Questions de société

"Faut-il vraiment appliquer la réforme des lycée ? Est-ce vraiment légal?", par M. Comas (Blog Médiapart, 30/01/10)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Dossier réforme du lycée


Faut-ilvraiment appliquer la réforme des lycée ? Est-ce vraiment "légal" ?

Par Montserrat Comas,

Blog de Médiapart, 30 janvier 2010

http://www.mediapart.fr/club/blog/montserrat-comas/300110/faut-il-vraiment-appliquer-la-reforme-des-lycee-est-ce-vraiment-le


"Quandle gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour lepeuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits etle plus indispensable des devoirs." (article 35 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 24 juin 1795)

En quelques mots, voici pourquoi je crois bon de ne pas appliquer la réforme des lycées prévue pour la rentrée 2010.

J'imagineassez facilement l'enthousiasme qu'ont pu déclencher chez certainsparents les effets d'annonce de cette réforme des lycées. Deux heures« d'accompagnement personnalisé » consacrées à leur enfant, un gentiltuteur, davantage de choix et de diversité dans les cursus et lesfilières, une orientation moins directive, plus souple, desapprentissages enfin tournés vers notre monde moderne et globalisé, …

Maisaucun enseignant ne peut être dupe. Il suffit de se pencher un peu,muni d'une petite calculatrice, de refaire quelques comptes pours'apercevoir qu'il ne s'agit que d'un énième moyen pour dépecer encoredavantage ce qui reste du service public. Une réforme conforme auxsaignées budgétaires que subissent l'Hôpital, la Justice, la Poste, …

Biensûr, les professeurs nous serons en première ligne pour subir lesconséquences logiques de cette politique de suppressions de postes,mais ce sont les élèves qui en paieront les pots cassés, qui enporteront les plus graves séquelles.

Mais ce qui me révolte le plus, ce n'est même pas cela…

Sansqu'il ait été fait de bilan des dernières réformes sur les programmes,idem pour la suppression de la carte scolaire, il s'impose une volontéterrible, pressée et insidieuse de vouloir remodeler de façonfondamentale les contenus, les missions de l'école de la République. Etce, de la Maternelle à l'Université. Les autorités accusent aujourd'huiles enseignants qui résistent à la mise en place de ces réformes defaire passer leur « idéologie » avant leur mission d'enseignantfonctionnaire. Mais qu'il s'agisse de la réforme des programmes del'école primaire hier, ou de la réforme des lycées aujourd'hui, lalecture est très limpide : ces réformes se fondent sur des choixidéologiques très clairs et près prononcés !

Jeme suis engagée dans mon métier de professeur, fière de travailler auservice d'un Etat qui avait fait le choix ambitieux – et idéologique -d'une école laïque et démocratique, une école qui s'évertuait à ouvrirles portes d'un monde libre, égalitaire, solidaire.

Lesréformes que l'on tente aujourd'hui de nous imposer vont parfaitement àl'encontre de cette vision du monde. Elles sont foncièrement etstructurellement élitistes et ne feront que renforcer les injustices etles inégalités auxquelles de plus en plus de citoyens sont aujourd'huiconfrontés en France.

Lesprogrammes, dans toutes les disciplines, favoriseront ceux qui le sontdéjà. Cela s'appelle un choix idéologique : favoriser les élites audétriment des autres classes sociales. Pourquoi pas ? Mais qu'on nevienne pas me dire que le but de ces réformes est de réduire lesdifficultés de nos élèves… Prenons l'exemple des mathématiques : lesmodules, les dédoublements en seconde, vont disparaitre ou serontsoumis au bon vouloir du fameux « conseil pédagogique » qui lui-mêmetransmettra au Proviseur, dernière et unique instance de décision. Enpremière S les élèves vont perdre une heure d'enseignement enmathématiques (sans compter l'heure et demi qu'ils perdront en sciencesphysique et une heure en SVT)… Quels sont les élèves qui malgré celaparviendront à comprendre, intégrer le programme du cursusscientifique ? Sûrement pas ceux auxquels on prétend offrir les moyensde réduire leurs difficultés !

Lesort réservé à l'histoire-géographie et aux SES est emblématique de latournure que l'on veut faire prendre à notre société. Les nouveauxhoraires et aménagements en option facultative ou en enseignementd'exploration pour ces disciplines, montrent à quel point certains denos gouvernants sont attachés aux sciences de l'homme et de la société,à quel point ils sont pressés de voir disparaître ces outils deconnaissance et de réflexion, à quel point la faculté de penser etcritiquer les inquiète.

L'injustice,l'inégalité et la décérébration viendront désormais s'inscrire dansnotre façon d'enseigner et par conséquent, s'imprimeront peu à peucomme modèle dans les esprits de nos élèves et de nos enfants.

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