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Appels à contributions
Formes spectaculaires traditionnelles et processus de patrimonialisation

Formes spectaculaires traditionnelles et processus de patrimonialisation

Publié le par Florian Pennanech (Source : Brigitte Prost)

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FORMES SPECTACULAIRES TRADITIONNELLES

ET PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION

Appel à contribution

Datelimite : 21 décembre 2009.

Journéesd'études : Jeudi 25 mars et vendredi 26 mars 2010

Organisateurs : Yves Defrance (ethnomusicologue HDR, Université Rennes2-Haute Bretagne, Directeur du CFMI de Rennes) et Brigitte Prost (maîtrede conférences en études théâtrales à l'Université de Rennes 2-Haute Bretagne).

Programme de recherche :« La scène comme lieu de mémoire » ; laboratoire « LaPrésence et l'image », Université de Rennes 2 ; EA 3208 :« Arts : Pratiques et poétiques ».

Lieu des journées d'études :Université Rennes 2-Haute Bretagne.

Quel qu'en soit le champ considéré – théâtre, danse, musique – lespectacle vivant s'inscrit dans une pratique artistique, par définition,éphémère. A contrario, il peut aussi s'avérer être une forme d'expression par laquelle une société sevoit interroger son passé à l'aune du présent. Les propositions de mises enscène historicistes des auteurs classiques en fournissent un bon exemple. QuandGiorgio Strehler part en quête des modes de représentations perdus de la Commedia dell'arte, le spectacle vivantinvite en revanche ladite société à retrouver des techniques et savoir-faired'une époque avec plus ou moins d'exactitude pour ensuite les transmettre. Lesformes artistiques dites « traditionnelles » paraissent, elles,entretenir un rapport au passé particulièrement étroit, sans ruptures. Nonseulement elles font l'objet d'une longue transmission par des maîtres quiimposent une observance plutôt stricte du modèle hérité, mais ellesfonctionnent, semble-t-il, comme des « lieux de mémoire » - pourreprendre une expression de Pierre Nora -, indirectement chargées qu'elles sevoient d'une mission de conservation d'un patrimoine immatériel, elle-mêmeessentielle pour la définition identitaire d'un groupe social, d'une ethnie,d'un État ou d'une nation.

Leur fixation par l'écrit, comme Mei Lan Fang le fit pour l'Opéra dePékin, ou par la création de conservatoires, comme le Kalamandalam àl'instigation de Vallathol en 1930 pour certains arts du Kerala, est àl'origine sans doute de leur transformation en « patrimoineimmatériel » officialisé. Mais comment définir ce patrimoine ?Comment un art devient-il patrimoine ? Par quel processus ? Et dansquel contexte sociopolitique ? N'est-ce pas précisément quand despratiques artistiques menacent de s'éteindre qu'elles cristallisent lesaspirations fédératrices pour une communauté d'hommes ? Dans quelle mesurecette « beauté du mort » dont parle Michel De Certeau agit, elleaussi, comme un levier puissant sur la prise de conscience collective d'unpatrimoine immatériel ?

Ces premières interrogations seront sansdoute à mettre en perspective avec les diverses déclinaisons de la notion d'identité,et leurs conséquences sur les choix opérés dans la volonté de faire perdurer ounon des formes spectaculaires et leur donner valeur de patrimoine. Depuis lesannées 1990, on assiste à l'extension rapide du système économique capitaliste,à la quasi totalité des sociétés humaines de la planète. Peu ou prou, tous lesÉtats participent de ce phénomène bien connu sous les termes de mondialisationet de globalisation. Pour autant, parallèlement à cette intégration à la foissubie et volontaire – et cette double attitude d'attirance et de rejetmériterait d'être analysée - on observe un mouvement apparemment inverse sur leplan politique. D'un côté le développement d'accords commerciaux bilatérauxentre pays, et la volonté de regrouper un certain nombre d'intérêts, voire deprendre la direction fédérale, comme par exemple la mise en place d'une monnaieunique dans la zone euro. De l'autre, la multiplication de nouveaux Etatsnations issus de la disparition des empires coloniaux, puis de la désintégrationterritoriale du système soviétique, et même de l'affirmation de multiplesentités locales, ethniques ou religieuses. La chute des grands ensembles paraîtainsi encourager les petites nations à se manifester et à s'imposer au regardde tous. La séparation de la Tchéquie et de la Slovaquie, de la Croatie et dela Bosnie, sans parler de l'Ukraine ou du Kosovo viennent rappeler combienl'entrée dans l'économie de marché s'accompagne tout autant d'un émiettementdes structures politiques et d'un partage des identités, parfois dans desanglantes déchirures que l'on croyait à jamais exorcisées depuis 1945.

