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'De l'archive au film. Du film à l'archive' (Paris 3)

'De l'archive au film. Du film à l'archive' (Paris 3)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Lucia Miguel)

De l’archive au film, du film à l’archive

Le colloque se tiendra pendant deux jours à Paris pendant la dernière semaine d’avril 2016.

Dans la recherche cinématographique envisagée dans une perspective historique, l’archive (film et non-film) est une source fondamentale. La notion d’« archive » désigne tout document, quels que soient sa forme et son support matériel, contenant des traces du passé permettant aujourd’hui de le documenter, de l’appréhender et d’en connaître certains aspects. L’archive devient ainsi un support matériel mais aussi un réservoir du « temps passé», qui acquiert une dimension historique et mémorielle dans le temps.

Dans la discipline cinématographique, la notion d’archive reste complexe à appréhender. La pluralité de significations possibles entraîne un brouillage épistémologique difficile à démêler[1]. De quoi parle-t-on, en cinéma, quand on parle d’« archive » ? Quelle place peut prendre une archive dans une narration cinématographique ? Quels échanges peuvent se mettre en place entre film et archive ? Comment le film façonne-t-il l’archive pour créer un récit cinématographique (documentaire ou fictionnel) ? Dans quel but le film s’empare-t-il des archives ? Comment le film devient-il lui-même archive pour documenter la narration et/ou l’histoire ? Et surtout, quels transferts sont mis en jeu dans cette pratique ?

Le colloque « De l’archive au film, du film à l’archive » se propose ainsi de questionner la présence de l’archive dans la narration cinématographique. Il s’agira d'explorer la façon dont l’archive (quel que soit son support) est exploitée dans les films et devient ainsi matière cinématographique. Dans cette perspective, l'archive peut être envisagée à la fois en tant que source de l'histoire (comme objet porteur du passé, qui peut le faire ressusciter à l’écran avec des objectifs différents : illustratif, mémoriel, contextuel, etc.) et en tant que matière (comme objet d'un traitement esthétique et/ou narratif qui l'intègre dans l'écriture cinématographique).

Nous proposons une réflexion autour des axes suivants:

          — Les archives film et non-film insérées dans les films : Il s’agit d’analyser la place de l’archive au sein de la fiction cinématographique. De quelle manière intègre-t-elle la narration cinématographique du point de vue esthétique et narratif ? Dans quel but les archives sont-elles utilisées ? Nous nous intéressons à la nature des archives employées dans les films : archives non-film (lettres, archives officielles, partitions, etc.) et film (de fiction, d'actualités, amateurs, etc.) et à leur insertion dans un récit cinématographique, aux frontières de l'esthétique, de l'histoire, de la mémoire. En outre, l’archive filmique est parfois le sujet même du film.

          — Les films d’archives ; le (re)montage ; le found footage : On inclut ici des films de tous genres qui sont réalisés exclusivement à partir d’images d’archives. Il sera également question des films de montage réalisés à partir de rushes bruts, d’archives trouvées, de film de répertoire ou d’actualité qui peuvent générer un film nouveau, documentaire ou fiction, même sans aucune fidélité au contenu réel des images. Nous nous intéressons également au found-footage dans le cas du cinéma expérimental et poétique. Dès lors, l’écriture de l’archive au cinéma répond-elle à une question esthétique ou historique ? Ces films sont-ils producteurs et porteurs de sens historiques ? Peuvent-ils s'apparenter à la démarche historienne ?

         —  Du film à l’archive : Nous proposons l’analyse de films situés à la frontière poreuse entre documentaire et fiction qui peuvent être considérés comme archive. Comment les cinéastes s’emparent-ils de films pour créer un récit, illustrer ou parler de l’histoire ? De même, la réalité explose parfois le récit cinématographique de fiction en offrant des moments de « vérité » avec une grande puissance documentaire pour la connaissance de l’époque du film.

          — Le film comme instrument de propagande : Il s’agira ici des images de fiction qui, extraites du film original, ont servi, à travers leur remontage, de cautions du réel dans un film de propagande. Le film de fiction devient ainsi témoin biaisé du réel et par extension une archive historique falsifiée.

         —  L’usage des actualités filmés : Les images documentaires, tournées dans l’immédiateté d’un événement important, dont le but est d’illustrer un épisode et d’informer une audience, sont susceptibles de devenir archive historique au même niveau qu’une chronique ou un rapport institutionnel.

