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Figures de Lazare dans le domaine russe et au-delà

Figures de Lazare dans le domaine russe et au-delà

Publié le par Alexandre Gefen (Source : CRLMC)

Colloque international
FIGURES DE LAZARE DANS LE DOMAINE RUSSE ET AU-DELÀ

« Seigneur, il est mort depuis quatre jours et il sent déjà ! » A Béthanie, la résurrection de Lazare, frère de Marthe et de Marie, est l'acte majeur accompli par le Christ avant la Passion pour servir à sa glorification. La résurrection de Lazare permet de prouver aux assistants la divinité du Christ. Elle est aussi le signe de la puissance de la croyance, la manifestation de la supériorité du spirituel sur le matériel, du céleste sur le terrestre, de l'éternel sur le temporel, du verbe sur l'être. C'est aussi l'acte qui décide de la Passion : c'est après qu'il eut relevé Lazare du tombeau que les Pharisiens se déchaînèrent et résolurent d'en finir avec le Christ. Mais la résurrection de Lazare préfigure celle du Christ, après avoir oint son frère pour le tombeau, Marie en fait de même avec le Christ, et le tombeau vide de Lazare appelle le tombeau vide du Christ.
Prototype de toutes les résurrections sacrées, l'aventure de Lazare contient en puissance tous les éléments - matériels et spirituels - des résurrections symboliques qui parsèment l'histoire littéraire. Bien que particulièrement présent dans la littérature (par ex. chez Dostoïevski, Tolstoï, Andréev) et la philosophie russes (par ex. chez Fiodorov), le thème de la résurrection marque sa trace dans toutes les littératures occidentales en multipliant les références implicites ou explicites au prodige raconté par Jean (Evangile, XI). On cherchera d'abord à déterminer en quelle mesure et à partir de quand Lazare peut devenir un mythe littéraire. Par ailleurs, indissociable de la pensée johannique, la résurrection de Lazare manifeste la toute-puissance du verbe, et son souvenir pourrait se retrouver dans le substrat culturel qui forme le socle des recherches langagières des avant-gardes du début du XXe siècle, dans le double mouvement de destruction et de résurrection du mot. Enfin ne peut-on pas postuler qu'au-delà de la résurrection, l'aventure de Lazare sous-tendrait toute tentative utopique, littéraire et-ou sociale? Ainsi, alors même que la métaphore pascale se retrouve dans maintes représentations poétiques de la Révolution, Lazare, le premier des ressuscités, serait-il le premier des « hommes nouveaux » nés de l'utopie, dont la présence récurrente dans la pensée européenne s'est révélée au XXe siècle comme la meilleure et la plus désastreuse des choses? Ressuscité par la parole du Christ, il est homme re-né par le Christ en tant qu'homme. Il n'est plus le Lazare malade d'avant la résurrection, mais reste, après la Passion du Christ et son élévation, le témoin du miracle, survivant de l'utopie attaché à la terre. Héros malgré lui, il reste un homme sans qualité, ou plutôt dont la seule qualité réside dans ce bouleversement inouï des lois naturelles, dont l'être est entièrement trempé par ce deuxième point de départ. Mais c'est un ressuscité imparfait, puisque toujours assujetti au temps et toujours mortel, et peut-être un symbole incarné de la vanité de l'utopie et, a contrario, de la sagesse divine.

Le colloque, qui se tiendra sur deux journées à Clermont-Ferrand les 4-5-6 décembre 2006, réservera un atelier à l'étude de la littérature russe et des littératures chrétiennes du Caucase, où la référence à Lazare est fréquente. Mais il est tout aussi largement ouvert, sans exclusive, à tous les chercheurs en littérature comparée, littératures française et francophone et littératures étrangères.