Si ces formes violentes occupent le devantde la scène, d'autres formes plus pacifiques, mais non moins actives, se sontdéveloppées depuis le début du XXe siècle, et plus visiblementencore depuis les années 1960, un peu partout et à des niveaux sociaux trèsdivers. Toutes ces réinventions de pratiques culturelles identitaires récentesont été pendant très longtemps négligées ou méprisées au motif principal qu'ellesapparaissaient comme de pures fictions et des bricolages artificiels plus oumoins savamment habillés. Les sociologues, les anthropologues et lesphilosophes ont chacun à leur façon défini plus largement les termes du débat,ses tenants et ses aboutissants. L'anthropologie d'un Claude Lévi-Strauss, oud'un Maurice Godelier, apporta une contribution décisive pour avoir su, dèsl'origine, se fixer pour objectif de découvrir, de comprendre et de fairecomprendre les différentes façons d'agir et de penser, les divers modesd'organisation de la vie en commun des membres d'une même société, mais aussides sociétés les unes par rapport aux autres. Cependant, pour fondamentale quesoit cette contribution anthropologique, pour importante que soit celle aussi desautres sciences sociales, leurs perspectives mêmes, qui visent à déterminer desstructures et des règles, voire des principes, de fonctionnement, neparviennent pas totalement à restituer les évolutions des phénomènes et lesdifférentes formes qu'ils revêtent au fil du temps. Dans une démarche inversede celle de Jacques Le Goff, qui s'intéressa de près à l'anthropologie pouravancer dans sa réflexion, notre recours à l'histoire peut s'avérer d'unegrande fécondité pour apporter des éléments de réponse à bon nombre d'aspects de notreproblématique.

Formulée en ces termes, la question,appliquée aux arts spectaculaires de Beijing ou du Kerala – tels que nous lespercevons en Occident -, peut sembler très loin des préoccupationsgéopolitiques de notre époque. Pour autant, en ce qui concerne la constructiondes identités culturelles, l'histoire paraît à même de nous donner un éclairageparticulièrement lumineux. On sait déjà que les constructions identitaires se définissent toujours par réaction,en fonction de contextes historiques très précis. Pour tenter d'en décrypterles mécanismes, il devient donc nécessaire de reconstituer avec minutie chaqueenvironnement dans lequel les acteurs s'intègrent, ou vis-à-vis duquel ils sedémarquent. Les stratégies et les choix identitaires ne prennent sens qu'enfonction d'une toile de fond changeante, qui les conditionne et en détermine lefonctionnement. Les cas étudiés par les uns et les autres (émergence du Ca Trù au Vietnam, xöömi de Mongolie, BharataNatyam et Mohini Attam comme Kathakali…) lors de nos journéesd'étude, garderont donc en vue cette dimension identitaire (ancienne ourécente) que revêt la forme artistique considérée. Pour ce faire, nouschercherons à en comprendre le fondement et les causes en vue de dégagerprogressivement les items du processus de patrimonialisation. Les artstraditionnels semblent par définition relever de pratiques séculaires,transmises de générations en générations, mais à y regarder de plus près, cestraditions de jeu nous paraissent de plus en plus des constructionsidentitaires - visant à une certaine écriture du passé, de l'histoire et de lamémoire d'un peuple. Une enquête à résoudre collectivement en balayant un champlarge de cas d'étude dans plusieurs disciplines des arts du spectacle vivanttraditionnel.

Nous faisons appel aux chercheursde toutes disciplines s'intéressant aux arts du spectacle vivant. Cette doublejournée d'études fera l'objet d'une publication sous forme d'un ouvragecollectif.

Les propositions de communication(500 mots environs, en français, accompagnées d'une brève biographie) devrontparvenir au plus tard le 21 décembre 2009 à :

yves.defrance@univ-rennes2.fret fbprost@wanadoo.fr

Comité scientifique : LucCharles-Dominique (Université deNice-Sophia-Antipolis), Yves Defrance (Université Rennes 2-Haute Bretagne), KatiaLégeret (Université Paris 8), Brigitte Prost (Université Rennes 2-HauteBretagne).