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Le mythe dans la pensée contemporaine (Sousse)

Le mythe dans la pensée contemporaine (Sousse)

Publié le par Romain Bionda (Source : Alya Chelly Zemni)

« Le mythe dans la pensée contemporaine »

Colloque pluridisciplinaire organisé par la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse 

Département de Français / Centre d’Anthropologie

6, 7 et 8 Avril 2017

 

Calendrier :

- Date limite de soumission des propositions : 15 octobre 2016. À envoyer à colloquemythe@gmx.com

- Date de notification d’acceptation ou de refus des propositions : 1er  novembre 2016

 

Le mythe (mythos) nourrit notre vie quotidienne et nos aspirations les plus profondes. Certains ont pu le considérer dans le sens gréco-latin de « fiction », d’« affabulation », ou de « légende ». D’autres l’ont réduit à l’ignorance opposée à la science. Nous souhaitons plutôt l’évoquer en tant que « récit d’une ‘‘création ’’», d’événements fondateurs survenus « in illo tempore ». Il rappelle dans une certaine mesure « le temps prestigieux des ‘‘commencements’’ » (Mircea Eliade, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963), renvoie aux origines, à un âge d’or et reconstruit une généalogie.

             Le mythe, considéré aussi en tant que vestige d’une culture ancienne, raconte et exprime une expérience vécue et révèle le sens le plus plénier des choses. Aussi est-il en chaque individu, le figement  d’une expérience première des choses et d’une parole (logos, étant la parole empreinte de  sens, le discours raisonnable) qui modèle notre imagination et remonte vers les premiers moments de notre accession au langage et à la culture.

            Récit qui met en jeu un espace, un temps et des personnages, le mythe incorpore une triple fonction. D’abord il place l’humanité entière et son drame sous le signe d’un homme exemplaire, d’un Anthropos, d’un Adam, qui représente, sur le mode symbolique, un universel concret de l’expérience humaine. Ensuite, il donne à cette histoire un élan, une allure, une orientation, en l’organisant entre un commencement et une fin. Il introduit ainsi dans l’expérience humaine une tension historique, à partir du double horizon d’une genèse et d’une apocalypse. Enfin, et plus fondamentalement, il explore la faille de la réalité humaine, représentée par le passage de l’innocence à la culpabilité. Il raconte comment l’homme, « originairement bon », est devenu ce qu’il est dans le présent ; c’est pourquoi le mythe ne peut exercer sa fonction symbolique que par le moyen spécifique du récit : ce qu’il veut dire est déjà drame. (Paul Ricœur, Le Conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969).

       Le mythe fonde une Histoire révélatrice qui assure la cohérence du réel et permet de saisir l’activité humaine dans sa totalité. Sa fonction élémentaire est de révéler, sous forme de symboles, les modèles exemplaires des rites et de toutes les activités humaines significatives.

 

          Un tel sujet de colloque pourrait intéresser des philosophes, des anthropologues, des ethnologues, des littéraires, des didacticiens, des historiens, des musiciens, des peintres, etc. Il concerne l’ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales. Il confrontera, d’une part, la représentation à la fois spécifique et commune qu’en ont les disciplines des sciences humaines et sociales, et, d’autre part, permettra de donner une meilleure définition de ce qu’est un mythe, ses thèmes récurrents, ses fonctions symboliques, et ce qu’il nous dit aujourd’hui sur l’homme dans sa société.

Plusieurs axes de réflexion seront proposés aux intervenants, concernant tant quelques mythes permanents, d’hier à aujourd’hui, que des questions plus théoriques sur l’origine ou la diffusion du mythe, ou encore sur l’écriture littéraire et le fonctionnement de l’imaginaire, ainsi que sur ses rapports avec le rituel et le cérémonial.

 

Les mythes des origines et de la fin. De la vie et de la mort. Le déluge. Un mythe de punition des hommes par Dieu pour régénérer l’humanité ? Un rite de passage de l’humanité marqué par la négation de la création, sa destruction, et sa recréation par un héros civilisateur ? Une réalité atmosphérique et climatique liée aux fontes glaciaires et à la submersion des eaux ? Voire une apocalypse écologique annoncée dans le conflit entre les forces de la nature et la domination humaine ?   

L’autochtonie. Le mythe de la terre mère (depuis la Grèce antique) et de l’occupation d’un sol : de la citoyenneté territoriale aux nationalismes ou à l’autochtonie des peuples.

