Essai
Nouvelle parution
A. Roger, Bréviaire de la bêtise

A. Roger, Bréviaire de la bêtise

Publié le par Marc Escola

Alain Roger, Bréviaire de la bêtise

Gallimard, collection "La Bibliothèque des idées", 2008, 292 p.

Ean : 9782070785681
19,00 € 


On a beaucoup écrit sur la bêtise, mais le bilan théorique reste assez modeste.

En dépit de quelques tentatives, qu'il faut d'ailleurs porter au crédit d'écrivains (Jean Paul, Flaubert, Bloy, Musil, Barthes), la bêtise n'a pas bénéficié d'une investigation systématique et sa définition reste confuse. La philosophie, dont la fonction selon Nietzsche serait de "nuire à la bêtise ", a oublié sa mission, et c'est à réparer cet oubli que s'emploie Alain Roger. On s'est fourvoyé quand on a voulu voir dans la bêtise une chute dans l'animalité ou l'irrationalité.

L'auteur montre au contraire qu'elle s'autorise des lois de la raison, et même s'en réclame avec fatuité : "La bêtise n'est pas une carence ni une déficience : si elle pêche, c'est par excès." Ce qu'il nomme la raison suffisante, dont la forme la plus spectaculaire est la bêtise identitaire, qui s'exprime par prédilection dans la tautologie : "Un sou est un sou." Face aux carences de la philosophie, l'abondance des références littéraires donne à penser que la bêtise est en propre l'affaire des écrivains : " On pourrait même se demander s'ils ne l'ont pas inventée."

"Ce Bréviaire se fait dès lors "bestiaire" et expose les principales figures de la bêtise à travers la comédie, chez Molière, Labiche, Feydeau, et le roman, de Balzac à Proust en passant par Flaubert, dont l'oeuvre peut être considérée comme une anthropologie de la bêtise. Ecce Homais.

Sommaire :

THEORIE
 Comment la bêtise est-elle possible ?
 Critique de la raison suffisante
 Tautologique

BESTIAIRE
 Theatrum sanitatis
 Ecce Homais
 Amour, bêtise et jalousie


BIOGRAPHIE de Alain Roger

Alain Roger, agrégé de philosophie, universitaire, est l'auteur de nombreux essais, dont Court traité du paysage (Gallimard, 1997). Il a également publié plusieurs romans, dont Le Misogyne et La Travestie, portée à l'écran par Yves Boisset.

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On peut lire sur le site nonfiction.fr un premier article sur cet ouvrage :

"La bêtise, c'est la bêtise", par F. Jaffray.

""Lorsque quelqu'un demande à quoi sert la philosophie, la réponse doit être agressive, puisque la question se veut ironique et mordante. La philosophie ne sert pas à l'État ni à l'Église, qui ont d'autres soucis. Elle ne sert aucune puissance établie. La philosophie sert à attrister. Elle sert à nuire à la bêtise. Elle n'a pas d'autre usage que celui-ci : dénoncer la bassesse de la pensée sous toutes ses formes." Deleuze a repris à son compte la formule nietzschéenne, qui assignait à la philosophie la tâche ambitieuse de "nuire à la bêtise". Et pourtant, peu de philosophes ont traité de la bêtise. L'essai d'Alain Roger, s'appuyant sur de nombreuses références littéraires, tâche de combler cette lacune en proposant une théorie originale de ce concept : la bêtise, loin d'être ce qui transgresse les lois de la raison, serait au contraire ce qui, s'autorisant de celles-ci, s'en réclame avec trop d'orgueil, au point d'apparaître comme "l'hyperbole du principe d'identité et son exhibition péremptoire" : "Un sou est un sou", "Les affaires sont les affaires",…

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