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Un Atlas pour s’exercer. La forme-atlas au XXe siècle

Un Atlas pour s’exercer. La forme-atlas au XXe siècle

Publié le par Alexandre Gefen (Source : DFK Paris)

“Ein Übungsatlas”. Die Atlas-Form im 20. Jahrhundert

“Un Atlas pour s’exercer”. La forme-atlas au XXe siècle

Paris, Centre Allemand d’Histoire de l’Art, 18-19 octobre 2012 

Journées d’études organisées par le Centre Allemand d’Histoire de l’Art de Paris, eikones - NFS Bildkritik de Bâle et l’Université de Paris III.

Concept: Andreas Beyer (DFK Paris / eikones - NFS Bildkritik Bâle), Angela Mengoni (eikones - NFS Bildkritik, Bâle / IUAV Venise), Antonio Somaini (Paris III).

 "Un atlas pour s’exercer", "ein Übungsatlas". Ainsi Walter Benjamin, dans sa Petite histoire de la Photographie, décrit-il le livre de photographies de August Sander Antlitz der Zeit (1929), la première version du projet Menschen des XX. Jahrhunderts, une vaste exploration photographique de la société allemande des années 20, organisée en sept grandes catégories allant des professionnels bourgeois – die Stände – jusqu’aux “derniers” de la société – die letzten Menschen –  en passant par des portraits de femmes et d’artistes. Selon Benjamin, le recueil de Sander représentait une "puissante galerie de physionomies" dont l’importance politique était comparable à celles assemblées par Eisenstein et Poudovkine dans leur films. En une période historique où une série de profondes “transformations de pouvoir” imposait, comme une “nécessité vitale”, “l’élaboration et le raffinement de la perception physionomique”, les galeries de visages assemblés par les photographes et les metteurs en scène auraient du aider l’individu moderne à regarder en face ses semblables et à dépasser des catégories sociales destinées à être bientôt abattues: “Qu’on vienne depuis la gauche ou depuis la droite, il faudra s’habituer à être regardé en face pour comprendre notre provenance”.

Pour ces raisons, le recueil d’images de Sander constituerait “plus qu’un livre d’images, un cahier d’exercice”[1] sur la société allemande à cette époque cruciale.

En s’appuyant sur ce passage de Walter Benjamin, qui attribue une véritable valeur de connaissance à la juxtaposition et à l’organisation visuelle du corpus photographique de Sander, le colloque “‘Un Atlas pour s’exercer’. La forme-atlas au XXème siècle” se propose d’articuler une réflexion suivant quatre axes qui se croiseront à plusieurs reprises:

 1. Le statut spécifique de la “forme-atlas” vis-à-vis de formes comparables comme la collection ou l’archive

 L’analogie, suggérée par Benjamin, entre photographie et cinéma (Eisenstein et Poudovkine) est en ce sens déjà indicative: loin d’être une simple séquence linéaire – et bien que publié en forme de livre – le recueil de Sander est comparable aux formes du montage cinématographique puisque chaque photographie devient instrument de connaissance ‘sociale’ grâce à sa position au sein de l’ensemble et à sa juxtaposition avec les autres images. On pourrait ici reconnaître in nuce deux traits ‘structurels’ de la forme-atlas: premièrement la valeur de connaissance liée à la présentation visuelle des différentes parties, avec son organisation spatiale et/ou logique; deuxièmement le potentiel d’orientation qui dérive de cette disposition spatiale et visuelle; on pourrait songer ici à un ‘principe cartographique’ selon lequel l’atlas ne se limite pas à réunir et exposer les éléments qui constituent un certain domaine (comme le personnage mythique d’Atlas qui expose, en le soulevant, un ‘monde’ entier), mais fournit en même temps le principe d’exploration de ce domaine spécifique, selon des moyens non strictement linguistiques mais fondamentalement visuels.

Un premier fil conducteur propose donc d’explorer le rôle joué par ces traits généraux de l’atlas en tant que dispositif – disposition et principe cartographique – dans les différentes formes-atlas dans les arts et, plus généralement, dans la culture visuelle du XX siècle.

 2. Le rôle et le potentiel politique des atlas du XXè siècle

 À travers les relations qu’elle établit entre images, didascalies et format, la forme-atlas entend produire une connaissance nouvelle de la réalité qu’elle explore. On touche ici à une question qui était déjà au centre du concept benjaminien (non logocentrique, en dépit de son nom) de Lesbarkeit, comme aussi du principe constructiviste évoqué par Kracauer et selon lequel seulement la sélection et la composition d’une mosaïque (Mosaik) peut extraire un ‘principe de connaissance’ de la masse d’images médiales qui menace la mémoire et la conscience même du sujet moderne[2]. Dans certains cas la ‘lisibilité’ permise par la forme-atlas possède un potentiel politique évident, de déconstruction ou de renforcement des valeurs et contenus mythique historiquement situés.

Il s’agit là d’un aspect central du travail récent de Georges Didi-Huberman portant sur le “gai savoir inquiet” de l’atlas, selon une perspective “épistémo-critique” qui privilégie les opérations et les paradigmes de la forme-atlas, plutôt que la spécificité technique ou médiale des objets[3]. De façon comparable, dans le bref passage de Benjamin, les albums photographiques de l’époque de Weimar sont associés au medium cinématographique en vertu d’un potentiel politique commun.

