Essai
Nouvelle parution
B. Marchal, Les Chants du silence. Olivier Messiaen, fils de Cécile Sauvage ou la musique face à l'impossible parole

B. Marchal, Les Chants du silence. Olivier Messiaen, fils de Cécile Sauvage ou la musique face à l'impossible parole

Publié le par Matthieu Vernet

Les Chants du silence. Olivier Messiaen, fils de Cécile Sauvage ou la musique face à l'impossible parole

Béatrice Marchal

Sampzon : Editions Delatour France, coll. "Musique/Pédagogie" 2008, 128p.

  •  ean 9782752100672
  • 12,66 €

Présentation de l'éditeur

On a souvent répété, à la suite d'Olivier Messiaen lui-même, que samère Cécile Sauvage avait, en écrivant L'Ame en bourgeon, déterminé savocation d'artiste et de musicien. Tout n'était pas dit pour autant etla découverte récente de manuscrits longtemps cachés a révélé queldrame intime avait précipité la mélancolie puis la mort de cette femmebien différente de l'image convenue qui nous en est restée. Devant lemalheur de sa mère, l'enfant impuissant aurait alors exploité ses donsmusicaux hors du commun comme l'opportunité d'instaurer une relationsoustraite à l'inavouable, aussi intense que les mots. L'enfermementdans la douleur et le mutisme aurait ainsi trouvé remède dans unemusique tissée de silence.

***

Une lectrice de fabula propose un billet à propos de ce livre :

Ce livre n'est pas un travail universitaire, même s'il a été précédé par une thèse, ni une biographie au sens d'ouvrage fouillé et minutieux. C'est le texte, elliptique et inspiré, d'une femme-poète, Béatrice Marchal, sur une autre femme-poète, Cécile Sauvage, à l'égard de qui elle semble éprouver une forte sympathie – empathie.
Mais d'abord, qui est Cécile Sauvage ? Pas seulement la mère du musicien Messiaen, comme le suggère le sous-titre, « Olivier Messiaen, fils de Cécile Sauvage ou la musique face à l'impossible parole », et de part et d'autre du texte de Béatrice Marchal, la préface de Claude Samuel et la postface de Jean-Michel Bardez. Cécile Sauvage a une oeuvre véritable, peut-être pas très à la mode mais d'une incontestable force dans sa modestie même, tel que cela apparaît dans les nombreuses citations qu'en fait Béatrice Marchal. En témoigne par exemple ce bref poème – presque rien, mais c'est presque tout –, mis en musique par son fils :


        Certain mot murmuré
        Par vous est un baiser
        Intime et prolongé
        Comme un baiser sur l'âme.
        Ma bouche veut sourire
        Et mon sourire tremble. (p. 101)


Cette histoire est donc celle d'une femme qui connaît les vicissitudes de ses soeurs de l'époque : mal mariée, soumise et vivant cependant une passion adultère à dimension spirituelle qui métamorphosa sa vie. Témoignage sur la condition des femmes à la charnière du XIXe et du XXe siècle, ce livre montre combien la poésie a été précieuse pour Cécile Sauvage – lui a permis de surmonter les nombreuses vicissitudes qu'elle a rencontrées au cours de sa courte vie prématurément interrompue par la tuberculose en 1927.
Béatrice Marchal son exégète se bat depuis de nombreuses années pour faire reconnaître Cécile Sauvage : encore faudrait-il que l'oeuvre de celle-ci soit accessible dans son intégralité. Dès la mort de son épouse, son mari avait, selon la formule de Béatrice Marchal, « aussitôt taillé à sa convenance dans l'oeuvre de Cécile Sauvage et réalisé un véritable travail de faussaire sur le recueil Primevère » (p. 106) : en effet, de nombreux textes se rapportaient à Jean de Gourmont – l'amant de Cécile – et non à Pierre Messiaen, comme celui-ci voulut le faire croire.
Il serait enfin temps que l'on puisse lire Cécile Sauvage (rare poète par exemple à parler de la maternité) dans une version authentique, et en tout cas ce livre, fort bien écrit, nous en donne le désir.

Christine Dupouy