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Harlequin enchaîné, 50 nuances de Grey (dossier Pop-en-Stock)

Harlequin enchaîné, 50 nuances de Grey (dossier Pop-en-Stock)

Publié le par Marc Escola (Source : Antonio Dominguez Leiva)

Vendue à 65 million d'exemplaires dans le monde, la trilogie de E. L. James autour des amours tortueuses de la naïve universitaire Anastasia Steele et le jeune magnat Christian Grey constitue l´oeuvre la plus rapidement et viralement consommée de l´Histoire de l´édition. Émergeant de la fan fiction qui prolifère autour de la série Twilight, il s´agissait de transformer la pornographie de l´abstinence qui unit le couple principal en un récit d´initiation sadomasochiste, ce qui fut perçu par la communauté twihard comme une profonde entorse au mythe initial, provoquant l´exil de l´œuvre des sites officiels d´expansion de la franchise et par là son affranchissement du canon vampirique. Triomphant dans les nouveaux réseaux de la cyberlecture (du web au e-book), la trilogie imprimée devint vite l´oeuvre la plus vendue sur Amazon.

Saluée par J. Goudreau comme l´émergence d´un nouveau sous-genre, le "mommy porn" destiné aux mamans trentenaires nostalgiques d´une sexualité à laquelle elles auraient en grande partie renoncée, honnie pour ses phrases "asiniennes" et sa trame "déprimante" (J. Reeves), l´œuvre intrigue avant tout par les conditions de son succès. Ce nouveau jalon dans la blockbusterisation marchande de la littérature de masses a été ironiquement considéré comme le symptôme d´une nouvelle (et ultime) décadence par le New York Daily ("Fin de la civilisation: E. L. James choisie Personnalité de l´Année par le Publishers Weekly"), réveillant des vieilles craintes autour de l´abêtissement (dumbing down) des masses américaines et, désormais, planétaires.

Le débat attise bien entendu les réflexions autour du post-féminisme. Alors que l´on peut se demander avec K. Roiphe si le libre arbitre est devenu pour les femmes un fardeau dont elles voudraient se délivrer par des fantasmes de soumission, d´autres penseuses y voient au contraire un signe inévitable et positif de l´égalité d´opportunités, les femmes étant libres enfin d´accéder sans complexes à leur propre pornographie. Or qu´il soit le signe de l´échec ou du triomphe du féminisme, ce qui frappe dans ce prétendu érotisme c´est à quel point il est dominé par le modèle de la littérature sentimentale la plus traditionnelle, au moment même où les productions Harlequin sont entrées dans une ère de sexualisation explicite de leurs produits (la catégorie Blaze/Désir), déjà annoncée par le succès de leurs rivales (Silhouettes, Candlelight Ecstasy) dans les années Reagan. La sentimentalisation du BDSM aux bras du Prince youppie serait-elle alors le signe d´un autre retour du refoulé, au-delà de la régression vers des consolations archaïques d´une féminité en déreliction?

 

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