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L'imaginaire sériel

L'imaginaire sériel

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Jonathan Fruoco)

Appel à communication : Imaginaire sériel

28-29 Mai 2015 : Université Stendhal, Grenoble 3

Ce colloque fait suite à une série de séminaires organisés à l’université Stendhal (octobre 2013 – décembre 2014) et dont l’objectif était de proposer une réflexion sur le rapport entre la série télévisée et le mythe. Ce colloque vise à présent à élargir ce questionnement de façon, d’une part, à interroger l’impact de la sérialité sur notre imaginaire et, d’autre part, à mieux cerner l’imaginaire de la sérialité.

Au-delà des débats idéologiques ou méthodologiques dans les études sur l’imaginaire, un point semble faire l’unanimité : l’imaginaire opérerait essentiellement selon les mécanismes de la répétition. Ainsi, pour ne citer que des exemples emblématiques, Mircea Eliade voit dans la reproduction des archétypes la raison de tout geste humain, Claude Lévi-Strauss souligne l’importance de la récursivité des mythèmes, alors que Gilbert Durand défend le principe de la redondance perfectionnante. En forgeant la notion de l’imaginaire sériel, nous proposons de revenir sur l’étroite solidarité entre, d’une part, cette faculté qui conditionne et organise les va-et-vient riches de sens entre l’expérience et sa représentation et, d’autre part, un mode opératoire qui repose sur la répétition cadencée d’un ou de plusieurs paradigmes, dans un ensemble isolable, déterminé et cohérent, qui permet leur reproduction et leur inflexion. Le concept de la sérialité lié à de l’imaginaire suggère que ce dernier forme un ensemble inachevé, en évolution constante. Dans quelle mesure les mécanismes de la sérialité déterminent-ils le déploiement de l’imaginaire ? Existe-t-il une interdépendance entre les modes de production de l’imaginaire et les pratiques artistiques ? La dernière question est particulièrement délicate dans la mesure où l’on peut difficilement comprendre le fonctionnement de l’imaginaire en dehors de ses manifestations, que ce soit sur le plan artistique, social, culturel ou idéologique. Et sur ce point, c’est en effet le principe de redondance, lié à celui de réseau (images, mythèmes) qui nous permet souvent de savoir si nous avons affaire à un effleurement mythique structuré en profondeur par un certain imaginaire ou à un simple épiphénomène.  Les recherches menées par Patricia Falguières sur la portée philosophique du concept de la reproductivité incitent enfin à interroger l’historicité du phénomène : y a-t-il des époques ou des courants artistiques particulièrement sensibles aux mécanismes de la sérialité ? Quelles seraient alors les raisons de cette prédilection ?

Dans cette perspective, les œuvres d’art sérielles forment naturellement un champ de recherches privilégié, puisqu’elles font de la récursivité et de la redondance un principe de construction. Toute discipline artistique est susceptible de porter un éclairage sur les questions évoquées. Ainsi, pourront être analysées la littérature sérielle tels que les romans-feuilletons ou les cycles de littérature de jeunesse ou de science-fiction, les séries télévisées, la musique sérielle, mais encore les séries dans la bande dessinée, le cinéma, les arts picturaux, la photographie. Pour la raison précisément que le terme de sérialité ne recouvre pas uniment les mêmes phénomènes, les dissonances et les contradictions contribueront à mieux saisir les particularités du déploiement de l’imaginaire, ou des imaginaires, sériel (s). La réflexion se portera prioritairement sur les axes suivants :

·        Le temps et l’espace dans l’imaginaire sériel : Afin de déterminer quel(s) imaginaire(s) la structure sérielle de ces œuvres met en mouvement, la réflexion pourra porter sur le traitement qu’elles proposent de la temporalité et de la spatialité. De fait, par opposition à l’unicité et à la ponctualité, la sérialité favorise l’émergence progressive de significations complexes, chaque terme apportant une configuration nouvelle à un ensemble en perpétuel mouvement. Le pacte de lecture sérielle doterait la sérialité d’une dimension exégétique en donnant à l’observateur (lecteur, spectateur…) l’opportunité d’associer et de réinterpréter ces significations complexes. En effet – pour reprendre la formule de Jauss – la sérialité façonne l’horizon d’attente du destinataire et donc la construction même du temps.

·        L’esthétique fragmentaire et l’imaginaire sériel : Il conviendra également d’étudier l’esthétique fragmentaire propre aux œuvres sérielles, car les poétiques de la discontinuité et de la rhapsodie participent activement de la constitution d’un sens mouvant. Par exemple, l’espace négatif entre chaque case d’une bande dessinée (la gouttière), permet d’anticiper le retour du récit, voire de le fantasmer. L’interstice se profilerait ainsi comme un lieu d’expression tout désigné de l’imaginaire, dans la mesure où le principe de suspension a pour effet d’impliquer l’esprit humain au cœur même du processus créatif.

·        L’imaginaire sériel et l’idéologie : Le retour régulier d’un univers fictif, et donc son inscription dans le calendrier habituel d’une communauté, contribuent, sur le plan de la réception, à une illusion de réalité parfois extrêmement forte. Une attention particulière pourra donc être portée à la puissance mimétique et à l’ambiguïté des modes de représentation de l’imaginaire sériel. La série télévisée Twin Peaks, par exemple, entraîne le public en jouant avec les signes du récit initiatique avant de piéger héros et téléspectateurs dans une contre-initiation interrogeant notre rapport à la réalité et à sa représentation médiatique. Dans quelle mesure, espace privilégié de questionnement des récits, l’imaginaire sériel pourrait-il devenir un espace de domination idéologique ?

