Revue
Nouvelle parution
Equinoxes, n° 11 (printems-été 2008) - Architectures

Equinoxes, n° 11 (printems-été 2008) - Architectures

Publié le par Gabriel Marcoux-Chabot (Source : Site web de la revue)

Equinoxes is an electronic journalcommitted to academic excellence and creative scholarship publishedtwice yearly by the graduate students of Brown University 's Departmentof French Studies in conjunction with its annual conference, atradition since 1993. Intended as a forum for exchange among graduatestudents in French & Francophone Studies and related fields, Equinoxes publishes scholarly articles in both French and English, as well asbook reviews, interviews, commentaries on the field, short fiction,poetry and translations. In the interest of promoting dialogue acrossperiods and genres, each issue is designed around a proposed theme.However, the journal also maintains an "open" space for quality writingthat falls under any of the above-mentioned categories, regardless ofits subject.

No 11 (printemps-été 2008) - Architectures

[lire l'appel à contribution

Josh Blaylock and Allison Fong
Editorial

ARTICLES

Sophie Sapp
Detective Spaces: Impossible Architecture in George Perec's La vie mode d'emploi
Eleven rue Simon-Crubellier, the setting of Georges Perec's 1978 novel La vie mode d'emploi, is the site of an immense puzzle. A nearly infinite mise-en-abîme,this novel seems to reflect, echo, and reproduce itself like a textualhall of mirrors. The novel is permeated with the trappings of detectivefiction – but the nature of the crime is itself hidden. Perec uses thestructure of the apartment building as a detective space, bothconstructing a puzzle and inviting the reader into this architecture inorder to solve it. Perec's detailed invocation of a very specificphysical structure opens the narrative to the reader's exploration,allowing her in a sense to inhabit this building that is really apuzzle of infinite dimensions. The precision of Perec's narrativeperambulation of 11 rue Simon-Crubellier reveals the shadowy structureof daily human life, a puzzle that can only be retrospectivelycompleted as the narrative draws to a surprising circular close. 11 rueSimon-Crubellier provides the space of contact for Perec's characters,as well as the opportunity for a detective story constructed in themind of the reader. The reader's long exploration of this architecturefinally proves its impossibility, revealing that the mystery at theheart of this carefully constructed narrative is in fact a profoundsilence, a crime of absence. This is an impossible space that isrealized only in the interval between the reader and the narrative,allowing Perec to create a kind of dynamic fiction, a flexiblenarrative that changes its architecture depending on its inhabitants. (Extrait)

Laëtitia Desanti
Une lecture-promenade au sein des objets sarrautiens et perecquiens
L'oeil, d'abord, glisserait sur la moquette grise d'un long corridor,haut et étroit. Les murs seraient des placards de bois clair, dont lesferrures de cuivre luiraient. Trois gravures, représentant l'uneThunderbird, vainqueur à Epsom, l'autre un navire à aubes, le Ville-de-Montereau,la troisième une locomotive de Stephenson, mèneraient à une tenture decuir, retenue par de gros anneaux de bois noir veiné, et qu'un simplegeste suffirait à faire glisser. La moquette, alors, laisserait place àun parquet presque jaune, que trois tapis aux couleurs éteintesrecouvriraient partiellement.
Cet incipit des Choses datant de 1965 peut faire songer aunouveau roman, associé à l'école du regard, et c'est pourquoi j'aivoulu rapprocher les travaux de Georges Perec de ceux de NathalieSarraute. Les oeuvres de ces romanciers ont en commun d'être remplies dedescriptions d'intérieurs, d'éléments architecturaux et de personnagesobsédés par la décoration de leurs appartements. Par l'entremise d'unecomparaison entre deux oeuvres aussi différentes que celles de Sarrauteet de Perec, je voudrais montrer comment la question de l'architectureintérieure est en étroite corrélation avec la manière de concevoir leroman entre 1960 et 1980. (Extrait)

