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Des scénarios et des livres (Rouen)

Des scénarios et des livres (Rouen)

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Jean-Louis Jeannelle)

                 Des scénarios et des livres

                 Colloque organisé par Mireille Brangé (Paris 13) et Jean-Louis Jeannelle (Univ. de Rouen), 13-14 octobre 2016 – Paris / Rouen 

 

« Des scénarios et des livres » est organisé en partenariat avec le colloque « Des livres aux scénarios », organisé par Alain Boillat, Gilles Philippe et Vincent Verselle, les 10-11 octobre 2016, à Lausanne.

 

 

Au regard du nombre de films produits, et plus encore du nombre de films imaginés mais jamais réalisés, le nombre de scénarios publiés est dérisoire, en France tout particulièrement. Quelques collections existent et les projets avortés des plus grands réalisateurs nous sont, pour certains, accessibles, mais il ne s’agit là, à chaque fois, que d’exceptions à une règle tacite selon laquelle la lecture d’un scénario ne se justifie qu’en référence au film existant ou avorté. Cette situation ne tient pas uniquement à la culture du secret qui entoure les scénarios, protégés pour des raisons juridiques et financières. Elle tient également au fait que ces textes sont jugés difficilement lisibles, réservés aux professionnels capables de les décoder dans la perspective d’une réalisation à venir – autrement dit « avec les yeux du cinéma », de la même manière que Molière, conseillait dans l’adresse au lecteur de L’Amour Médecin la découverte individuelle de sa pièce « aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre ».

Pourtant, le cinéma existe, ou plus précisément co-existe sous une forme écrite, sans que l’on en tienne véritablement compte, en dehors de quelques travaux autour de ce que Lise Gauvin et ses collaborateurs ont nommé les « scénarios fictifs » dans un numéro de Cinémas (vol. IX, n° 2-3, printemps 1999). Et ces scénarios édités n’ont pas pour seule fonction de compléter le plaisir procuré par le spectacle du film ou de compenser son impossibilité. Aussi nous proposons-nous de nous intéresser à cette dimension en grande partie invisible – non parce qu’elle serait cachée, mais simplement parce peu de spécialistes de la littérature ou du cinéma y prêtent attention –, sous ses différents aspects.

 

Parmi les pistes qui pourront être abordées, on privilégiera – sans exclusive – : 

 

  • Scénaristes, réalisateurs et éditeurs

Le cinéma en tant qu’ensemble d’œuvres écrites et publiées existe d’abord à titre d’institution éditoriale, à laquelle collaborent éditeurs, agents, libraires spécialisés, et critiques. Dès lors, on pourra s’intéresser à la dynamique de publication des scénarios et à ses acteurs : l’initiative vient-elle des scénaristes, des réalisateurs, des producteurs ou d’éditeurs ? Quelles sont leurs stratégies respectives et les raisons qui peuvent les pousser à publier des scénarios ? Peut-on observer des évolutions, mais aussi des rapprochements entre des pratiques nationales diverses ? Des études diachroniques ou comparatives peuvent être particulièrement éclairantes. Selon les cas, les formes de publication changent-elles (scénarios, traitements, découpage, voire novellisation) ?

 

  • Lieux et modalités de publication

Les lieux de publication possibles (revues spécialisées, illustrés, revues littéraires, ou collections propres d’éditeurs) offre également un large champ d’études. Une attention peut être portée aux revues de scénarios, et aux collections éditoriales ou périodiques (par exemple, la collection du British Institute ou, en France, L’Avant-scène cinéma), à leur origine, leur format, leur évolution, ou à leur lectorat. Le choix des scénarios publiés (entre l’actualité et la constitution de bibliothèques de scénarios, ou, d’une certaine manière, d’un répertoire) appelle aussi à des réflexions. À ces modes de publication s’ajoute désormais la publication de scénarios en ligne : quels sont ses enjeux ?