Ce point nous permet aussi de spécifier pourquoi la sélection des objets et des oeuvres analysées ne sera pas exclusivement fondée sur leur dénomination explicite comme “atlas”, mais sera plutôt issue d’une question articulée autour de leurs traits paradigmatiques.

 3. Les formes de montage déployées par les différents ‘atlas’

 En écho avec l’aspect euristique de la réflexion benjaminienne, il paraît crucial de s’interroger sur les modes spécifiques d’articulation des relations visuelles, spatiales et de signification dans les différents objets. On pourrait interroger, par exemple, les diverses théories – et ‘idéologies’ – du montage cinématographique par rapport aux différents atlas, ainsi que la relation texte-image et ainsi de suite.

 4. L’idée de la vision comme ‘exercice’ lié à un ‘ré-apprendre à voir’

 S’ouvre ici la question de nature pragmatique des modalités de ‘réception’ proposées par les formes-atlas et de leurs implications. La question de la temporalité joue ici un rôle central, puisque le principe cartographique et ‘explorateur’ envisage toujours une dimension temporelle spécifique et met le spectateur face à une série de relations, d’indications spatiales et de connexions qu’il est, d’une certaine façon, appelé à articuler.

Une question s’ouvre alors, qui porte sur le degré de liberté d’un spectateur plus ou moins “émancipé” face à des objets soit artistiques, soit explicitement pédagogiques, soit liés à la narration historique et littéraire. Le mot ‘exercice’ introduit, en effet, l’idée d’un processus qui permet d’acquérir une compréhension nouvelle; il s’agira donc de s’interroger sur le rôle de ce processus dans les différents atlas et sur son lien avec les dimensions de la mémoire et de la connaissance (ou de la ‘prise de conscience’) historique.

Le colloque se propose d’entamer une réflexion autour des questions évoquées à partir de quelques objets du XX siècle où le dispositif ‘atlas’ semble être à l’oeuvre en traversant différents domaines : de la cartographie aux arts plastiques, de la photographie au cinéma, des archives aux expositions, de l’histoire des formes à la critique de la culture. Cette exploration n’ayant aucune prétention d’exhaustivité, mais plutôt une vocation heuristique, l’atlas le plus célèbre et, probablement, le plus étudié du XX siècle, Mnemosyne, atlas d’images de Aby Warburg, ne sera pas abordé en tant qu’objet d’analyse, mais gardera plutôt le rôle de modèle épistémologique censé être évoque à plusieurs reprises, vue la réflexion entamé depuis désormais deux décennies autour des opérations visuelles que cet objet exemplaire articule.

 

[1] W. Benjamin, “Petite histoire de la Photographie”, trad. M. de Gandillac revue par P. Rusch, Oeuvres, II, Paris, Gallimard, 2000, pp. 313-314.

[2] Siegfried Kracauer, Die Angestellten. Aus dem neuesten Deutschland, Suhrkamp, Frankfurt a.M. 1971, p. 16.

[3] Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet. L'Oeil de l'histoire, 3, Minuit, Paris 2011.

 

Jeudi 18 octobre

Matin, Présidente de séance : Mathilde Arnoux (DFK Paris)

10h         Introduction par Andreas Beyer, directeur du Centre Allemand d’Histoire de l’Art, Paris

10h15      Présentation du colloque par Angela Mengoni et Antonio Somaini

11h         Jean-Marc Besse (CNRS Paris) : Totalité et dispersion. L’atlas et les figures parataxiques de la raison

12h         Antonio Somaini (Paris 3 Sorbonne Nouvelle) : Übungsatlas : dispositif de l’atlas et exercice du regard dans la pensée physiognomique des années 1920. Walter Benjamin et August Sander

13h          Pause

Après-midi, Présidente de séance : Angela Mengoni

14h30      Eric Michaud (EHESS Paris) : De Der gefährliche Augenblick à Die veränderte Welt : Ernst Jünger et la mobilisation totale par l’image

15h30      Teresa Castro (Paris 3 Sorbonne Nouvelle) : Les Archives de la Planète d’Albert Kahn : un atlas photographique et cinématographique du monde

16h30      Olivier Lugon (Université de Lausanne) : Ordre et désordre des images : l’exposition photographique comme exercice spectatoriel dans les années 1950 – 1960

Vendredi 19 octobre

Matin, Président de séance : Antonio Somaini

10h         Antonia von Schöning (eikones Bâle) : Un atlas des symptômes : images revenantes chez Walid Raad et l’Atlas Group

11h         Christa Blümlinger (Paris VIII) : Cartographie et visibilités selon Harun Farocki

12h         Paula Amad (Iowa University) : Atlas Films : The Dis-assemblage of the Aerial Mosaic

13h          Pause

Après-midi, Président de séance : Andreas Beyer

14h30      Gunda Luyken (Stiftung Museum Kunstpalast Düsseldorf) : Atlas und Collage. Hannah Höchs Album

15h30      Angela Mengoni (Université IUAV Venise / eikones Bâle) : Du Nebeneinander au Zusammenhang : sur Atlas de Gerhard Richter

16h30      Pause

Soir, Président de séance : Godehard Janzing (DFK Paris)

17h          Andreas Beyer (DFK Paris / eikones Bâle) : Die Kunst, ein Fahrtenbuch: zu Alighiero Boetti

18h          Gloria Moure (Barcelona Institute of Architecture) : Marcel Broodthaers, La conquête de l’espace

Samedi 20 octobre

11h          Visite au Musée Albert Kahn avec Franziska Scheuer (Philipps-Universität Marburg / DFK Paris)