Questions de société

"F. Bon, Le Viel homme et l'amer", par E. Loret (liberation.fr)

Publié le par Marc Escola

Lu sur liberation.fr, en date du 20 février 2012, ce résumé de la polémique qui a opposé F. Bon à Gallimard quant à une nouvelle traduction du chef-d'oeuvre d'Hemingway:

 

François Bon, «le Vieil Homme» et l’amer

Numérique . L’écrivain qui avait mis en vente sur le Net une traduction de l’oeuvre d’Ernest Hemingway, s’est vu interdire sa diffusion par Gallimard qui se revendique propriétaire des droits du roman.

Par ERIC LORET

C’est le tweet clash des trois derniers jours : «Gallimard n’a rien contre Publie.net et ne demande pas de dédommagements à FBon. Passez un bon week-end.» Réponse de l’écrivain François Bon : «Menteurs ! J’ai la lettre !»

Vendredi après-midi, l’auteur de Daewoo a annoncé sur son compte Twitter que Gallimard lui avait enjoint de «faire disparaître» de son site Publie.net, spécialisé dans la vente de littérature contemporaine, la traduction qu’il avait faite du Vieil Homme et la Mer d’Ernest Hemingway. Egalement que Gallimard demandait des «"dédommagements" pour les 22 (vingt-deux) exemplaires téléchargés» à 2,99 euros pièce. Cette traduction est un «projet de vie ancien», précise François Bon, qui trouve la vieille version Dutourd de Gallimard «lourdingue et approximative».

Juste après, @fbon, «dégoûté», déclarait son intention de fermer son site, condamner mail, téléphone, tweet et même : «pour ceux qui ont mon adresse : viens de mettre à ma poubelle 75 kilogrammes de Pléiade y a Michaux Gracq Borges Char.» Maître Eolas dans la foulée : «Et voilà, @gallimard, pour gagner 3 euros de droits d’auteur, vient de s’offrir un bad buzz à 1 million.» Les plus énervés des tweets de François Bon ont disparu depuis, mais le hashtag #gallimerde avait hier encore de beaux restes.

Qui a raison ? François Bon savait que le texte du Vieil Homme et la Mer était dans le domaine public au Canada. Il croyait qu’il en était de même aux Etats-Unis, ce qui aurait rendu la plainte de Gallimard obsolète, le copyright ne pouvant être plus long en France que celui du pays d’origine de l’auteur. Hélas, comme l’a expliqué Cécile Dehesdin sur Slate.fr, les droits du Vieil Homme auraient pu tomber en 1980, soit vingt-huit ans après sa publication, si la dernière épouse de Hemingway n’avait eu la bonne mauvaise idée de les prolonger, soit jusqu’en 2047. Mais comme le copyright français, c’est soixante-dix ans après la mort de l’auteur, même si les droits courent encore dans son pays d’origine, la libération du texte de «Papa» serait plutôt vers 2032. En revanche, François Bon peut vendre sa traduction en ligne au Canada, à condition que le site marchand empêche les Français de se procurer le livre litigieux.

Gallimard, qui ne veut pas endosser le rôle du méchant, a fini par déclarer que «si on suit strictement la règle, nous sommes en effet les seuls à pouvoir publier une traduction de cette oeuvre. Mais, vis-à-vis de la succession Hemingway, […] nous sommes tenus contractuellement de faire respecter ces droits. François Bon n’avait probablement pas connaissance de ces accords contractualisés.»

Dimanche matin, François Bon reconnaissait son «erreur juridique», tout en pointant que «les droits numériques n’étant probablement pas explicitement spécifiés dans l’accord de commercialisation de l’oeuvre établi dans les années 80 qui fait de Gallimard le cessionnaire exclusif (quelle expression) des héritiers du vieux lion», il pourrait aller en justice s’il le voulait. Mais qu’il ne veut pas.