Édition
Nouvelle parution
A. Maurois, René ou la vie de Chateaubriand et Voltaire

A. Maurois, René ou la vie de Chateaubriand et Voltaire

Publié le par Marie Gil

André Maurois, René ou la vie de Chateaubriand, Paris, Grasset, réédition 2005.

André Maurois (1885-1967), fut officier de liaison auprès de l'armée britannique pendant la Première Guerre mondiale, expérience d'où il tira Les Silences du colonel Bramble (Cahiers Rouges). L'auteur du Cercle de famille et de Climats, élu à l'Académie française en 1938, excella aussi dans la biographie, avec des vies de Tourgéniev, Shelley, Proust, Hugo, Balzac. Historien de l'Angleterre et des Etats-Unis, il donna également plusieurs essais de critique littéraire.

René ou la vie de Chateaubriand, publié pour la première fois en 1938, est l'une des biographies majeures d'André Maurois. Chateaubriand (1768-1848), c'est une vie surabondante et une oeuvre peuplée de chefs d'oeuvres (Génie du christianisme, Mémoires d'Outre-Tombe, Vie de Rancé). "Disciple de Rousseau et ennemi de Robespierre, admirateur de Napoléon et ennemi de Bonaparte, monarchiste et rebelle à ses rois, libéral et ultra, raisonnable et visionnaire" comme l'écrit Maurois, nul n'a mieux aimé la liberté que lui. Il n'y a pas de mystère Chateaubriand, mais il y a un monde Chateaubriand, fait d'idéalisme et de lucidité, d'ambition et de détachement, de passion pour la vie et d'amour de la mort. C'est ce monde qu'André Maurois, avec la finesse psychologique, l'esprit de synthèse et la curiosité qui le caractérisent, nous invite à explorer. Nomade en Amérique et chrétien à Jérusalem, ministre à Berlin et ambassadeur à Rome et à Londres sous la Restauration, le gentilhomme breton fut en exil partout sans jamais se perdre de vue. "Il avait lui-même divisé sa vie en trois parties : le voyageur et le soldat, l'homme de lettres, l'homme d'action". Chateaubriand fut aussi un grand amoureux, on lira ici de belles pages sur Pauline de Beaumont et Juliette Récamier. Quant à l'écrivain, il est immense, par ses vues et sa "hardiesse dans le choix des mots et le ramassé des images". Maurois voit en lui l'annonciateur de Proust. On ne peut plus marcher sur les traces du géant de Combourg sans un détour prolongé par cette biographie essentielle.

André Maurois, Voltaire, précédé de Aspects de la biographie, Paris, Grasset, 2005.

Dès 1928, au début de sa carrière de biographe, dans l'une des conférences composant Aspects de la biographie, Maurois prévenait que cette discipline serait toujours "difficile". "Nous exigeons d'elle les scrupules de la science et les enchantements de l'art, la vérité sensible du roman et les savants mensonges de l'histoire. Il faut, pour doser cet instable mélange, beaucoup de prudence et de tact". Il voulait dire que la biographie était un art à part entière.
On n'en doute plus quand on lit son excellent Voltaire (1935), suite de tableaux écrits "allegretto" , bien dans le ton de l'auteur de Zadig, ce modèle de l'esprit français. En vingt-deux courts chapitres, Maurois raconte l'enfance du philosophe, ses succès et ses persécutions, sa liaison orageuse avec Mme du Châtelet et ses liens avec Frédéric II de Prusse. Au passage, il commente Candide et s'arrête sur des oeuvres moins connues. Il évoque, entre autres moments glorieux, la vie de l'écrivain à Ferney et l'affaire Calas. Cette petite merveille de synthèse et d'érudition situe Voltaire en son temps et en son éternité, face au pouvoir et à la postérité.
L'écriture de Maurois frappe, joue, dessine, grave au portrait. Le biographe suit Voltaire jusqu'au bout : "Dans un carosse bleu semé d'étoiles d'or, le vieux squelette en habit de velours bordé de fourrure, une petite canne à la main, traversa la ville". Et nous traversons le temps.