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Appels à contributions
Démocratie radicale et utopie

Démocratie radicale et utopie

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Anders Fjeld)

Démocratie radicale et utopie – Appel à contributions

 

Colloque international

Université Paris Diderot

Paris, France

Organisé par le LCSP (L’Archipel des devenir – Centre de recherche sur les utopies) en collaboration avec l’Université York (Toronto, Canada), le Centre de Théorie Politique de l’ULB (Belgique) et l’Université du Québec à Montréal (Québec).

 

16 et 17 avril 2015

 

En associant la démocratie radicale à l’utopie, il ne s’agit pas de prouver que l’une contiendrait déjà l’autre dans son concept pour « découvrir » entre elles une heureuse continuité. Il s’agit plutôt d’explorer les intersections et les tensions qui traversent ces deux séries d’expérimentations, de pratiques et d’idées politiques et sociales. Toutes deux se démarquent clairement des logiques de paisible consensus, de bonne gouvernance et de juridisme autolégitimé qui prétendent épurer le champ social de ses conflits et de ses poches d’altérité. Contre les diverses formes de domination, d’oppression et d’exploitation, utopie et démocratie radicale veillent à laisser apparaître et s’exprimer les populations déterritorialisées, minoritaires, marginalisées et alternatives – ces bandes parcourant d’autres contrées du possible. Toutes deux puisent ainsi leurs lieux et expériences propres aux marges du pouvoir, dans des communautés qui ne s’intègrent pas à la société normalisée ni ne se soumettent aux codifications hégémoniques, dans des univers de sens reconfigurant le pensable, le dicible et le faisable. Pour autant, leurs procédés, leurs espoirs et leurs paysages ne doivent pas dissimuler trop rapidement leurs différences.

 

L’utopie et la démocratie radicale renvoient à deux formes différentes d’expérimentation des possibles, à deux « intuitions » distinctes quant à la question de savoir comment peupler un espace avec d’autres possibilités, comment reconfigurer l’ordre social et politique actuellement dominant, quitte à y introduire une dose salutaire de désordres (utopique et/ou démocratiques). Pour sa part, la démocratie radicale se donne pour visée l’extension et l’intensification du pouvoir du demos. Elle inaugure l’avènement d’un sujet et d’une politique liés à la figure d’un « n’importe qui », d’une égalité sans restriction préalable, d’un partage impropre, qui ne pourront être intégrés dans la stabilité supposée d’un ordre consensuel, et qui, en ouvrant l’espace public comme scène de conflit, porte en eux des ruptures tumultueuses, des vecteurs de déterritorialisation et des devenirs minoritaires. D’un côté, comment penser l’irruption de ce sujet des « n’importe qui » ainsi que ses horizons stratégiques et ses formes d’organisation et d’action ? De l’autre, comment penser l’organisation politique d’une égalité sans qualification, ses possibilités d’institutionnalisation (tirage au sort, démocratie directe, jeux de contingence), et les problématiques liées au pouvoir du grand nombre ?

 

Si la démocratie radicale porte en germe une égalité politique liée à l’irruption du demos dans l’espace public ainsi que les formes possibles d’institutionnalisation d’une liberté insurgeante, l’utopie nous invite quant à elle à imaginer des agencements variés de communautés inédites. En étalant les possibles sur toutes les dimensions temporelles, ouvrant ainsi des poches d’expérimentation au cœur d’un ici et maintenant incapable de les accueillir dans ses calendriers, elle réinvente des pratiques sociales, des espaces architecturaux et technologiques, des rituels quotidiens, des formes de critique sociale, des procédures de décision, des sociabilités et des relations avec la nature. En ce sens, même le modèle le plus messianique des utopies se voit contraint de construire sa machine sociale sur terre et de la voir fragmentée, diffusée, critiquée et réinventée dans la démocratie qui s’établit inévitablement dans le partage social de ses modules et roues. Irréductibles à un quelconque « modèle » à imiter ou à un « idéal » à appliquer, les projets utopiques cherchent à créer des nouveaux assemblages territoriaux, de nouvelles sociétés et de nouveaux sujets politiques au cœur même d’un univers capitaliste qui tend à fermer et à surveiller les frontières du possible.

 

Au cours de ce colloque, nous souhaitons être attentifs aux « moments » concrets de l’utopie et de la démocratie radicale, aux expériences elles-mêmes, aux possibilités et expérimentations de communautés autant qu’aux constructions théoriques justificatives. Empruntant la terminologie de Derrida, peut-être faudrait-il arriver à penser conjointement deux expériences différentes d’une promesse émancipatrice – démocratique et utopique –, qui mobilisent néanmoins toutes les deux notre capacité à chercher des intersections dans leurs cheminements respectifs et à établir des partages solidaires au lieu même de leurs divergences. Par exemple, la démocratie radicale pourrait-elle soutenir une critique égalitaire des tendances à la planification, à la hiérarchisation et à la technocratisation du paysage utopique ? L’utopie pourrait-elle apporter une audace innovatrice aux formes possibles d’organisation de la démocratie radicale qui risquent toujours de la trahir ? En informant le débat de manière critique à travers les forces spécifiques de chaque dispositif ainsi que ses tensions réciproques, peut-être sera-t-il possible de porter les deux plus loin et de penser avec d’autant plus de portée une politique dissensuelle, inventive, égalitaire et radicale.

 

-°-

 

Les langues du colloque sont l’anglais et le français.

 

Celles et ceux qui souhaitent soumettre une proposition sont invités à faire parvenir un titre et un résumé de leur intervention aux organisateurs ci-dessous avant le 15 octobre 2014. Les intervenants retenus seront informés courant décembre 2014.

 

Le programme définitif sera publié en février 2015.

 

Les organisateurs regrettent de ne pas être en mesure de financer le transport et l’hébergement.

 

La participation au colloque est libre et gratuite.

 

SVP, envoyez vos propositions à :

 

Étienne Tassin, Université Paris Diderot : etienne.tassin@univ-paris-diderot.fr

Martin Breaugh, York University : mbreaugh@yorku.ca

Yohan Dubigeon, IEP Paris : yohan.dubigeon@gmail.com

 

Comité d’organisation :

 

Martin Breaugh (York University), Alice Carabedian (Univ. Paris Diderot),  Manuel Cervera-Marzal (Univ. Paris Diderot / ULB, Belgique),  Sylwia Chrostowska (York University), Yohan Dubigeon (IEP, Paris), Anders Fjeld (Univ. Paris Diderot),  James Ingram (McMaster University),  Étienne Tassin (Univ. Paris Diderot)