Cinéma et Shoah : dans l'atelier des films
Chez ceux qui prennent part aux multiples étapes de la fabrication d’une œuvre cinématographique ou télévisuelle, le fait d’aborder le thème de la Shoah induit-il une réflexion, une distance ou une attitude particulière les conduisant à appréhender différemment leur métier ? Quels problèmes concrets les réalisateurs, producteurs, chefs-opérateurs, conseillers historiques ou bien encore critiques rencontrent-ils lorsqu’ils travaillent sur un sujet aussi sensible, à l’endroit duquel le travestissement des faits historiques, le sentimentalisme et une certaine complaisance voyeuriste semblent encore plus difficilement supportables que d’ordinaire ? Cette année, la parole est à ceux qui sont au cœur du processus de création des films. Ils viendront nous parler de leur travail et de la manière dont leur métier se confronte à de telles problématiques.
Le Centre d’enseignement multimédia propose un rendez-vous mensuel de deux heures, au cours duquel historiens, critiques, spécialistes du cinéma explorent la relation particulière qui existe entre le cinéma et la Shoah. Animée par Ophir Levy, chargé de cours en études cinématographiques à l’Université Paris III, chaque séance se déroule en deux temps : une conférence illustrée d’extraits de films, suivie d’un débat avec le public.
Entrée libre sur réservation : cem@memorialdelashoah.org / Tél. 01 53 01 17 03
Jeudi 2 octobre 2014 à 18h30
Le regard du documentariste
Face à l’extrême rareté des images d’archive, à l’aspect parfois insoutenable de celles qui existent et à la nécessité de se situer à une juste distance de son sujet, quels partis pris un réalisateur de documentaire peut-il adopter ? A fortiori lorsque son film est destiné à être diffusé sur une grande chaîne de télévision. Dans Einsatzgruppen, les commandos de la mort et Le Procès d’Adolf Eichmann (écrit avec A. Wieviorka), Michaël Prazan parvient précisément à concilier la clarté du propos, l’exigence historique et le souci d’une écriture documentaire sophistiquée.
Avec Michaël Prazan
Jeudi 23 octobre 2014 à 18h30
Esquisse d’un film
Si l’utilisation de dessins pour élaborer un film remonte aux origines du cinéma (Méliès, Murnau), le travail du story-boarder est longtemps resté marginal. Sollicité en amont du projet afin d’évaluer la complexité de certaines scènes, de préciser des prises de vue et d’en estimer le coût, il participe à l’identité visuelle d’un film en mettant en images les intentions du réalisateur. A travers ses expériences aux côtés de cinéastes aussi différents que R. Polanski, P. Chéreau ou J-J. Annaud, Maxime Rebière nous expliquera comment l’esprit du film influe sur le style de ses croquis, et inversement.
Avec Maxime Rebière
Jeudi 6 novembre 2014 à 18h30
En quête d’archives
Crédité aux génériques de nombreux films, le documentaliste-recherchiste reste pourtant une énigme aux yeux du public. Parcourant la planète pour écumer les innombrables fonds d’images depuis des années afin de satisfaire les exigences des réalisateurs, Valérie Combard viendra témoigner du jeu de piste passionnant qu’est la recherche d’images, de son rôle et de sa place dans la chaîne de fabrication d’un film. Elle partagera également ses réflexions sur l’image d’archive et ses usages (colorisation, recadrage…).
Avec Valérie Combard
Jeudi 4 décembre 2014 à 18h30
De l’idée à l’écran : le rôle du producteur
Loin des stéréotypes, le producteur accompagne l’ensemble du processus de création d’un film, tant sur le plan artistique que financier. Richard Copans, également réalisateur et chef opérateur, a produit plusieurs films abordant la question du nazisme et de la « Solution finale », tels que La Langue ne ment pas de Stan Neuman. Il évoquera les coups de cœur et les rencontres qui motivent le désir de produire un film, les longues périodes de gestation et les parcours du combattant auxquels s’apparente parfois la production d’une œuvre.