Audrey Higelin-Fusté
Le boudoir dans la littérature ou l'architecture de l'intime
S'il est admis qu'architecture et civilisation se parlent, le XVIIIèmesiècle est le théâtre d'un dialogue à bâtons rompus, notamment dans ledomaine de l'architecture privée. En effet, l'habitation régule etcodifie les rapports entre individus et entre les groupes. Aussi,lorsque du fait de l'évolution des moeurs, ces codes vinrent à êtremodifiés dans les usages, l'architecte prit acte des cesbouleversements en s'empressant de les traduire de manière formelle.L'intimité devenant progressivement une nécessité autant qu'une valeur,la gestion de l'espace intérieur fut bouleversé, et de nouveaux modulesarchitecturaux isolés dans les grandes demeures aristocratiques.Naquirent alors de nouveaux espaces, autant de chambres, salons etcabinets, affublés d'une destination précise et d'une codificationarchitecturale qui la laissait sous-entendre. Le boudoir est un de cesespaces « crées » par le Siècle des Lumières. Mais au-delà de cetteréalité, il est aussi celui qui a nourri le plus de fantasmeslittéraires et architecturaux, et a permis la rencontre, parfois mêmela synthèse de ces deux disciplines. Nous proposons de nous intéresseraux points de convergence et aux relations d'interdépendance que l'onobserve en littérature et en architecture autour de la constructionlittéraire et/ou matérielle du boudoir. Pour ce faire, il nous faudraau préalable aborder les conséquences qu'a eues la « naissance del'intime » sur les conceptions architecturales de l'époque en général,et l'aménagement des espaces intérieurs en particulier. Nous endéduirons l'apparition du boudoir dans la forme puis dans la lettre, entâchant d'associer de manière systématique littérature romanesque etarchitecturale. Enfin, nous tenterons de discerner les relationscomplexes qui existent entre la doctrine sensualiste propre àl'architecture du siècle, et son illustration, voire sonexpérimentation, par le biais de procédés romanesques. (Extrait)

Anne-Caroline Sieffert
L'espace a-t-il un genre ? La question de l'Amérique urbaine au dix-neuvième siècle dans un récit de voyage français
L'Amérique urbaine du dix-neuvième siècle fascine les voyageursFrançais. Dès la seconde moitié du siècle, le paysage des villesaméricaines constitue un personnage à part entière dans les récits,tant elle impressionne. Dans le développement frénétique des villesaméricaines naît aussi une nouvelle manière de concevoir l'urbanisme etl'espace, accompagné d'une avance technique qui séduit les Européens envoyage. Dans les récits de voyage aux Etats-Unis, le discours surl'architecture est aussi important que l'espace lui-même, comme chezTocqueville, ou Harriet Martineau qui visitent dans les années 1830 et1840 l'Amérique du Nord. Cette dernière ne doit pas nous donner desidées fausses : peu de journaux de voyage sont écrits par des femmes,d'abord parce que le monde littéraire reste un monde majoritairementmasculin. A la Revue des Deux Mondes, il n'y a dans les années70 que trois femmes qui contribuent, et encore le font elles sous unpseudonyme masculin. Marie-Thérèse de Solms-Blanc (1840-1907), néeMarie-Thérèse de Solms, entre à la Revue en 1872, sous lepseudonyme de Thérèse Bentzon, du nom de son grand-père, le MajorAdrian Bentzon. Née d'une famille cosmopolite, avec un père allemand etune mère d'origine danoise, elle a aussi des liens avec la noblessefrançaise par sa grand-mère maternelle, et est élevée par une nurseanglaise. Grâce à l'entremise de George Sand, dont elle fréquente lesalon de Nohant, et de Elme-Marie Caro, académicien français, elleentre à la revue en 1872, comme critique littéraire. Elle y publieaussi son travail de fiction, mais ce qui nous intéressera pour cetteanalyse sont ses notes de voyages, publiées en 1894 et 1895 dans la Revuedans lesquelles nous nous proposons, grâce à l'outil méthodologique quereprésentent les études de genre, de comprendre comment une Européennetelle que Bentzon voit l'architecture et l'espace américains. End'autres termes, comment Bentzon, une femme en voyage, voit l'Amériqueurbaine ? (Extrait)

Razvan Amironesei
La référence bachelardienne de l'éspace dans le travail de Michel Foucault
Le concept d'espace occupe une place centrale chez Michel Foucault etsa propension pour les métaphores spatiales à l'intérieur de son oeuvreest bien connue. Disqualifié au profit du temps, l'espace, soutient Foucault, faitpartie de l'histoire. Pourtant, cette historicisation de l'espacedevrait être doublée d'un mouvement inverse, à savoir d'unespatialisation de l'histoire. Pour mieux souligner cette dernièreapproche, ajoutons que son usage de l'espace devrait être compris commeune pratique cohérente de spatialisation du langage qui ne cesse d'êtrehistorique et qui se déploie tout le long de son oeuvre à travers saproblématisation des concepts centraux tels que, l'archéologie, le pouvoir, le savoir, etc., pour n'en nommer que quelques-uns; ou bien à travers ses commentaires des oeuvres littéraires.D'une manière provisoire, nous pouvons avancer que pendant les années'60, l'espace remplit chez lui une fonction esthétique commeinvestissement des métaphores spatiales dans le champ du langage, entant qu'à partir des années '70 l'espace acquiert une fonctionhistorico-politique comme objet de savoir et de pouvoir à l'intérieurdes pôles disciplinaire et biopolitique. (Extrait)

