Essai
Nouvelle parution
B. Cannone, La Tentation de Pénélope

B. Cannone, La Tentation de Pénélope

Publié le par Marc Escola

La Tentation de Pénélope
Belinda Cannone


Paru le : 27/01/2010
Editeur : Stock
Collection : L'Autre Pensée
ISBN : 978-2-234-06373-0
EAN : 9782234063730
Nb. de pages : 213 pages

Prix éditeur : 18,50€


Après tant d'années de progrès, on nous dit aujourd'hui que les femmes seraient d'une tout autre nature que les hommes, qu'elles penseraient autrement, qu'elles sentiraient différemment, parce qu'elles portent des enfants.

Regrettable régression sur le chemin de l'égalité. Résistons à la tentation de Pénélope qui défaisait au soir ce que chaque jour elle avait tissé! Il n'y a pas de guerre des sexes. Nous aimons et désirons les hommes. Mais il faut encore travailler à nous dégager des vieux modèles et des préjugés, pour réinventer sans cesse nos vies. Ainsi, méfions-nous des revendications identitaires: il n'y a que la liberté qui vaille.

Dans un va-et-vient entre cas concrets et réflexion, trente-six brefs chapitres évoquent le cerveau des femmes, la beauté des hommes, le non-désir d'enfant, la possibilité de la suspension des genres, la prostitution, la politique, l'aliénation, etc. Livre d'optimisme parce que demain nous réserve bien des surprises et que l'égalité est en marche, inexorable, si nous ne la ralentissons pas nous-mêmes.
Livre d'engagement parce que, traquant les représentations qui nuisent à l'émancipation, il déploie quelques profondes convictions sur le désir et sur la liberté.

Belinda Cannone est romancière et essayiste.
Elle a publié six romans dont Entre les bruits et plusieurs essais parmi lesquels L'Ecriture du désir (Prix de l'essai de l'Académie française 2001), Le Sentiment d'imposture (Grand Prix de l'essai de la Société des Gens de lettres 2005) et La Bêtise s'améliore (2007).

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On peut lire sur le site nonfiction.fr un article sur cet ouvrage: "L'échec de l'ego-essai", par S. Burdet.

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Dans Libération du 18/2/10, on pouvait lire cet article:

Le genre idéal

Critique

Belinda Cannone plaide allégrement contre le repli féminin identitaire

Par CLAIRE DEVARRIEUX

Aumoment même où Elisabeth Badinter monte au créneau de l'émancipationdes femmes, s'inquiète de voir les jeunes mères rentrer chez ellesallaiter leurs petits (1), et frappe visiblement les esprits, BelindaCannone nous met en garde à son tour avec (ou plutôt contre) la Tentation de Pénélope. A quoi ressemble l'expérience du deuxième sexe aujourd'hui, sachant qu'«il n'y a de façons d'être femme qu'historiques» ?Elle procède avec un mélange de rigueur et de fantaisie buissonnièretout à fait plaisant, une liberté qui vient sans doute de ce qu'elleest, de livre en livre, tantôt romancière, tantôt essayiste.

Pénélope défaisait chaque nuit son ouvrage. L'imitant, écrit Belinda Cannone, «noscontemporaines ont entrepris de défaire (il suffit de tirer un fil) letravail merveilleux qu'avaient accompli les générations précédentes». Panique à bord : il apparaîtrait soudain crucial que «la féminité résiste au féminisme». Comme Elisabeth Badinter, l'auteur de La bêtise s'améliore déplore l'actuelle valorisation maternelle - «notre vieux piège». Femme, oui, dit Belinda Cannone. Même si on ne sait plus très bien comment se définir comme telle. Mère, pas forcément : «Je préfère écrire.»

Cerveau. On ne trouvera pas, dans la Tentation de Pénélope, un commentaire théorique approfondi des oeuvres les plus marquantes. Judith Butler (Défaire le genre) et Marcela Iacub (Qu'avez-vous fait de la libération sexuelle ?) sont réfutées en passant, au profit d'un aimable compromis : «En somme, n'en déplaise aux gender studies,il existe bien une irréductible différence anatomique des sexes, etn'en déplaise aux différentialistes, ces faits sont d'un poids trèsrelatif en dehors d'un système de représentations qui les accueille etleur donne sens.»

Le différentialisme (on aurait parlé naguère d'essentialisme)met en avant la spécificité des femmes. C'est biologique, c'estnaturel, et c'est identitaire : elles peuvent engendrer. «Lesdifférentialistes se défendent en déclarant que la différencen'implique pas l'inégalité.» Cannone et Badinter ne voient là aucontraire qu'«une nouvelle ruse de l'aliénation».La Tentation dePénélope plaide pour l'universalisme, «qui suspend toute différenceentre les êtres pour en faire des citoyens et des personnes, égaux etlibres en droit».

Si les femmes ont un utérus, elles ont d'abord un cerveau commetout le monde. Il y a de nombreux moments dans la vie (en jardinant, entravaillant) où nous ne sommes «ni homme ni femme», rappelle BelindaCannone. C'est ce qu'elle appelle «la suspension de la question dugenre».Ainsi intervient-elle aussi bien dans le débat de la maternitéfaussement triomphante, que dans celui de l'identité assignée : «Qu'oncesse d'essayer de nous enfermer dans nos organes et qu'on nous laisse,mes rieuses nièces et moi-même, nous inventer au long des jours.»

Une série de réflexions joyeuses émaillent l'ouvrage del'anti-Pénélope. L'idée de domination masculine ne l'intéresse pas plusque la posture féminine victimaire. «Messieurs, soyez beaux», dit-elleaux hommes, parce qu'elle les aime. A quoi correspond plus loin :«Soyons puissantes, mes soeurs, parce qu'ainsi s'entretiendront la joiede vivre et le feu.»

Caporale. Sur la question du pouvoir, que lesfemmes exerceraient soi-disant «différemment», Belinda Cannone a desarguments décisifs. «Quand les conditions changent, écrit-elle, lescomportements se modifient. Le jeune XXIe siècle nous a parexemple déjà enseigné que, dès que les femmes intègrent l'armée, ellesn'y manifestent pas de vertus morales supérieures.» Et de citerl'exemple de la caporale d'Abou Ghraib. Sans aller chercher si loin,écoutons sa suggestion : «Demandons-nous si nous avons tellement enviede ce pouvoir.»

(1) Le Conflit, la Femme et la Mère (Libérationdu 10 février).