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Eugène Labiche et le théâtre au second degré

Eugène Labiche et le théâtre au second degré

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Dominique Laporte)

Eugène Labiche et le théâtre au second degré
Dossier de Belphégor sous la direction de Dominique Laporte

Contrairement à Dumas père, à Sue et à Verne, Labiche n'a pas encore droit de cité dans les études dix-neuviémistes, en dépit de quelques monographies et éditions qui ont jalonné sa redécouverte au XXe siècle. Alors que le phénomène du roman-feuilleton et sa réception dans l'histoire de la presse française font l'objet de travaux légitimés par la critique dix-neuviémiste, le vaudeville, auquel est rattaché hâtivement le théâtre de Labiche, souffre encore d'un discrédit imputable autant à sa popularité constante, décriée par l'institution littéraire du XIXe siècle au nom des « genres nobles », qu'à sa réduction à un divertissement futile de la bourgeoisie, tout aussi dénigrée. Dans le cas de Labiche, son succès relatif se fonde sur des traditions qui ont limité son théâtre à quelques pièces seulement, sinon à des répliques, jugées soit représentatives de son talent comique, soit recommandables selon les critères pédagogiques et moraux suivis dans les milieux ayant contribué tendancieusement à le maintenir au répertoire : les collèges et les théâtres d'amateurs, et ce, moyennant des changements apportés à des pièces qui, pour plusieurs, avaient été censurées avant d'être représentées.

Par-delà le Labiche édulcoré à l'usage des collégiens et des familles, l'exégèse moderne a néanmoins travaillé, sinon à le légitimer, du moins à le dégager des conventions les plus préjudiciables à sa lecture. L'édition Gilbert Sigaux des Oeuvres complètes (Club de l'honnête homme, 8 vol., 1966-1968), lesquelles jusqu'alors se réduisaient à cinquante-sept pièces (parmi les cent soixante-treize recensées) dans l'ancienne édition d'usage préfacée par Émile Augier (Calmann-Lévy, 1878-1879), d'une part, et les travaux sur la réception critique (avant et après censure) par Odile Krakovitch et Jacques Robichez (Labiche, Théâtre, Robert Laffont, 1991, 2 vol.), d'autre part, ont restitué la complexité génétique et textuelle de Labiche, des originaux aux textes publiés, en passant par les manuscrits censurés qu'abrite le Centre historique des Archives nationales à Paris.

Malgré ces contributions textologiques, auxquelles s'ajoutent des apports historiques et lexicologiques replaçant les pièces de Labiche dans leur contexte, il reste que l'ensemble de ce corpus attend toujours des études génétiques, poéticiennes ou sociocritiques rendant compte, non seulement des variantes des manuscrits (et, a contrario, des raisons politiques et morales pour lesquelles ils furent censurés), mais aussi des postures méta- textuelles, génériques et discursives aménagées et mobilisées dans le théâtre de Labiche, par-delà la référentialité apparente qu'en ont retenu seulement des lectures sociologiques.

Dans cette perspective critique, le dossier proposé vise un approfondissement du dispositif en vertu duquel l'écriture de Labiche met à distance 1) son intertexte (La Fontaine, Molière, Marivaux, Scribe, etc.), 2) des codes génériques (farce, vaudeville, comédie sérieuse, mélodrame, etc.) et autres préconstruits littéraires (topoï, clichés), et 3) le discours social et ses stéréotypes (le discours du [sur le] Bourgeois), et ce, dans la perspective d'un repositionnement autoréflexif, générique et, a fortiori, institutionnel, sinon d'un décentrement carnavalesque, parodique ou, plus généralement, ironique. Au lieu de l'envisager sous l'angle de son exemplarité par rapport à « la pièce bien faite » (Scribe) et aux valeurs bourgeoises auxquelles il se fonde a priori, le dossier proposé entend en somme situer le théâtre de Labiche par rapport au procès de la littérature et du discours social qu'instruit parallèlement le roman réaliste-naturaliste : bref, à prendre la mesure de sa subversivité métalangagière, censurée ou non.

Toute personne intéressée à proposer une contribution à ce dossier est priée d'envoyer d'abord un titre provisoire, de préférence avant le 1er juin 2006, à l'adresse électronique suivante : laported@cc.umanitoba.ca, ou à cette adresse postale : St. Paul's College, University of Manitoba, 70 Dysart Road, Winnipeg (Manitoba) Canada R3T 2M6. Par la suite, toutes les contributions proposées devront être soumises au directeur du dossier le 1er juin 2007 au plus tard et feront l'objet d'une évaluation de la part d'un comité de lecture. Les textes retenus seront publiés en principe à l'hiver 2007 ou au printemps 2008 dans Belphégor. Littérature populaire et culture médiatique. Pour plus d'informations sur cette revue en ligne, prière de se rendre à l'adresse suivante : http://etc.dal.ca/belphegor