise en forme du récit à partir de connaissances et d'un matériau philologique qui ne cessent de croître à partir des dernières décennies du XVIIIe siècle : problème de la cohérence, de la perspective, de l'objectivité du récit ; coexistence de formes diverses plus ou moins neuves, “tableaux” (Les trois siècles de notre littérature, ou Tableau de l'esprit de nos écrivains de Sabatier), caractéristiques (Carl August Küttner, Charaktere Teutscher Dichter und Prosaisten, 1780), dictionnaires alphabétiques (Carlo Denina, La Prusse littéraire sous Frédéric II, 1790-1791), notices biographiques, présentations générales s'efforçant d'établir des cohérences diachroniques et synchroniques ; organisation par siècles, par genres, etc.


    Les premiers éléments d'une histoire de la littérature allemande ont été rédigés à l'intention d'un public étranger, en l'occurrence du public français (Jakob Friedrich von Bielfeld, Progrès des Allemands dans les sciences, 1752 ; Correspondance littéraire de Friedrich Melchior Grimm, à partir de 1753 ; au début du siècle suivant De l'Allemagne de Madame de Staël). Le moment étranger est donc constitutif de l'émergence des histoires littéraires européennes. L'hypothèse du colloque est que, en élargissant le champ d'investigation à l'horizon européen, le rapprochement des théories et des pratiques de part et d'autre du Rhin doit pouvoir à la fois apporter un éclairage nouveau sur les deux traditions et, dans le cas optimal, par-delà la simple comparaison des approches, mettre au jour ces croisements, ces emprunts, ces adaptations du modèle respectivement étranger qui sont souvent dissimulés par la relation agonale entre les deux aires culturelles.

    Il existe des décalages bien connus entre les Lettres françaises et allemandes de l'époque, qui tiennent par exemple à la représentation d'une asynchronie déterminée par une prédominance du XVIIe siècle français, ou à la prépondérance spécifique de l'institution universitaire dans les pays de langue allemande. En France, on peut voir dans l'âge d'or du dictionnaire entraîné par la grande entreprise encyclopédique la cause d'un décrochage par rapport à l'inauguration de l'histoire littéraire moderne dans la monumentale Histoire littéraire de la France qu'avait lancée Dom Antoine Rivet de la Grange (1733-1763) et que continuèrent des membres de l'Institut entre 1814 et 1820.
En France et en Allemagne, l'histoire littéraire conquiert autour de 1800 de nouveaux espaces littéraires : le moyen âge, les littératures du sud de l'Europe, et façonne leur image (Pierre-Louis Ginguené, Histoire littéraire d'Italie, continuée par François Salfi, 1811-1835 ; Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi, De la littérature du midi de l'Europe, 1813 / Friedrich Bouterwek, Geschichte der Poesie und Beredsamkeit, 1801-1819). Le comparatisme initié par Herder dans ses Briefe zu Beförderung der Humanität (1795-1797) commence à avoir des prolongements concrets dans l'histoire littéraire.

    Il va sans dire que cette présentation n'est pas exclusive. Elle n'a d'autre ambition que d'indiquer des pistes, pour l'étude systématique comme pour les études de cas.


                            Vendredi 26 janvier

            Matinée : Expérimentations et traditions

Klaus Weimar (Zürich)
Leonhard Meisters diverse Ansätze zur Literaturgeschichtsschreibung

Dinah Ribard (Paris-EHESS)
L'Histoire littéraire de la France des Mauristes.

Jean-Thomas Nordmann (Amiens)
Le rôle des Idéologues aux origines de l'histoire littéraire en France

Gérard Laudin (Paris IV-Sorbonne)
L'articulation entre historia literaria et historia universalis de Reineccius à Eichhorn


            Après-midi : L'idée d'une littérature nationale


Hans Adler (Madison)
Literaturgeschichte im Kontext und Kulturtransfer : Johann Gottfried Herder

Gérard Gengembre (Caen)
Nation, histoire et littérature selon Mme de Staël : le cas de l'Allemagne

Anne Sommerlat (Amiens)
“L'esprit proprement allemand” ou comment penser une histoire littéraire de langue allemande : les Charaktere teutscher Dichter und Prosaisten de Karl August Kütner

Wolfgang Adam (Osnabrück)
Un prélude à la philologie allemande : les “Altdeutsche Wälder” des frères Grimm

Cristina Trinchero (Turin)
Pierre-Louis Ginguené : une nouvelle histoire littéraire pour une ancienne identité nationale


                            Samedi 27 janvier

            Matinée : Archétype / diachronie

Udo Schöning (Göttingen)
Sismondis De la littérature du midi de l'Europe

Edith Höltenschmidt (Köln)
Die romantische Poesie in Friedrich Schlegels Literaturgeschichtsschreibung

Philippe Roger (Paris-EHESS)
Le cours de littérature de Laharpe à l'Ecole Normale de l'an III

Clémence Couturier (Amiens)
L'histoire de la versification dans les leçons sur La théorie de l'art d'A. W. Schlegel


            Après-midi : Universalisme / comparatisme

Franca Sinopoli (Rome)
L'histoire de la littérature européenne chez Carlo Denina

Christian Andrès (Amiens)
La première histoire de la littérature espagnole en langue française : l'Histoire de la littérature espagnole traduite de l'érudit allemand Friedrich Bouterwek

Ilona Svetlikova (Saint-Pétersbourg / Paris)
La construction de l'histoire littéraire chez Jean-François Laharpe et la notion de goût

Geneviève Espagne (Amiens)
Une histoire transnationale de la littérature française : le cas de la Geschichte der französischen Poesie und Beredsamkeit de Friedrich Bouterwek



Pour tout renseignement s'adresser à : genevieve.espagne at free.fr