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Barthes, en sortant du cinéma (Centre Pompidou)

Barthes, en sortant du cinéma (Centre Pompidou)

Publié le par Marie Gil (Source : Centre Pompidou)

« Barthes, en sortant du cinéma »

Marie Gil, Eric Marty et Antoine de Baecque

 

Centre Georges Pompidou,

14/15/16 et 21/22/23 octobre 2015, 19h-21h

Roland Barthes (1915-1980) fut tout à la fois critique littéraire, linguiste, sociologue, écrivain, philosophe. Figure d’exception parmi les intellectuels de sa génération, il l’est tant par le caractère inclassable de son œuvre que par l’immense succès de sa pensée, au centre, aujourd’hui encore, du monde des lettres. Or Barthes fut aussi, et cela est moins connu, critique, théoricien et penseur du cinéma – il fut même acteur le temps d’un film : Les Sœurs Brontë d’André Téchiné, en 1977.

Le titre de ces rencontres autour de Barthes et le cinéma s’inspire d’un célèbre texte qu’il fait paraître en 1975, intitulé « En sortant du cinéma », qui commence par cette phrase : « Le sujet qui parle ici doit reconnaître une chose : il aime à sortir d’une salle de cinéma. » Il y a là comme une allégorie du rapport paradoxal de Barthes au cinéma : à la fois un rapport d’extrême familiarité à cet art, l’acte ordinaire de sortir d’une salle obscure dans le cortège murmurant des spectateurs, et l’expression d’une réticence déclarée, une manière de tourner le dos au cinéma. Il a même pu déclarer ne pas aimer le cinéma, auquel dans le même temps, pourtant, il consacrait tant de pages d’écriture. C’est sans doute la raison pour laquelle le rapport de Barthes au cinéma est aujourd’hui encore si mal connu, et qu’une entreprise de mise au jour s’est imposée et a donné naissance à ces soirées, à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Barthes est peut-être celui qui, avec Deleuze et Rancière, a le plus donné au cinéma. Un rapide sondage dans ses Œuvres complètes donne la mesure d’un rapport permanent au septième art, depuis son premier texte publié consacré à Bresson en 1943 jusqu’au tout dernier puisque, quelques jours avant l’accident mortel du 25 février 1980, Barthes prononce, en présence d’Antonioni à Bologne pour la remise du prix Archiginnedio d’Oro, une allocution intitulée « Cher Antonioni… ». Au point qu’une manifestation sur « Barthes et le cinéma » revient à proposer une petite « histoire du cinéma » du XXe siècle de Barthes.

Ces soirées ne se contenteront pas, cependant, d’explorer ce que le cinéma a représenté dans la vie et dans l’œuvre de Barthes, à travers son écriture critique ; elles entendent aussi montrer ce que le regard « résistant » de Barthes à la facilité du cinéma a apporté, et peut encore apporter à la création et à la pensée cinématographiques aujourd’hui. Ainsi, les grands noms du cinéma et de la critique qui viendront ici échanger rappelleront aussi bien le compagnonnage de Barthes avec la cinéphilie de son temps, ses amitiés, que la manière qu’il a eu de prendre le cinéma du dehors, par la sociologie, puis par la sémiologie, enfin par le « plaisir » même, pour le révéler autrement. Ce sera l’occasion d’explorer ce rapport à la fois critique et intime, cette écriture à la fois réticente et désirante, qui constituent la véritable passion du cinéma.

 

Programme

14 octobre

19h : Projection de Roland Barthes, le théâtre du langage, un film écrit par Chantal et Thierry Thomas, réalisé par Thierry Thomas

20h Conférence de Georges Didi-Huberman : "De la salle obscure à la chambre claire"

L'attitude de recul de Barthes vis-à-vis du cinéma tient surtout du regard critique sur une mythologie moderne : il reconnaît ainsi pleinement l'idéologie et l'esthétique dont les films sont investis. Georges Didi-Huberman retrace les évolutions de Roland Barthes vis-à-vis du cinéma. Il vient de publier Passés cités par JLG. L'Œil de l'histoire, tome V (Ed. de Minuit), et sur Barthes : "Pathos et Praxis : Eisenstein contre Barthes" (1895, n°67, été 2012).