La fin du monde. Le mythe de la fin du monde, qui n’existait pas en l’état chez les Grecs, trouve ses origines dans le système religieux hébraïque et le monothéisme avec l’idée que le Dieu créateur du monde pourra aussi être le maître absolu de sa fin.

 

Acteurs et héros des récits mythiques.  Beaucoup de mythes présentent des couples de héros (exemple Remus et Romulus, Caïn et Abel),  l’un bandit dans l’excès qui deviendra bouc émissaire, et l’autre bienfaiteur et mesuré, à la fois responsables du mal et pacificateurs.

C’est aussi la figure du bon sauvage qui permet de décrier le « mauvais » civilisé et de profiler l’homme rationnel. C’est aussi l’attente du fondateur comme, par exemple, dans les cultures amérindiennes (Pérou), où on assiste au mythe du retour du Grand Inca Pachcutec chassé de son royaume par les espagnols au XVe siècle, et qui assurera la libération du joug colonial. Dans les cultures arabo-musulmanes, on peut citer l’exemple d’El Mahdi el Montadhar (Le Mahdi attendu).

 

Les « destins typiques » réinterprétés par l’histoire. Certains mythes sont porteurs de syndromes collectifs, nommés par des personnages ou des évènements : Œdipe, Sisyphe, Prométhée, Électre, Elyssa Reine de Carthage, Hannibal, etc. À partir d’une histoire d’origine (par exemple, le mythe grec) et d’un destin édifiant, une société construit et modélise des  types de comportements humains. En partant de cette réflexion de Roland Barthes, « le mythe est une parole choisie par l’histoire », une réflexion théorique pourra être développée sur les conditions de l’interprétation des mythes et de leur historicité.

 

De nouveaux mythes contemporains. On les retrouve le plus souvent camouflés dans certaines activités humaines significatives, par exemple et entre autres :

- À l’école face au mythe de la réussite, de l’obsession du succès, du désir de faire partie d’une élite, de dépasser sa propre condition.

- À travers l’écriture des romans, des nouvelles, par la rencontre avec le langage (poésie, fable, parole, image) qui scinde le lien originel avec les choses et les transfère dans notre esprit, en transcendant  le temps objectif, personnel et historique.

- À travers les mass-médias : le cinéma, les bandes dessinées, les DVD, les jeux téléchargés, dans une vision moderne des héros légendaires et des personnages fantastiques.

- À travers les activités du corps, des mains et de l’esprit, telles que les actes de guérison, les entreprises d’artisans, les travaux de labour ou de reboisement et d’autres hauts faits humains (les mouvements de protection de l’environnement).

- À travers les différentes créations artistiques et leur retentissement social et culturel. La musique et les expressions musicales ou théâtrales, par exemple, comme révélation d’une unité perdue, d’une réalité suprême.

- À travers les quêtes identitaires (quête d’une transcendance sociale ou professionnelle, d’une histoire nationale, nostalgie des origines ou désir de restaurer des vertus anciennes, quête d’identités de référence à l’international, mythe de « l’eldorado »…).

En synthèse, le mythe comme catalyseur d’histoires : mythologies sociales (révolution, changement, renouveau, indépendance, démocratie, développement, modernisation, globalisation) et mythologies individuelles (réussite sociale avec ses choix, stratégies et moyens ; travail sur l’image de soi - vêtement, soins du corps, pratiques de loisir...). Le mythe comme facteur de divisions humaines : le mythe de la race pure, de la vraie religion,  de la civilisation, de la citadinité, de la supériorité, de l’autochtonie, etc.

 

La question des origines du mythe. Les interventions pourront confronter au moins deux thèses. L’une qui part des travaux de Jung, plaidant pour une universalité de conception de la vie et de la mort, qui fait que les mêmes mythes se retrouvent et se répètent dans le monde indépendamment des spécificités des sociétés. Les autres s’appuyant sur un diffusionnisme des idées de par le monde, entraînant une reconfiguration des mythes selon les contextes, avec les mêmes structures de base. On peut, par exemple, étudier des variations structurales dans le temps à l’intérieur d’une même aire culturelle (Lévi-Strauss). On peut aussi, comme le font préhistoriens et historiens, établir des inventaires en décomposant des séquences (mythèmes) et en comparant leur taux de présence ou d’absence, d’emprunts et de similitude (méthode génétique des arbres).

