Questions de société
[France]

[France] "Assez des managers! Pour une université du 21eme siècle ouverte et accessible à tous" (AG d’Aix Marseille Université, décembre 2017)

Publié le par Bérenger Boulay

Assez des managers !

Pour une université du 21eme siècle ouverte et accessible à tous

Le mal–être au travail grandissant des personnels de l'Université d'Aix Marseille, (enseignants-chercheurs, enseignants, chercheurs, BIATSS) et les inquiétudes des étudiants face à la nouvelle réforme de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) ont conduit à la tenue d’Assemblées Générales sur plusieurs sites de l’Université.

Le constat est sans appel : 

  •  Un manque de moyens grandissant qui fait que les étudiants ont cours dans des conditions qui empirent chaque année (infrastructures vieillissantes et tombant en morceaux, insuffisance de matériel informatique fonctionnel pour un nombre d’étudiants en augmentation, amphithéâtres ni chauffés ni isolés, etc.) sauf pour certains sites récemment rénovés et quelques lieux privilégiés 
  • Une incertitude des actuels et futurs étudiants quant à la qualité des enseignements qui pourront être dispensés à cause de ces manques de moyens, couplé à une inquiétude face à des processus de sélection qui se profilent et qui risquent d'augmenter les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur
  •  L’augmentation attendue du nombre d’étudiants qui s’effectuera sans aucune garantie sur les recrutements d’enseignants, de personnels techniques, administratifs ou de bibliothèques en dépit d’annonces gouvernementales démagogiques. Cette augmentation démographique n'est même pas actuellement intégrée aux maquettes en cours d'accréditation, pourtant fondées sur une logique minutieusement comptable. 
  • Une pression temporelle et une charge de travail accrues sur l'ensemble des personnels qui amènent à une perte de motivation et de sens dans le travail. Ainsi, nous nous trouvons de plus en plus confrontés à des injonctions justifiées au nom de l'urgence, auxquelles nous devons répondre dans des délais de plus en plus courts, et qui ont de moins en moins de sens pédagogique et scientifique.

Les réformes[1] successives entérinent la mise en place d'une logique de gestion économique et comptable des filières universitaires au détriment des besoins réels.  Les "outils de gestion informatisés"  apparaissent de plus en plus comme des "outils de contrôle" des personnels, traduisant à la fois une la négation de nos compétences par les instances supérieures mais aussi le moyen de nous enrôler dans des logiques contraires aux valeurs qui sont pour nous inhérentes à l'exercice de nos métiers de l’ESR et plus généralement du service public. Il ne s’agit plus de faire une recherche de qualité et de dispenser un enseignement de valeur, mais d’apprendre à gérer l'urgence et la pénurie qui sont organisées au plus haut niveau de l’État par des choix politiques et budgétaires affirmés.

Cette logique technocratique de la gestion de l’ESR s'appuie sur un resserrement des pouvoirs et des prises de décisions qui marginalise la très grande majorité de la communauté universitaire, nie son expertise et la réduit souvent au silence quant aux orientations prises au sein des Établissements. 

  Sur la base de ce constat, l'Assemblée générale en appelle 

Localement  au sein d’Aix Marseille Université:   

- à ce que la communauté universitaire puisse s'exprimer sur les réformes en cours et celles à venir et que leur adoption et mise en œuvre soient soumises à l'approbation des personnels. L'université ne doit pas être gérée comme  une entreprise, avec un Président-manager.  

  -  à la sortie d'une gestion purement quantitative des filières et des personnels, soumise à une évaluation par des logiciels de gestion comptable.

  - à une modification profonde des circuits de décision, reposant sur une véritable décentralisation et sur une confiance faite aux personnels et aux instances

Nationalement : 

- A la mise en place d'une coordination des universités pour la défense d'un service public d'enseignement supérieur,

- A l'arrêt du processus d'autonomisation des universités et de mise en concurrence des filières et des universités entre elles 

- Au retrait du Plan Etudiant.

L'ESR a besoin aujourd'hui d'une véritable réforme, en profondeur et qui s'appuie sur une nouvelle réflexion permettant de redonner à l’Université une mission de service public et d’ouvrir un débat et des perspectives pour construire l’Université du 21ème siècle, humaniste, ouverte, accessible à tous, et disposant de moyens adaptés à ses objectifs. Nous, personnels de l'université et étudiants, voulons en être les acteurs principaux.

[1] * La mise à mal du service public d'enseignement supérieur est le résultat direct de la LRU, loi d'autonomie des universités qui met en concurrence les Établissements et les filières. Celle-ci est la traduction à l'université de la réforme des missions de services publics et de leur rentabilisation entamée en 2001 par l'adoption de la LOLF.