Avec Richard Copans
Jeudi 15 janvier 2015 à 18h30
La puissance de la musique
Intervenant le plus souvent dans la dernière phase de création du film, le compositeur, s’il veut éviter d’illustrer platement, ou de manière redondante, les enjeux émotionnels du récit, peut proposer une musique qui dialoguerait avec les images et la bande-son. Or, dans un film consacré à la Shoah, comment trouver la juste distance qui permette de soutenir l’émotion sans verser dans le sentimentalisme ? Et dans quelle mesure la musique permet-elle au spectateur d’accéder à des régions d'affects et de significations que les seules images ne lui permettent pas d’atteindre ?
Avec Armand Amar
Jeudi 12 février 2015 à 18h30
A la table de montage
Lorsqu’ils sont essentiellement composés d’archives, les documentaires consacrés à la persécution et à l’extermination des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale s’écrivent surtout au montage. Cependant, le montage demeure une étape absolument majeure de la création de tout film (documentaire aussi bien que fiction) car la manière dont les images sont associées produit des effets de sens, de rythme et de style qui constituent en grande partie la signature de leurs auteurs. Comment ces derniers, au côté de leur monteur, s'y prennent-ils alors pour tailler leur film dans la masse d’images que composent parfois plusieurs centaines d’heures de rushes et d’archives ?
Avec Nathalie Triniac
Jeudi 12 mars 2015 à 18h30
Cinéma/Histoire : l’entente cordiale
Lorsqu’un cinéaste souhaite « reconstituer » le passé, il peut faire appel à un expert afin d’éviter bévues historiques et anachronismes pouvant décrédibiliser le film. Quelles raisons poussent une historienne telle qu’Annette Wieviorka à devenir conseillère sur un film mettant en scène la Shoah ? Quelle est sa place dans le développement du projet, sur le tournage ? La collaboration entre cinéaste et conseiller historique stimule-t-elle la réflexion historique ? Comment concilier à la fois préoccupations artistiques et « vérité historique » ?
Avec Annette Wieviorka
Jeudi 9 avril 2015 à 18h30
Genèse d’un film
S’il est vrai que la destruction des Juifs d’Europe a donné lieu à de très nombreuses fictions depuis la fin des années 1940, tout scénariste a aujourd’hui conscience, en s’attaquant à un tel projet, que celui-ci ne saurait souffrir l’approximation ou l’invraisemblance historique. Quelles sont alors les sources à partir desquelles travaille un scénariste (journaux intimes, documentaires, témoignages, livres d’historiens) et comment parvient-il à concilier la liberté créatrice de l’auteur avec la demande sociale d'exactitude, voire de stricte conformité à l'image que le grand public se fait de l'événement et de la période ?
Intervenant en cours de confirmation
Jeudi 28 mai 2015 à 18h30
Acteur de l’ombre
Responsable de l’éclairage et des prises de vues, le directeur de la photographie est un rouage essentiel à la production d’un film. Alliant technique et créativité, il s’approprie l’histoire par la lumière et donne au film son identité visuelle. Interlocuteur privilégié du cinéaste, il doit aussi savoir se mettre à son service. Dans un entretien croisé, Caroline Champetier et Jimmy Glasberg échangeront sur leur expérience de chef-opérateur notamment sur les films de Claude Lanzmann.
Avec Caroline Champetier (sous réserve) et Jimmy Glasberg
Jeudi 11 juin 2015 à 18h30
Le film en analyse
À la manière dont Georges Perec déplorait le fait que, paralysé par la gravité du sujet, on n’osait critiquer (en tant qu’œuvre littéraire) les livres consacrés à la déportation, il serait absurde de suspendre tout esprit critique à propos des films abordant ce même sujet. Comment les critiques de cinéma se positionnent-ils lorsqu’ils doivent écrire (en général très vite) sur de tels films ? La mise à distance qu’ils proposent à leur lecteur, que certains jugent spécieuse vis-à-vis de la fonction mémorielle des films, n’est-elle pas au contraire plus que jamais nécessaire ?
Intervenant en cours de confirmation