·        L’imaginaire sériel et l’économie : L’industrie culturelle pourrait être vue, selon le positionnement critique d’Adorno et Horkheimer, comme une production en série dans la mesure où « la technologie de l’industrie culturelle n’a abouti qu’à la standardisation et à la production en série, sacrifiant tout ce qui faisait la différence entre la logique de l’œuvre et celle du système social » [2]. En suivant cette logique, on pourra penser aux travaux de Walter Benjamin sur « l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », où la production en série transforme l’art en marchandise, en loisir culturel.

·        La matérialité de l’imaginaire sériel : Il conviendra aussi d’envisager la question des supports matériels des œuvres sérielles et des media qui les véhiculent. Si, sans conteste, ces créations sont tributaires des ressources techniques qu’elles mobilisent, il ne faut cependant pas négliger la manière, d’une part, dont l’imaginaire s’empare de ces moyens ni, d’autre part, le rôle dynamique qu’il joue dans leur apparition. Existerait-il, par conséquent, un rapport entre le support et son impact sur l’imaginaire ? Une œuvre picturale sérielle telle que « Les Trente-six vues du Mont Fuji » de Katsushika Hokusai s’imprimerait-elle de la même manière sur l’esprit du spectateur qu’un roman feuilleton ou qu’une série de films ?

Ces axes de travail sont donnés à titre indicatif et toute proposition de communication sera étudiée avec intérêt.

Modalités de soumission

Les propositions de communication en anglais ou en français d’une longueur de 300 à 400 mots, ainsi qu’une courte notice bio-bibliographique sont à envoyer à l’adresse suivante mythes.seriestv@gmail.com pour le 5 février 2015.

Comité scientifique

  • Isabelle Krzywkowski : Professeur des universités, Université Stendhal, Grenoble 3, directrice du CRI, littératures comparées.
  • Catherine Delmas : Professeur des universités, Université Stendhal, Grenoble 3, directrice du CEMRA et de l’ED Grenoble, littérature anglaise, littérature du Commonwealth.
  • Philippe Walter : professeur émérite de littérature française du Moyen Âge, Université Stendhal, Grenoble 3, mythologie.
  • Hélène Machinal : Professeur des universités, Université de Bretagne Occidentale, Etudes anglophones.
  • Charles Delattre : Maître de conférences, Université Paris-Ouest Nanterre, langues et littératures anciennes, mythologie.
  • Donna Andreolle : Professeur des universités, Université du Havre, cinéma et séries télévisées.
  • Anne Besson : Maître de conférences, Université d'Artois, littératures sérielles.
  • Carlos Carreto : Professeur des universités, Universidade Aberta, Lisbonne, littératures populaires.
  • Patricia Cardoso : Professeur des universités, Universidade Federal do Paraná, Brésil, coordinatrice du Master bilatéral entre l’Universidade Federal do Paraná et l'Université de Lyon 2 Lumière, littérature et cinéma. 
  • Daniella Musso, Docteur CRI
  • Ilona Woronow, Docteur CRI
  • Jonathan Fruoco, Docteur CEMRA/ILCEA4.

Orientations bibliographiques

Barthes, Roland, Mythologies, Paris, Seuil, 1957.

Boia, Lucian, Pour une histoire de l’imaginaire, Paris, Les Belles Lettres, 1998.

Brunel, Pierre, Mythopoétique des genres, Paris, PUF, 2003.

Campbell, Joseph, The Hero With a Thousand Farces, Londres, Fontana Press, 1949/1993.

Campbell, Joseph, Moyers, Bill et Flowers, B.S. (Éd.), The Power of Myth, New York, Anchor Books, 1988.

Dominique Moncond’huy et François Noudelmann (dir.), Suite, série, séquence, Poitiers, La Licorne, 1998.

Durand, Gilbert, L’Imagination symbolique, Paris, Presses Universitaires de France, 2003.

Durand, Gilbert, Introduction à la mythodologie : mythes et sociétés, Paris, Librairie Générale française, 2000.

Durand, Gilbert, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire : introduction à l’archétypologie générale, Paris, Dunod, 1984.

Esquenazi, Jean-Pierre, Mythologie des séries télévisées, Paris, Cavalier Bleu, 2009.

Falguières, Patricia, “Sur le renversement du maniérisme”, dans: E. Kris, Le Style rustique, Paris, Macula, 2005.

Jauss, Hans Robert, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978.

Jeay, Madeleine, Le commerce des mots. L’usage des listes dans la littérature médiévale (XIIe-XVe siècles), Genève, Droz, 2006.

Lafargue Bernard, La Série : poïétiques et esthétiques. Première rencontre des arts plastiques Bordeaux III/Bilbao, Mont-de-Marsan, Éditions interuniversitaires, 1993.

Levi-Strauss, Claude, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1996.

Thomas, Joël, Introduction aux méthodologies de l’imaginaire, Paris, Ellipses, 1998.

Rougé, Bertrand, Suites et séries : actes du troisième colloque du CICADA, Pau, Publications de l’Université de Pau, 1994.

Yves Durand, Jean-Pierre Sironneau, Alberto Filipe Araujo (dir.), Variations sur l’imaginaire: l’épistémologie ouverte de Gilbert Durand : orientation et innovations, Bruxelles, EME, 2010.

Walter Philippe, Danièle Chauvin, André Siganos, (dir.), Questions de mythocritique : dictionnaire, Paris, Imago, 2005.