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Du témoignage à la fiction, par Alexandre Prstojevic (Vox-Poetica)

Du témoignage à la fiction, par Alexandre Prstojevic (Vox-Poetica)

Publié le par Bérenger Boulay

Sur le site Vox-Poetica:

 

Du témoignage à la fiction
(extrait de Le Témoin et la bibliothèque, Cécile Defaut, 2012)

 

 

Alexandre Prstojevic
INALCO / CRAL (CNRS-EHESS)

 

Le terme « littérature de la Shoah » désigne aujourd’hui un corpus vaste et génériquement mal défini de récits sur l’extermination des juifs d’Europe. Comprenant des ouvrages de longueur, de registre et de qualité inégaux, abordant la question centrale de la persécution raciale de front ou de biais, ce corpusa pour caractéristique d’être composé – dans son immense majorité – de témoignages de première main. Ceux-ci se présentent souvent comme des documents rédigés par des déportés à l’intention du public qui s’intéresse au génocide perpétré par les nazis. L’inégration de certains d’entre eux dans le corpus littéraire n’est ni évidente ni automatique. Même si, en raisons du succès mondial de Si c’est un homme de Primo Levi ou de La Nuit d’Elie Wiesel, elle nous paraît aujourd’hui aller de soi, elle n’en est pas moins le résultat d’un classement opéré par nos institutions culturelles. Récits authentiques d’une expérience extrême, ces témoignages sont souvent perçus comme littérature parce que le contexte culturel actuel met en valeur leur propriétés esthétiques et en suspens la question de l’intentionnalité auctoriale. En conséquence, il serait plus juste de les désigner, selon la division que nous propose Gérard Genette, par le terme diction : « Est littérature de fiction celle qui s’impose essentiellement par le caractère imaginaire de ses objets, littérature de diction celle qui s’impose essentiellement par ses caractéristiques formelles[...] ».

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