Céline Drozd
Pour une approche sensible de l'architecture, le roman naturaliste
Depuis une trentaine d'années, la recherche dans les écolesd'architecture françaises s'est intéressée à la question des ambiancesgrâce notamment à la contribution du Centre de Recherche Méthodologiqued'Architecture : le CERMA. Les savoirs théoriques fondés dans ce cadrese dirigent dans deux directions complémentaires : approche sensibled'une ambiance et approche technique des ambiances. En effet, sil'ambiance d'un lieu relève d'une expérience spatiale, les phénomènesphysiques qui la composent relèvent de savoirs et savoir-fairespécifiques : éclairagisme, thermique, aéraulique, acoustique, … .De plus, la recherche en France et en Allemagne a su se distinguer deses voisins européens en ce qui concerne la recherche surl'environnement construit, en dépassant le simple cadre réglementaire. Elle prend ainsi en compte la perception en faisant référence auxdifférentes expériences personnelles vécues ; c'est ce que met en avantLuc Adolphe dans la définition qu'il donne d'une ambiance : « Uneambiance architecturale ou urbaine est la synthèse, pour un individu àun moment donné, des perceptions multiples que lui suggère le milieuqui l'entoure. En ce sens, cette ambiance est unique. »Toutefois, l'approche sensible pose le problème de la représentation :comment représenter ce qui ne se voit pas mais se ressent ?Effectivement, l'architecte a besoin d'outils pour traduire le ressentid'un lieu et le communiquer. C'est ainsi que nous proposons de nousinspirer de la littérature ; elle peut constituer une aide à lareprésentation des ambiances grâce à sa capacité évocatrice desensations et d'émotions qui fait à la fois appel à l'imaginaire et àl'expérience personnelle. L'approche littéraire proposée ici constituel'amorce d'une réflexion plus générale sur la question desreprésentations iconographiques et langagières des ambiancesarchitecturales et sur leurs capacités à émettre des sensations etémotions. Nous avons choisi de nous intéresser au courant littérairenaturaliste connu pour ses descriptions. Il s'agit ici de montrer unexemple de description architecturale ou urbaine ayant un fort pouvoirévocateur et comprendre la manière dont elle est construite afin dechercher des pistes de rédaction à proposer à l'architecte surlesquelles il pourra s'appuyer pour rédiger un texte évocateur desensations. Nous supposons donc qu'il existe une méthode de descriptionnaturaliste pour tenter de l'appliquer à l'étude d'un lieu. (Extrait)

Yuri Kondratiev
L'architecture chez Claude Nicolas Ledoux et François-René de Chateaubriand : entre la rhétorique du pouvoir et la poétique de l'espace architectural
L'Architecture considérée sous le rapport de l'art, des moeurs et de la législation deClaude Nicolas Ledoux esquisse la complexité de l'entrecroisement desaspects poétiques et politiques de l'oeuvre architecturale. Ledouxconçoit d'une part son travail comme un reflet et un soutient del'ordre sociopolitique établi.1Il insiste sur l'importance du service que rend l'architecte à lasociété car « le caractère de monuments, comme leur nature, sert à lapropagation et à l'épuration des moeurs » . Dans son livre, Ledouxréunit une multiplicité des bâtiments en les classant selon leur usageet les conditions de leurs habitants – la maison du pauvre, la maisond'un homme de lettres, la maison du directeur et les maisons de lasurveillance qui tous reflètent d'une façon ou d'une autre l'ordresociopolitique qui s'expriment à travers le décor, la grandeur, etl'usage particulier de ces structures. Chez Ledoux « tous les arts,toutes conditions trouvent des demeures qui leur sont propres » .Or, la correspondance entre la forme et l'usage, entre le décor et leseffets de l'architecture peut faire partie des stratégies du pouvoirqui s'exerce sur le sujet à travers le maniement minutieux de formesarchitecturales. Néanmoins, il serait réducteur de concevoir le rapportentre l'architecture et le sujet uniquement dans les termes du contrôlesensuel et panoptique qu'exercent certaines formes d'architecture.D'ailleurs, on doit examiner l'architecture non seulement dans lestermes de son utilité pour l'ordre établit, mais aussi comme un actecontemplatif et imaginatif qui peut créer et transformer l'espacearchitectural ainsi que la configuration des rapports entre le sujet etl'architecture. (Exrait)