             

Le mythe comme écriture littéraire. Comment le différencier par rapport à un conte, à une légende, à une fable ? Un récit de fondation est-il un mythe ?

Les dictons ou les proverbes, qui renvoient à des éléments de psychologie collective, sont-ils liés à des mythes ?

Quels emprunts les écrivains et les poètes font-ils aux mythes ? Comment ils s’en approprient, voire en modifient la structure narrative ? Comment ils combinent à la fois des formes de rationalisme scientifique, et des rêveries dans les résidus de la pensée archaïque et d’un inconscient collectif ? On pourrait s’appuyer, ici, sur les travaux de Gaston Bachelard sur la terre et les rêveries du repos et de la volonté, l’eau et les rêves, l’air et les songes, la psychanalyse du feu.   

Les lois et les structures de l’imaginaire repérées dans les mythes. Les schèmes des symboles mythiques tels que Gilbert Durand les a classifiés (postural, copulatif, digestif).

Les approches antiques des récits selon les âges (or, bronze, argent, guerre, fer), celles de Georges Dumézil (conceptions guerrières et reproductives), puis de Jean-Pierre Vernant (sacerdotales guerrières, productives).

 

Quel rapport entretient un mythe avec un rituel ou un cérémonial ? Un mythe serait-il le commentaire d’un geste rituel (la mise à mort d’un Roi ou d’un chef d’origine divine, la construction d’un bouc émissaire dans une situation de menace de la paix sociale) ?

Quel est son lien fonctionnel avec la croyance, le « sacré », le religieux, le politique ?

Même si l’on parvient à dégager des structures, on devra préciser qu’un mythe n’a pas de valeur de réalité intrinsèque. Platon, Cicéron puis les théologiens chrétiens ont montré que les mythes ne détenaient pas une vérité, et cela dans un souci de lutter contre les imaginaires des croyances populaires et des cultes païens ou animistes.

À ce propos seraient bienvenues des communications qui s’interrogeraient sur les relations du mythe avec les cultes et les religions.

Bienvenues aussi celles qui mettraient en évidence le mythe comme forme de communication de l’individu ou du collectif avec la quête cosmique : le soleil et les astres,  les quatre éléments (terre, eau, feu, air), les figures animales et l’anthropomorphisme…

L’idée que l’on pourrait établir, somme toute optimiste, est que le mythe, activité créatrice de la conscience, permet de transcender le temps objectif, le temps personnel et historique. En tant qu’actualisation de ce qui est en puissance dans le passé, il a pour effet que l’écoulement du temps, avec l’apparente instabilité des choses, devient mouvance positive.

 

Comité scientifique :

             

  • Pierre-Noël DENIEUIL (Université Paris V, IRMC, IFRE, USR 3077 à Tunis, Université de Sousse)
  • Hédi KHÉLIL (Université de Sousse)
  • Naima MEFTAH-TTILI (Université de Sousse)
  • Alya CHELLY-ZEMNI (I2L, Université  de Sousse)
  • Hédia ABDELKEFI (I2L, Université Tunis El Manar)
  • Néjiba REGAIEG (Université de Sousse)
  • Souad MATOUSSI (Université de Sousse)
  • Hayet BEN CHARRADA (I2L, Université Tunis El Manar)
  • Béatrice BONHOMME (Université de Nice, Sophia Antipolis)
  • Sylvie CAMET (Université de Nancy)
  • Laurent FOURCAUT (Université de la Sorbonne, Paris IV)
  • Marie-José FOURTANIER (Université de Toulouse 2 Jean Jaurès)
  • Emmanuel FRAISSE (Université de Paris 3- Sorbonne Nouvelle)
  • Danielle BAJOMÉE (Université de Liège)
  • Catherine GAVET (Université de Mons, Belgique)
  • Jean-Louis DUFAYS (Université Catholique de Louvain-la-Neuve)
  • Nathalie PIÉGAY-GROS (Université de Genève)
  • Jean-Louis DUMORTIER (Université de Liège, Belgique)

 

Comité d’organisation :

- Najiba REGAIEG (Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse)

- Nouri M’BAREK (Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse)

- Souad MATOUSSI (Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse=

- Lamia BRAHEM (Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse)

- Naoufel FATHALLAH (Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse)

- Saloua Béji (Faculté des Lettres des Sciences Humaines de Sousse)

Responsables : Alya CHELLY-ZEMNI et Pierre-Noël DENIEUIL