Essai
Nouvelle parution
Brutalité et représentation (M.-T. Mathet éd.).

Brutalité et représentation (M.-T. Mathet éd.).

Publié le par Marc Escola (Source : Philippe Ortel)

Brutalité et représentation,
sous la direction de Marie-Thérèse Mathet,
L'Harmattan,
collection « Champs visuels », 2006
368 p.

Prière d'insérer :


Depuis quelques années, l'actualité a fait de la violence un sujet de recherche central dans les études littéraires. Ce volume aborde la question sous un angle particulier, qui voudrait faire émerger, au-delà du thème, la nécessité de recourir à une analyse des dispositifs. Après L'Écran de la représentation, La Scène et L'Incompréhensible, le laboratoire Lettres, Langages et Arts poursuit ici sa réflexion sur les modes d'articulation entre la fiction et le réel. Le réel n'interroge plus aujourd'hui la littérature dans la perspective d'une mimésis (quels sont les marqueurs de la véridicité d'un récit ? dans quelle mesure la fiction se démarque-t-elle du témoignage ?), mais comme irruption symptomatique dans le texte et dans ses structures d'éléments non modélisables, erratiques : le réel pointe les défaillances structurales du récit.

L'idée n'est pas neuve. Mais le temps n'est plus où on peut se contenter, pour rendre compte en littérature de l'effet de réel, du « petit fait vrai ». C'est la violence du monde qu'il s'agit de percevoir et de retrouver, une violence qui se manifeste comme brutalité. La brutalité est-elle la forme symptomatique que prend la violence pour advenir à la représentation ? Ou plutôt, paradoxalement, la violence ne constitue-t-elle pas déjà une forme médiatisée de ce qui s'est d'abord manifesté hors de tout système de signification, comme irruption brute, brutale du réel, défiant, ignorant même tout code et tout modèle ? La littérature s'affronte ici à son envers, à ce point de néantisation où non seulement la culture, mais le sujet même est menacé.

    Faisant suite aux recherches menées dans L'Incompréhensible, la première partie de ce volume, « Incompréhensible et brutalité » décrit une symptomatique de la brutalité, dans le face à face déconstructif qui l'affronte aux visées herméneutiques du texte. La brutalité est d'abord ce qui ne se comprend pas, et c'est dans les défauts, les points de rupture du texte qu'il faut la chercher.

    Pourtant, d'une certaine manière, la brutalité fait scène, ou plus exactement doit, devrait faire scène pour que le récit puisse la représenter quand même, malgré l'innommable à quoi elle est attachée. La deuxième partie du livre, « La Brutalité et le politique », s'affronte à cette scène impossible, où l'atteinte intime et l'enjeu, l'espace politiques sont convoqués et superposés.

    Il ne s'agit donc plus seulement de ce qui, dans la scène, fait tableau hors de tout discours. L'espace même de la représentation, pour manifester la brutalité, devient problématique. Au-delà de la thématique circonstancielle de la violence, faire advenir cet espace devient l'enjeu de ce qu'on voudrait définir ici comme « dispositif de récit ». La troisième partie du livre, « De la poétique au pan », esquisse le parcours qui doit conduire de la poétique à la prise en compte de ce qui, à la manière du petit pan de mur jaune face à Bergotte, fait pan, non sans risque…

Sommaire

Avant-Propos : Marie-Thérèse MATHET, « Brut, brutal, brutalité »
Introduction : Stéphane LOJKINE, « Brutalités invisibles. Vers une théorie du récit »


Incompréhensible et brutalité
1. François DUTRAIT, « Incompréhensible brutalité ? »
2. Anne-Marie LEFEBVRE, « Balzac et la brutalité : de l'incompréhensible sacrifice à la révélation brutale »   
3.    Danielle WIECKOWSKI , « Brutalité sur un plat : Les Noces d'Hérodiade »
4. Mireille RAYNAL, « Plasticité du texte brutal : la “forme corvéable à merci” de Pierre Michon et les “formes rompues” du “poème offensant” de René Char »

La Brutalité et le politique
5. Jean-Pierre ZUBIATE, « Brutalités poétiques aux temps modernes : entre pouvoir et puissance »
6. Pierre SOUBIAS, « Kourouma : l'écriture, la brutalité »
7. Pierre-Yves BOISSAU, « Violences dans la cité et poétiques de la brutalité : un peu de tendresse sur ce monde de brutes »
8. Lionel RUFFEL, « Le brut, le reste dans les fictions d'Antoine Volodine »

De la poétique au pan
9. Catherine GRALL, « L'aspect tragique de la brièveté : la brutalité dans quelques nouvelles de Kleist et de Hoffmannsthal »
10. Marie-Thérèse MATHET, « Surnaturel ou brutalité : L'Ensorcelée de Barbey d'Aurevilly »
11. Anne-Lise BLANC, « La brutalité chez Claude Simon »
12. Françoise GAILLARD, « Allégorie d'un fantasme fin de siècle : Courbet, L'Origine du monde »
13. Arnaud RYKNER, « Les spasmes du subjectile : brutalité du pan de Balzac à Sarraute »

Conclusion : Philippe ORTEL, « Entre effraction et émergence : esthétique de la brutalité »


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