Par ailleurs, l’observation des stratégies des éditeurs (maisons d’édition telles que Gallimard et Éditions de Minuit, de même qu’éditeurs de revues littéraires ou liés à une revue de cinéma comme Les Cahiers du cinéma) est à mener. On pourra envisager, par exemple, le clavier de publication des scénarios par une maison comme Gallimard : avec la collection « Cinarios » dans les années 1920, La Revue du cinéma entre 1928 et 1932, mais aussi l’apparition, plus récemment, de scénarios dans les ouvrages de la « Bibliothèque de la Pléiade » ou dans les Cahiers de la Nrf. Des études génétiques sur le processus de rédaction et de publication sont attendues.

 

  • Lire un scénario (de film réalisé, intournable ou non-tourné)

La publication de ces textes publiés entraîne des réflexions sur leur mode de lecture. Que lit-on en lisant un scénario ? Quelle expérience de lecture est-elle en jeu ? La lecture de scénarios destinés à être tournés et celle de scénarios de films déjà faits, déjà vus, de l’ordre du souvenir et qui, sauf exception ne seront plus utilisés pour donner naissance à une autre œuvre, engendrent peut-être des comportements et des pratiques de lecture différentes. Et qu’en est-il lorsqu’on lit un scénario de film non-tourné, ou, comme les appelait Benjamin Fondane, « un scénario intournable », c’est-à-dire, un scénario qui n’a pas vocation à donner lieu à un film, mais est un acte purement littéraire ? A-t-on alors déjà une expérience d’ordre filmique quand on lit quelque chose de non-tourné, comme en avait l’ambition par exemple Picabia dans Sursum Corda ?

La question du rapport entre scénarios et novellisation des films, évoquée par Jan Baetens dans La Novellisation : du film au roman (Les Impressions nouvelles, 2008), peut être prolongée, selon le point de vue de l’objet livre, de la typographie et du rapport du texte avec les images destinées à l’illustrer, photogrammes de film, photographies de tournage ou encore dessins.

 

  • Manuels et méthodes d’écriture

Depuis 1911, des manuels d’écritures de scénario existent. Particulièrement répandus aux États-Unis, ils sont devenus un segment significatif du marché des livres sur le cinéma dans la dernière décennie en France aussi. On pourra étudier leur évolution et leurs modèles – des perspectives comparatistes seraient bienvenues en ce sens. On se demandera pourquoi il n’y a guère de manuel d’écriture théâtrale, et pourquoi à l’inverse les réflexions consacrées à l’écriture scénaristique adoptent de manière quasi exclusive un tour prescriptif. Pourquoi cette écriture, au-delà de l’adaptation nécessaire à une industrie ou à un marché, apparaît-t-elle si fortement normée dans les discours qui l’accompagnent, alors que, dans les faits, la norme peut changer selon les méthodes et manuels ? Et comment fonctionne-t-elle ?

 

  • Statut « littéraire » des textes scénaristiques

Des travaux génétiques permettant de montrer – ou d’infirmer – une évolution de l’écriture scénaristique peuvent être menés. Mais on s’intéressera au statut revendiqué par les scénaristes dans leurs discours, articles, interviews ou souvenirs (des employés emblématiques d’un sous-prolétariat intellectuel, des collaborateurs, des auteurs à plein titre ?), ou encore à la réception des discours consacrés, en retour, aux scénarios et aux scénaristes. Le degré de reconnaissance que l’on attribue au texte scénaristique a-t-il évolué et selon quels facteurs ? Certains scénaristes ont-ils vu leur statut changer aux yeux des critiques ? Ce changement est-il lié à la publication des scénarios ? Quelle est la place que l’on accorde aux scénarios d’écrivains dans leurs œuvres ? Et réciproquement, quel discours est porté sur les textes littéraires de scénaristes non-précédés, avant leur publication, par une réputation d’écrivain ?

 

 

Une proposition de communication entre 500 et 1000 mots, accompagnée d’une brève présentation bio-bibliographique devra être adressée à Mireille Brangé (mireille.brange@univ-paris13.fr) et Jean-Louis Jeannelle (jeannelle@fabula.org) avant le 1er mars 2016.