Essai
Nouvelle parution
A. Renken, Babel heureuse - Pour lire la traduction

A. Renken, Babel heureuse - Pour lire la traduction

Publié le par Nicolas Geneix

Arno Renken, Babel heureuse - Pour lire la traduction

Van Dieren Éditeur, coll. "par Ailleurs Riponne", 2012.

280 p.

EAN 9782911087752

26,00 EUR

Présentation de l'éditeur :

Lire la traduction, voici l’expérience heureuse que ce livre explore. Cette expérience se trouve largement niée par un discours critique qui jauge la lecture en traduction à partir de normes méthodologiques ou morales (“fidélité”, “adéquation” ou “justesse”) qui toutes valorisent l’identification, l’assimilation de la traduction à l’original et donc son idéale indistinction. Les descriptions de la traduction en termes de “transport”, de “passages”, etc. tendent elles aussi à la considérer comme une médiation transparente et donc indifférente pour le lecteur. En outre, les notions principales de la poétique – “voix”, “auteur”, le rapport entre littérature et langue – se trouvent élaborés comme si la traduction n’offrait aucun plaisir spécifique. La jouissance des oeuvres littéraires et philosophiques se replie et s'immobilise ainsi dans le triste carré de l’origine : un texte, une langue, une écriture.

Lire la traduction permet alors, par un certain “dehors”, de prendre les discours sur la traduction et la littérature à rebours. Elle permet d’être sensible non seulement à la manière dont la lecture de la traduction emporte les textes, les dynamise et les transforme, mais aussi comment, en retour, cette performance fait dériver ce que nous appelons “littérature” et “traduction”.

Pour explorer cette expérience, ce livre propose des lectures multilingues de philosophes (Descartes, Foucault, Gadamer, Benjamin et Derrida) ou d’écrivains (Beckett et Dürrenmatt), lectures attentives à la fois à ce qui est dit – ou parfois significativement passé sous silence – de la traduction et, réciproquement, à la manière dont l’écriture procede d’emblée par traduction. Étrangère aux ordres philosophiques et littéraires, la lectura heureuse en traduction nous offre alors, dans une performance inlassablement ouvrante, une littérature encore à inventer.

Sommaire :

I. pour dériver
1. Lire la traduction ?
2.  De la relativité en dérive
2.1. La fantaisie relativiste, ou comment voir simultanément une feuille, un bateau et une traversée (Galilée)
2.2. « Horizont » / « Verschmelzung » : l'horizon immobile du relativisme herméneutique
2.3. Étranges langues étrangères : le relativisme linguistique et la dérive par la traduction
3. Penser la traduction, passer par la traduction : apories et dérives

II. l'étrangeté de la philosophie [Descartes]
1. La philosophie en langue et la nécessité philosophique de la traduction
2. La justification de la langue vulgaire, le refoulement de la langue et de la traduction
3. « Je », « Ich », « I » qui doutent toujours : la traduction et l'étrange sujet cartésien
4. La traduction et l'étrangeté de la pensée : lire ce qui se dérobe

III. l'origine qui vient [Foucault]
1. De la norme à la pensée : conception normative et usage créatif de la traduction
2. Foucault, lecteur-traducteur de Nietzsche ou comment éviter l'origine pour aller vers la généalogie


IV. la voix errante [Beckett]
1. « Qu'importe qui parle » : partir de « Beckett » pour quitter l’auteur
2. L’autre voix et l’ailleurs des textes : Beckett et l’écriture de la traduction
3. Un récit « dans l’autre sens » : l’expulsé et ses versions
4. L’histoire distante : le narrateur expulsé de la littérature
5. L’histoire plurielle : Der Ausgestossene, L’expulsé, The Expelled qui se ressemblent
6. L’expulsé de l’originalité
7. L’expulsé de "Qui parle ?"

V. le doute de l'herméneutique [gadamer]
1. Le rapport ambivalent entre herméneutique et traduction
2. Langues, langage et traduction : les limites de l’herméneutique
3. Les effets de traduction et leur recouvrement normatif
4. L’expérience de la traduction et l’écriture du doute

VI. les exclus de la langue [Luther, Dürrenmatt]
1. Entre la langue et sa langue : l’ange traducteur chez Luther, la planète langue chez Dürrenmatt
2. Le texte jubilatoire : une performance croisée de l’écriture et de la traduction
3. La communication manquante : les personnages étrangers à leur texte
4. Remuer les lèvres loin de la compréhension : la lecture muette de l’éclipse de lune

VII. babel flâneuse [Benjamin]
1. Un détour créatif : Herder et l’origine de la langue
2. Les dangers de la ligne droite : la « théorie morte » de l’équivalence et son évitement
3. Figures de la déviation de la traduction : toucher pour ouvrir ailleurs
4. Confuses lectures : échos traduits, échos de la traduction
5. Flâner dans les arcades de Babel : l’expérience de la traduction et la littérature ouverte


VIII. l'écriture du poème, encore [Beckett]
1. « The wrong word ? » : la formule beckettienne de la littérature et de la traduction
2. Qualifier-disqualifier : le titre « Mirlitonnades » et l’écriture à venir
3. L’ajout des traductions et l’ailleurs du poème
4. De "parlons-en" à "n’en parlons pas" : la fluidité du poème
5. Finalement, la première page : la traduction et la condition de la lecture

IX. subversion de la traduction [Derrida]
1. Babel confuse : traduction ou explication
2. La provocation des langues : traductible et intraduisible
3. La traduction : écriture et lecture de l’éloignement
4. La traduction comme subversion

X. babel et ses versions [Dürrenmatt]
1. Babel bascule : subversions de la traduction
2. La catastrophe du « Tunnel » et sa visibilité : « Kulissen » ou « coulisses »
3. La catastrophe du « Tunnel » et sa lisibilité : le livre muet et le tunnel échappant au « Tunnel »
4. La chute dans le livre ou le basculement heureux de Babel

Arno Renken est Maître assistant de littérature moderne et de traductologie à la Section d'allemand et au Centre de traduction littéraire de l'Université de Lausanne. Il enseigne également à la Haute école des arts de Berne et à Institut littéraire suisse.