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Armes et jeux militaires dans l'imaginaire médiéval (XIe-XVe siècles)

Armes et jeux militaires dans l'imaginaire médiéval (XIe-XVe siècles)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Catalina Girbea)

Appel à contribution

 

Armes et jeux militaires dans l’imaginaire médiéval (XI-XVe siècles)

 

Les armes au Moyen Age ont fait l’objet d’études complexes d’histoire militaire. Elles sont également au cœur des travaux sur la chevalerie, qui apporte comme changement majeur dans les pratiques de combat la charge à la lance couchée et un meilleur équipement en fer. Jean Flori a montré toute l’importance de la symbolique du glaive. Sur le plan de la pratique de la guerre, les recherches fécondes de Claude Gaier et Philippe Contamine en France ou celles de David Nicolle en Angleterre ont particulièrement fait avancer notre connaissance de l’univers enferré de l’homme médiéval. Pourtant ce champ d’investigation est si vaste qu’il semble donner lieu plutôt à des études ponctuelles, réunies dans des volumes collectifs ou des actes de colloque ; pour ne citer que deux exemples récents, les riches communications contenues dans les volumes : A Compagnon to medieval arms and armour, dir. David Nicolle, Woodbridge, Rochester, Boydell Press, 2002 ou Armes et outils, dir. Christine Raynaud, Paris, Le Léopard d’Or, 2012. L’univers de l’équipement militaire tend généralement à se relier à deux autres thèmes d’étude pour le médiéviste, la guerre d’une part, l’héraldique de l’autre. Si les enquêtes sur la guerre ouvrent un très vaste champ d’investigation, où les histoires politique et sociale se recoupent, l’héraldique reste encore un domaine auxiliaire, où les travaux de Michel Pastoureau, Laurent Hablot, Gerard Brault en histoire ou ceux de Richard Trachsler ou Catherine Daniel en littérature ont apporté de précieuses lumières. Quelque part entre la guerre et les armoiries, le tournoi, ou plus largement le jeu militaire, rencontre la problématique des armes et à l’occasion celles des armoiries. Peu d’études sont consacrées à ce jour exclusivement au tournoi médiéval, dont on rappellera les travaux de David Crouch, les volumes collectifs Ritterliche Turnier et Agôn. La compétition (Ve-XIIe siècles).

Pourtant, les sources et les approches pour investiguer l’équipement militaire médiéval restent confinées au domaine de l’historien. Il y a, à ce jour, très peu d’enquêtes prenant comme objet les armes et les jeux militaires tels qu’ils sont représentés dans la fiction, ou plus largement dans l’imaginaire (les textes de fiction, mais aussi l’hagiographie). Ils sont pourtant essentiels à la compréhension aussi bien de la littérature médiévale que de cette société de la guerre, qui tend pourtant par divers moyens à esthétiser, atténuer ou domestiquer sa propre violence. Le travail de Michel Stanesco sur les aspects ludiques de l’errance chevaleresque a ouvert sur ce plan une ligne de recherche particulièrement féconde, car il souligne toute l’importance du jeu pour l’univers romanesque, même s’il laisse de côté une investigation poussée sur les armes et le tournoi. La thèse de Guillaume Bergeron sur les combats chevaleresques dans l’œuvre de Chrétien de Troyes, les conclusions de Christine Ferlampin-Acher sur le tournoi stylisé dans la littérature, les travaux de Martin Aurell sur la symbolique spirituelle du glaive, ceux de Karin Ueltschi sur les tournois fantôme, de Michelle Szkilnik sur le tournoi à la fin du Moyen Age, de Helen Nicholson sur la guerre et le Graal ou enfin les volumes collectifs dirigés par Danielle Buschinger en France ou Françoise Le Saux en Angleterre sur la guerre dans la fiction montrent toute l’importance symbolique que revêtent les armes dans l’univers romanesque.

Aucune étude plus ample n’a pourtant été jusqu’à présent consacrée strictement aux armes et aux jeux militaires dans la fiction. L’imaginaire est le lieu où l’équipement militaire prend une place qui dépasse largement ses fonctions utilitaires. L’épée, la lance ou l’écu sont à tour de rôle sanctifiés ou diabolisés, revêtant des rôles de reliques ou d’objets magiques, œuvres de Dieu ou d’un forgeron mythique perdu dans la nuit des temps, dont l’archétype serait Volcan, si présent dans les romans du XIIe siècle ou enfin deviennent autant de figures de l’égide, l’arme merveilleuse de Zeus. La poétique des armes, au cœur de l’amplificatio dans plusieurs textes, est un lieu privilégié de la rencontre entre le mythe et le christianisme. Somptueuses, elles contribuent à la construction d’un regard sacralisant porté sur le combattant. L’équipement militaire n’est d’ailleurs pas à détacher de l’homme médiéval, dont il est très souvent une prolongation et avec lequel il entretient un rapport synecdotique restrictif, l’écu étant par exemple parfois représentatif de toute la personne. Par ailleurs, l’esthétique des armes dans le roman semble subir une mutation au tournant des années 1200, quand la lance devient résolument négative, à la différence de l’épée ou de l’écu. Il en va de même pour le tournoi ou la joute. Très fréquents dans la littérature, les tournois forment des îlots narratifs de plus en plus proéminents, en concurrence avec deux autres types d’îlots, les discours édifiants apparentés au sermon et les descriptions. Participant de la même dimension agonale que le roman – issu dans sa forme de maturité d'un conflit des matières – le tournoi en est parfois la myse en abîme. Il est l'un des lieux romanesques privilégiés de l'écriture ekphrastique, construisant un regard sacralisant porté sur le combattant et ceci encore plus dans les textes où le motif du participant incognito, du guerrier concrètement et héraldiquement « masqué » est central. L’imaginaire du tournoi gagne très rapidement d’autres sphères de la littérature. Il alimente la lecture paulinienne sur le devenir spirituel du chrétien perçu comme agonal, donnant lieu à des écrits allégorique à l’exemple du Tournoi de l’Antéchrist. Dans la même perspective, le vocabulaire liturgique se voit contaminer par celui du conflit militaire ritualisé et on appellera les instruments du prêtre « les armes de Nostre Seigneur ».

Le duel, plus proche de la guerre que du jeu, est une forme d'affrontement littéraire encore mieux représentée que le tournoi, dans la mesure où on le retrouve à la fois dans le roman, la chanson de geste, le conte ou la légende hagiographique, là où le tournoi est plus spécifique au roman. Par ailleurs, la représentation imaginaire du duel est d'autant plus intéressante qu'elle présente parfois des cas de figure sur lesquels il convient de s'interroger s'il s'agit d'écarts par rapport à la pratique réelle habituelle ou bien de signes de pratiques non attestées par d'autres sources en raison de leur rareté. Comme le tournoi, il peut acquérir des particularités stylisés : le jeu d’échecs devient ainsi parfois une forme de duel euphémisé.

Ce projet se propose de suivre toutes ces pistes, peu explorées à ce jour, sur les armes et les jeux militaires du point de vue de l’esthétisation de la violence, sur leurs valeurs symboliques, anthropologiques ou enfin théologiques, à travers la fiction, l’hagiographie et l’iconographie. Il est censé donner lieu à la publications de deux volumes. Les titres pour le premier volume sont à rendre pour le 30 octobre 2013 et les contributions pour le 30 mai 2014. Ce volume comprendra aussi une bibliographie exhaustive des travaux publiés à ce jour sur les armes et les jeux militaire dans l’imaginaire. Le second volet de ce projet implique des interventions à rendre pour le 30 juin 2015.