Édition
Nouvelle parution
G. Todeschini, Richesse franciscaine. De la pauvreté volontaire à la société de marché.

G. Todeschini, Richesse franciscaine. De la pauvreté volontaire à la société de marché.

Publié le par Marc Escola

Richesse franciscaine. De la pauvreté volontaire à la société de marché
Giacomo Todeschini


Paru le : 25/09/2008
Editeur : Verdier (Editions)
Collection : Verdier Poche

EAN : 9782864325499

Prix éditeur : 13,80€


Adeptes d'une pauvreté rigoureuse et évangélique, les franciscains sont paradoxalement amenés, du fait précisément de ce choix " scandaleux ", à examiner toutes les formes de la vie économique qui se tiennent entre la pauvreté extrême et la richesse excessive en posant la distinction entre propriété, possession temporaire et usage des biens économiques.
Selon quelles modalités les chrétiens doivent-ils s'approprier l'usage des biens terrestres ? Pour répondre à cette question, les franciscains furent nombreux, depuis le treizième siècle, à écrire sur la circulation de l'argent, la formation des prix, le contrat et les règles du marché. Dans ce cadre, la figure du marchand actif, qui sait faire fructifier par son travail et son commerce un capital - en soi dépourvu de valeur - s'affirme positivement dans la mesure où elle contribue à la croissance d'un " bonheur citadin ".
A l'opposé, la figure du propriétaire foncier, du châtelain, de l'aristocrate qui conserve pour lui-même, thésaurise et ne multiplie pas la richesse apparaît comme stérile et sous un jour négatif. La réflexion franciscaine est donc à l'origine, avant même l'éthique protestante étudiée par Max Weber, d'une grande partie de la théorie économique européenne et, en particulier, de l'économie politique qui considère que les richesses de ceux qui forment la communauté civile sont une prémisse fondamentale du bien-être collectif.

 

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On peut lire sur le blog L'Amateur d'idées un article sur ce livre:

"Les franciscains vont sauver Wall Street"

et sur nonfiction.fr:

"Le franciscanisme et l'éthique du capitalisme" et "Le capital au XIIIe siècle".

 

 

 

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Dans Libération du 7/11/8, on pouvait lire un art. de R. Maggiori sur cet ouvrage:

 

"Le marché selon Saint-François

Comment comparer l’hostie consacrée à une… «monnaie de la meilleure frappe», etaffirmer, comme le faisait vers 1120 le moine Geoffroi de Vendôme, quela capacité de l’une à équivaloir au salut renvoie à l’aptitude del’autre à représenter une valeur ? Si cela ne scandalisait personne,c’est qu’il ne devait pas y avoir «d’imperméabilité entre le marché et le monde chrétien, pas plus que de séparation nette entre la morale et les affaires», ou, si l’on veut, entre «éthique catholique» et «capitalisme». On le croit volontiers lorsque cette «coïncidence nécessaire» s’établit entre pouvoir et richesse. Dans la société des XIe et XIIe siècles (avant et après aussi), les «principaux dépositaires et détenteurs de la richesse»étaient les évêques, les abbés, les seigneurs territoriaux, lessouverains - qui tous, évidemment, louaient les valeurs chrétiennesd’humilité, de charité, de partage. Mais qu’en est-il des courantsreligieux qui, à la même époque, choisissent, comme les franciscains,de renoncer à leurs biens ? Peut-il y avoir une connexion entrepauvreté volontaire et rationalité économique, entre la «langue de la perfection évangélique» et les lexiques d’une société qui va régler le maximum de rapports en termes comptables, monétaires ?

Catégories. «Au cœur même de la catholicitéromaine, le franciscanisme découvrit progressivement dans la privationet le renoncement les éléments décisifs d’une compréhension de lavaleur d’échange.» Pour ce faire, tout en exprimant la «religiosité la plus rigoureuse», il s’intéressa à la circulation de l’argent, aux prix, aux investissements, aux règles du marché, et élabora ainsi «un certain nombre de catégories fondamentales du raisonnement économique occidental». Telle est la thèse, paradoxoale, que, dans Richesse franciscaine, soutient Giacomo Todeschini, médiéviste, directeur du département d’histoire et d’histoire de l’art de l’université de Trieste.

Richesse franciscaine est un livre remarquable, dans le style des travaux de Georges Duby ou Jacques Le Goff- entre autres Marchands et banquiers du Moyen Age - qui doit être placé, si on peut dire, «en face» de l’ouvrage classique de Max Weber, l’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme,dans la mesure où, chez François d’Assise, mais aussi bien chez Bernardde Clairvaux, Pierre de Jean Olivi, Bernardin de Sienne ou Jean DunsScot, il trouve à l’économie commerciale, aux «usages sensés»de l’économie, socialement productifs, des sources catholiques bienantérieures à celles que Weber trouvait chez Calvin et dans la Réforme.

On ne saurait résumer une étude historique si circonstanciée, queTodeschini expose de façon limpide. L’essentiel tient à ceci : lanouvelle façon, franciscaine, d’entendre la pauvreté, comme renoncementà la propriété, a créé un raffinement de la capacité d’userdes biens économiques, et donc induit une réflexion tant sur le statutde la pauvreté subie que sur celui de la richesse, en mettant en criseles formes de l’une et de l’autre. La pauvreté des pauvres, desmiséreux et des mendiants apparaît dès lors comme «honteuse reddition sans lutte», n’ayant rien de «sacré», et rien de comparable au «pouvoir victorieux du Christ pauvre». La «richesse dévoyée»des usuriers se trouve stigmatisée et attachée de plus en plus souventà l’«infidélité» des juifs. La richesse des riches est blâmée si,thésaurisation cupide, jouissance de «patrimoines immobilisés par les logiques d’héritage»,elle ne se rend pas vertueuse (et fructueuse) par sa mise encirculation sociale, par l’économie du don et de la distribution. Lechoix d’une pauvreté active est un exemple pour ceux qui doiventadministrer leurs richesses et, ceux, indigents, qui ne saventadministrer leur pauvreté passive. «L’autoprivation devient une école où l’on apprend à évaluer le besoin et la nécessité», à éviter le superflu et le gâchis, à distinguer le prix des choses de leur valeur.

«Laboratoire». Le Poverello d’Assiseparlait aux oiseaux, portait attention à la nature, à l’herbe, au feu,à l’eau, découvrait dans les ermitages, les forêts ou les grottes «un pan des richesses du monde irréductible à une valeur d’échange». Sa pauvreté traduisait «lacapacité à percevoir l’utilité de ce qu’une rationalité purementmonétaire, indexée sur le métal des monnaies, déclarait sans valeur». A partir du languedocien Pierre de Jean Olivi, on sera plus sensible aux réalités marchandes. Le «laboratoire économique franciscain» découvre dans «leprêt public et dans le commerce des titres de crédit qui en découle, unparcours civique de la finance d’autant plus éthique qu’il s’avère apteà promouvoir la circulation fluide et constante de l’argent, des chosesou des promesses de paiements». C’était au XIIIe siècle."

 

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Voir également sur nonfiction.fr : "Le franciscanisme et l’éthique du capitalisme"