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Fruits de la terre

Fruits de la terre

Publié le par Ivanne Rialland (Source : Catherine Brun)

Fruits de la terre. 

Du produit exotique au symbole patriotique. (Caraïbes hispaniques XVIII-XX)


Colloque international

Chambéry
14-15 octobre 2011
http://www.lls.univ-savoie.fr/index.php?dossier_nav=1228

Colomb, dans son journal de bord consigne une vision initiale de ces îles, portes d'entrée de la future Amérique : « Une fois à terre, nous vîmes des arbres très verts et de l'eau, et des fruits de toutes sortes ». Le regard de l'Occident sur ce « monde nouveau », cet « eden », cet « eldorado », se fige, avide, sur un continent dont on voudra s'approprier les fruits.

Après le sac des maigres ressources en or, les colons se tournent vers les produits de la terre de l'aire caraïbe : tabac, quinine, cochenille, indigo... Le commerce transatlantique se développe et pose les bases de la consommation de produits exotiques de luxe sur les marchés du vieux continent. Le café et la canne à sucre, transplantés à Cuba, s'acclimatent. Leur culture, leur commerce et leur diffusion modifient durablement les habitudes comportementales en Europe. A ces négoces, s'ajoute bientôt le lucratif commerce du « Bois d'ébène », nécessaire au développement de l'économie de plantation, fruit empoisonné de l'union des intérêts de la Métropole et des Créoles. La société de Cuba coloniale se modèle en fonction de ses impératifs.

Enrichis par les fruits de leur Terre, les Créoles modifient leur regard sur leur monde. Du sentiment de reconnaissance envers une terre uniquement productive, l'on glisse vers la reconnaissance et l'amour pour la Terre où l'on est né et où vivent les siens. Emergent alors des discours articulés sur le thème lyrique ou scientifique de la nature autochtone, de la campagne et de leurs produits.

Les « Fruits de la Terre » ne cessent d'acquérir, au cours du siècle suivant, une valeur symbolique grandissante. Ils permettent de mettre en valeur la Petite Patrie, de la glorifier. Ils accompagnent la transition vers le discours patriotique et fournissent des attributs à la nation qu'on imagine. Les vers de Marti, évoquant « el pais donde crece la palma », n'ont-ils pas fait le tour du monde ?

Indépendant mais pas souverain, l'état cubain doit, au long du XXe siècle, tantôt protéger, tantôt promouvoir, ses richesses naturelles et ses produits culturels, véritables fiertés nationales et productions principales d'une économie sous contrôle extérieur. Fernando Ortiz impose la reconnaissance dans le Nuevo catauro de voces cubanas des cubanismes, de ces « fruits » de l'idiosyncrasie, pendant que dans les secteurs du sucre, du tabac, du café, les conflits sociaux et anti-impérialistes se nouent. La canne à sucre devient symbole de la rébellion des travailleurs précaires sous la plume de Poveda, de Guillén.

Sous la révolution, l'URSS fit du sucre l'essentielle monnaie d'échange, dans le cadre de l'insertion de Cuba, boycottée par l'occident, à son marché. Gageure de l'agriculture, la « Zafra de los Diez Millones » est aussi assimilée dans le discours officiel à un acte héroïque nationaliste et révolutionnaire. Mais l'on rechercha également des alternatives pour rompre la dépendance à la monoculture.

Ainsi, l'intitulé “Fruits de la Terre” fait référence autant à la flore autochtone naturelle qu'aux produits de culture et aux manifestations de la culture, autant à la terre cultivable qu'à la représentation de la Patrie ou autres jeux de métonymie. Nous souhaitons permettre que se croisent les perspectives disciplinaires et que se complètent les lectures de l'histoire économique, de l'histoire sociale, de l'histoire de l'art, de l'histoire culturelle et de la littérature afin de cerner l'évolution de cette thématique identitaire.

Comité scientifique : Sylvie Bouffartigue (Université de Savoie), Raul Caplan (Université d'Angers), Aline Janquart (Université de Bourgogne)