 

15 octobre

19h Dialogue entre Raymond Bellour et Dominique Païni

(animé par Antoine de Baecque)

Raymond Bellour fit de longs entretiens avec Barthes pour Le Livre des autres (1978) ; Dominique Païni a suivi le séminaire barthésien et dirigea l'exposition, R-B, Roland Barthes, au Centre Georges Pompidou (2002). Les deux furent profondément influencés par cette rencontre, avec une œuvre autant qu'avec un homme, rencontre qui rejaillit dans leurs écrits théoriques, critiques, cinéphiles, et dans leurs pratiques muséales. Ils restituent en dialogue la pensée paradoxale du cinéma de Roland Barthes.

 

16 octobre

19h Conférence de Yves Citton : "Le Cinéma de Roland Barthes, vu par Philip Watts"

Philip Watts a enseigné la littérature et le cinéma dans le département de littérature française à Columbia University, de 2008 à 2012. Ses principales recherches portaient sur Jean Genet, Jacques Rancière, Jacques Rivette, ou les films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. Il a laissé à sa mort, en 2013, un manuscrit que ses amis ont achevé et mis en forme, Le Cinéma de Roland Barthes (Roland Barthes’s Cinema), publié cet automne en anglais chez Oxford University Press, et en français chez Bayard, dans la collection “Logique des images”. Yves Citton, professeur de littérature française à l’université de Grenoble, auteur de Pour une écologie de l'attention (Seuil, 2014), qui fut l'un de ses proches amis, présente le travail de Philip Watts sur Barthes, qui nous permet de mesurer la richesse des nuances d'une réflexion éminemment actuelle.

 

21 octobre

19h table-ronde, "Roland Barthes, critique de cinéma", avec Jean-Claude Bonnet, Hervé Joubert-Laurencin, Gérard Lefort.

Barthes est aussi, et avant tout, un critique de films : de son premier texte sur Les Anges du péché de Bresson, jusqu’à ses écrits sur Salo, sur Souvenirs d’en France ou Les Sœurs Brontë, il s’est exercé à cet exercice codifié et minutieux, qui manifeste une attention et un amour des films. Jean-Claude Bonnet, directeur de recherche au CNRS et ancien auditeur du séminaire, Hervé Joubert-Laurencin, professeur d’esthétique du cinéma à l’université de Nanterre Paris X et Gérard Lefort, critique de cinéma, notamment à Libération, s’interrogeront sur la spécificité de l’écriture critique de Barthes et son apport, aujourd’hui.

 

22 octobre

19h Dialogue entre Jacques Bontemps et André Téchiné

(animé par Marie Gil)

Le réalisateur André Téchiné et le critique et philosophe Jacques Bontemps s’entretiendront sur Roland Barthes et son rapport au cinéma, forts de leur ancienne amitié avec ce dernier et des relations professionnelles qu’ils ont parallèlement entretenues. Roland Barthes a écrit a plusieurs reprises sur André Téchiné, qui l’a fait interprété le rôle de Thackeray dans Les Sœurs Brontë en 1977, alors que Barthes vivait le drame de la maladie de sa mère. C’est à partir de la relation intime cette fois, du papillonnage, de l’amitié, qui est pour Barthes une valeur supérieure, et de son rapport au milieu du cinéma de la fin des années soixante-dix, que la relation de Barthes au septième art sera abordée et approfondie.

 

23 octobre

19h Table-ronde, "Roland Barthes et les Cahiers du cinéma", avec Antoine de Baecque, Pascal Bonitzer, Jean Narboni

Pour les Cahiers du cinéma, Roland Barthes ne fait pas que distiller une pensée subtile qui, sur quelques points, influence profondément certains critiques de la revue. Il est aussi un "marqueur d'histoire", et trois de ses interventions orientent durablement la politique de la revue : "Sur le cinéma", l'entretien avec Barthes que réalisent Jacques Rivette et Michel Delahaye en septembre 1963 ; "Le troisième sens. Notes de recherche sur quelques photogrammes de S.M. Eisenstein", article fondamental publié en juillet 1970. Enfin, en 1980, les Cahiers se mobilisent une dernière fois pour rendre hommage au penseur, publiant l'un de ses plus beaux articles, "Cher Antonioni", et l'un de ses ouvrages les plus célèbres, La Chambre Claire : notes sur la photographie. Jean Narboni, qui a dirigé pour la maison d'édition des Cahiers la publication de La Chambre claire, Pascal Bonitzer, critique puis cinéaste "barthésien", auteur à sa mort de "Le hors-champ subtil", et Antoine de Baecque, historien de la revue, évoquent cette "cordée paradoxale" que fut le lien de Barthes avec les Cahiers du cinéma.

 

 

Événements liés : série de projections au cinéma le Champo et colloque à l’ENS les 14-16 octobre 2015.