Actualité
Appels à contributions
Défi de lecture : Thomas l’Obscur de Maurice Blanchot

Défi de lecture : Thomas l’Obscur de Maurice Blanchot

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Alain Milon)

Défi de lecture : Thomas l’Obscur de Maurice Blanchot

Il arrive très rarement dans l’histoire de la littérature qu’un écrivain concentre autant son travail autour d’une seule œuvre. C’est le cas avec Blanchot qui n’a cessé de réécrire son premier roman Thomas l’Obscur une grande partie de sa vie. La première version publiée en 1941 a plus de trois cents pages alors que la seconde de 1950 environ cent vingt, soit une diminution des deux tiers du texte, sachant qu’il existe six autres versions non publiées de ce texte. Est-ce à dire que la première version est une tentative, un brouillon, un essai… ? Que cherche à prouver, Blanchot, par la ré-édition de Thomas l’Obscur ? S’il publie la première version, c’est que celle-ci est plus qu’une esquisse. Est-ce pour autant que la nouvelle version est un texte abrégé, mutilé ou appauvri ? Est-elle simplement un assemblage de fragments tirés de la première version, la ré-écriture d’un autre roman ou l’élagage d’un premier roman trop lourd et épais ?

Dans l’avant-propos de la version publiée en 1950, Blanchot nous avertit : « Il y a, pour tout ouvrage, une infinité de variantes possibles. Aux pages intitulées Tomas l’Obscur, écrites à partir de 1932, remises à l’éditeur en mai 1940, publiées en 1941, la présente version n’ajoute rien, mais comme elle leur ôte beaucoup, on peut la dire autre et même toute nouvelle, mais aussi toute pareille […] ».

Une vingtaine d’années pour écrire le même livre, n’est-ce pas le lot de tous les écrivains et artistes qui n’arrêtent pas d’écrire le même livre, de peindre la même toile ou de faire le même film ? Une telle dépense d’énergie pour remanier un texte, un tableau, un film dans quel but ? Celui de l’œuvre ultime, celui du tout dernier mot ? Blanchot ne pose-t-il pas la question de la possibilité de l’œuvre écrite, de l’œuvre autonome, indépendante, unique ?

Après la lecture de Thomas l’Obscur, qualifié par l’éditeur d’œuvre romanesque, le lecteur est souvent embarrassé. Est-ce un récit, un roman, pour quelle histoire et avec quels personnages ? Bien que toutes les deux versions aient été éditées chez Gallimard, on observe toutefois une inconstance ou une hésitation d’une édition à l’autre, ou plutôt d’une collection à l’autre, car la première version, publiée dans la collection ‘Blanche’, porte la mention : « roman », alors que dans la seconde version publiée dans la collection ‘L’Imaginaire’, il n’est question de roman ou de récit. D’où vient ce changement ? Est-ce le fait de l’auteur — une stratégie d’écriture —, ou de l’éditeur — une stratégie éditoriale ? Blanchot écrit-il dans sa réédition un roman, un récit, un essai ?

Toute l’œuvre fictionnelle de Blanchot, et particulièrement Thomas l’Obscur, est considérée comme difficile à lire voire illisible. La forme narrative et le style d'écriture obligent le lecteur à rompre avec les conventions. Cela donne à ce texte une étrangeté qui surprend. Le lecteur est presque sommé d’écarter toute explication psychologique ­ — y a-t-il là effectivement une narration fictionnelle ou une intrigue ? ­ — et de dissoudre la notion de sujet — y a-t-il encore un sujet-écrivain, un sujet-personnage, un sujet-lecteur ?

Jean Paulhan, membre du comité de lecture de Gallimard, écrivait à l’époque dans sa fiche de lecture en vue de la publication de Thomas l’Obscur que cet ouvrage « ne peut guère s’analyser », qu’« il ne trouvera pas beaucoup de lecteurs », mais qu’« il mérite certainement d’être publié. Il se lit, une fois accepté, avec passion. »

Ce colloque se présente avant tout comme une invitation à lire ou à relire Thomas l’Obscur afin de s’interroger sur la singularité formelle mais surtout thématique de cet ouvrage et de le mettre en perspective avec l’ensemble de l’œuvre de Blanchot.

Toutes les approches sont envisageables : critique, littéraire, philosophique, esthétique, linguistique, psychanalytique, etc.

Les propositions de communications, d’une page maximum, accompagnées d’une courte biobibliographie sont à envoyer, avant le 1 mars 2014, à : Alain Milon (alain.milon@u-paris10.fr) et Anca Călin (anca.calin@ugal.ro).

Le colloque aura lieu à l’université de Paris Ouest Nanterre le jeudi 23 et vendredi 24 octobre 2014.