Collectif
Nouvelle parution
A. Vaillant (dir.), Dictionnaire du Romantisme

A. Vaillant (dir.), Dictionnaire du Romantisme

Publié le par Matthieu Vernet (Source : CNRS Editions)

Compte rendu publié dans Acta fabula : "Le(s) romantisme(s), de A à Z" par Marie Panter.

 

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Dictionnaire du Romantisme

Sous la direction d'Alain Vaillant

Paris : CNRS Editions, 2012.

EAN 9782271068132.

Présentation de l'éditeur :

À l’aube de notre modernité, le romantisme a transformé la littérature, la musique, les Beaux-Arts. Mais, plus généralement, il a bouleversé notre manière de penser, d’aimer, de percevoir la nature ou l’Histoire – en un mot, de vivre.

Né en terre germanique, il a brillé d’un éclat formidable dans la France postrévolutionnaire, avant d’essaimer dans l’Europe entière et, au-delà, dans les empires coloniaux et en Amérique, où il a toujours accompagné la naissance des États nationaux.

Ce dictionnaire, le premier à en présenter une vision globale, propose en 649 articles de tout connaître des poètes, artistes, penseurs ou hommes politiques qui ont fait le romantisme : Byron, Hugo, Beethoven, Novalis, Chopin, Turner, Delacroix, Pouchkine, Garibaldi… Le lecteur y découvrira également les idées, les motifs, les modes qui dessinent les contours de la culture romantique et permettent d’en saisir les multiples visages à travers le monde.

Un ouvrage exceptionnel qui restitue le mouvement romantique dans toute sa complexité.

Professeur de littérature à l’université de Paris-Ouest, Alain Vaillant est directeur de la revue Romantisme. Il a codirigé récemment Civilisation du journal, histoire culturelle et littéraire de la presse au xixe siècle.

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Le 20/6/12, Libération publiait un entretien de l'auteur avec JEAN-DIDIER WAGNEUR


Spécialiste de Baudelaire, du rire et des médias, Alain Vaillant propose une nouvelle lecture du romantisme à la lumière de la mondialisation et de la révolution médiatique. Un dictionnaire sans frontières qui illustre une nouvelle manière d’écrire l’histoire littéraire.
Quel est le projet de cette «entreprise d’interprétation générale du romantisme» ?
Réunir une suite de notices sur les écrivains, les artistes, ou les oeuvres célèbres du romantisme n’aurait eu aucun intérêt. Mais nous avons voulu nous servir de la visée encyclopédique du dictionnaire pour proposer une interprétation historique à la fois globale et nouvelle du romantisme, et cette histoire doit absolument partir des réalités sociales, économiques, politiques, religieuses, avant de conduire à l’esthétique ; elle doit aussi se situer, non pas à l’échelle de la France, ni de l’Allemagne, ni même de l’Europe, mais du monde. C’est ce parti pris authentiquement historique qui me semble caractériser notre dictionnaire : il réunit 32 spécialistes, historiens et littéraires, français et étrangers, autour de ce projet commun.
«Romantisme», «romantique», sont devenus d’un usage interchangeable. Vous allez jusqu’à demander : «Le romantisme existe-t-il ?»
L’usage commun existe et il est au moins aussi légitime qu’un autre. Dire d’un amoureux qu’il est romantique implique une sorte d’idéalisme ou de sublimation de l’amour qui est une composante du romantisme. Mais disons qu’aujourd’hui, le romantisme s’est replié sur la sphère privée. Oui, le romantisme est difficile à définir, mais il n’est pas pour autant indéfinissable, comme on le dit si souvent, paresseusement, de toutes les réalités un peu subtiles. Pour ma part, je le définirais en deux temps. Premièrement, le romantisme désigne le rêve de fusion harmonieuse entre le réel et l’idéal, que l’Europe a hérité du christianisme et qui s’est épanoui à partir de la Renaissance et de la Réforme. Deuxièmement, le romantisme s’est constitué comme tel lorsque ce rêve s’est appliqué aux nations, à la politique, à l’histoire : d’où le rôle capital de la Révolution française. D’une formule, le romantisme stricto sensu désigne le moment historique qui sépare la naissance des consciences nationales et l’affermissement définitif des Etats parlementaires modernes ; il accompagne, sur le plan culturel, le lent progrès de l’aspiration démocratique. Cette définition a l’avantage à la fois d’être universelle et d’expliquer les variations chronologiques d’un pays à un autre : certaines nations, hors de l’Europe, ont connu leur moment romantique au XXe siècle.
Par ailleurs, il est bien évident que les cultures occidentales baignent toujours dans un romantisme diffus, qui, même dégénéré, forme le socle de nos idéologies. Quant à la France, il ne faut pas oublier que notre idéal républicain, auquel nous revenons si volontiers aujourd’hui, celui de la Troisième République, est du pur romantisme : c’est pourquoi la droite maurassienne était si violemment antiromantique.
De quoi faut-il se défaire dans ce que l’on retient habituellement du romantisme ?
Je dirais à peu près tout, et d’abord d’une vision étroitement esthétique du romantisme et aussi terriblement franco-française. L’école est une machine redoutable à inventer des étiquettes artificielles. Tout ce qui se dit sur l’opposition entre classicisme et romantisme, ou entre romantisme et réalisme, est caricaturalement simpliste. Flaubert, Baudelaire, Rimbaud sont évidemment des romantiques. Simplement, ils n’y croient plus, il ne leur reste donc que la dérision, le désespoir ou la révolte. En un sens, ils sont les plus grands romantiques, précisément parce qu’ils ne cessent pas de l’être alors même qu’ils ont perdu toutes les raisons d’y croire.
Vous venez de codiriger l’ouvrage la Civilisation du journal (1). Comment le monde médiatique s’articule-t-il avec le romantisme ?
L’un ne va pas sans l’autre. Le romantisme est la première grande manifestation de notre mondialisation actuelle, qui touche les peuples, du moins leur part la plus urbanisée, et non pas seulement les élites, comme dans le cosmopolitisme des Lumières. Or, cette mondialisation romantique aurait été impossible sans l’émergence de la culture médiatique. En termes d’histoire culturelle, l’apparition des médias est le dernier grand événement dans l’histoire occidentale, et le romantisme y participe à sa manière, même s’il emprunte parfois des chemins très détournés.
L’histoire culturelle est-elle l’avenir des recherches en littérature ?
Je parlerais plutôt d’histoire sociale de la communication. Les arts, la littérature, les médias sont des formes et des modes de la communication sociale parmi beaucoup d’autres. Aujourd’hui, la complexification virtuellement infinie des technologies numériques nous fait prendre conscience de la nature fondamentalement communicationnelle des sociétés humaines. L’histoire littéraire doit sortir de son nombrilisme patrimonial pour mieux comprendre ses vrais ressorts, sur la longue durée : mais c’est un combat à mener chaque jour, à contre-courant du puissant vent de nostalgie qui souffle sur les études littéraires."
(1) «Libération» du 26 avril