Nous souhaitons ainsi explorer la relation dynamique qui s’établit entre archive et film, en mettant en lumière les différents cheminements par lesquels elle peut se concrétiser. Nous proposons des sentiers de recherche étendus afin de donner l'opportunité à des chercheurs et des praticiens d’horizons divers d'intégrer la réflexion proposée et d’enrichir ainsi la pensée historique du cinéma.

 

Les propositions (2 500 signes max.) accompagnées d’une brève biobibliographie sont à envoyer à l’adresse colloque.kinetraces2016@gmail.com avant le 31 janvier 2016.

 

Responsables : Marién Gómez (Doctorante, université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Lucia Miguel (Doctorante, université Sorbonne Nouvelle – Paris 3).

Comité scientifique : Jean-Pierre BERTIN-MAGHIT (Professeur à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Sébastien LAYERLE (Maître de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Sylvie LINDEPERG (Professeure à l’université Panthéon Sorbonne – Paris I), Marién GOMEZ RODRIGUEZ (Doctorante), Lucia MIGUEL (Doctorante), Vicente SANCHEZ-BIOSCA (Professeur à l’université de Valencia, Espagne), Matthias STEINLE (Maître de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Laurent VÉRAY (Professeur à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3).

Comité d’organisation : Caroline Damiens, Marién Gomez, Antoine Guichard, Lucia Miguel, Katherine Nakad Chuffi, Sébastien Roffat.

 

Pistes bibliographiques :

BERTIN-MAGHIT, Jean-Pierre. Le cinéma français sous l’Occupation, Paris, PUF, 1994

BERTIN-MAGHIT, Jean-Pierre. Une histoire des cinémas de propagande, Paris, Nouveau Monde, 2008.

BERTIN-MAGHIT, Jean-Pierre. Les documenteurs des années noirs, les documentaires de propagande, Paris, Nouveau Monde, 2004.

BLÜMLINGER, Christa. Cinéma de seconde main : Esthétique du remploi dans l’art du film et des nouveaux médias, Paris, Klincksieck, Collection d’esthétique, 2013

COMOLLI, Jean-Louis, RANCIÈRE, Jacques. Arrêt sur histoire, Paris, Centre Georges-Pompidou, 1997

DIDI-HUBERMANN, Georges. Images malgré tout, Paris, Les éditions de Minuit, 2003 

DIDI-HUBERMANN, Georges. Quand les images prennent position. L’œil de l’histoire, 1, et Remontages du temps. L’œil de l’histoire, 2, Paris, Les éditions de Minuit, 2009 et 2010

FARGE, Arlette. Le goût de l’archive, Paris, éditions du Seuil, coll. Points Histoire, 1988

FERRO, Marc. Cinéma et Histoire, Paris, Gallimard, 1977

LAYERLE, Sébastien. Caméras en lutte en mai 68, Paris, Nouveau Monde éditions, 2008

LINDEPERG, Sylvie. Nuit et Brouillard. Un film dans l’histoire, Paris, Odile Jacob, 2007 

LINDEPERG, Sylvie. La voie des images. Quatre histoires de tournage au printemps-été 1944, Paris, Verdier Histoire, 2013

NINEY, François. L’épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, Bruxelles, De Boeck Université, 2000.

RANCIERE, Jacques. Le destin des images, Paris, La Fabrique éditions, 2003

RICOEUR, Paul. La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, éditions du Seuil, 2000

VERAY, Laurent. Les films d’actualité français de la Grande Guerre. Paris, AFRHC, 1995.

VERAY, Laurent. Les images d’archives face à l’histoire. De la conservation à la création, Paris, Scérén/CNDP, 2011

WEES, William C. Recycled Images. The Art and Politics of Found Footage Films, New York, Anthology Film Archives, 1993

 

[1] Nous nous inscrivons dans la démarche d’investigation cinématographique et historique initiée pendant les années 1970 dans l’École de Annales et notamment par Marc Ferro, grâce à laquelle l’écriture de l’Histoire prit une direction nouvelle : elle cherche à ouvrir la recherche historique à d’autres sources et disciplines des sciences humaines, et elle prône surtout un élargissement documentaire. Cette nouvelle perspective donnera un nouvel statut et usage à l’archive, et surtout, à l’image d’archive.