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"Transmettre l’exil : seuils, silences, création" avec Tania Sollogub et Nicola Rose (Séminaire "Seuils in(ter)disciplinaires", Aix-en-Provence)

Publié le par Marc Escola (Source : Santa Vanessa Cavallari)

Le collectif Frontière propose de questionner les enjeux de seuils entre disciplines à travers un cycle de quatre séminaires. La notion de seuil prend ici la forme d’expérimentations entre disciplines, au sens d’une indisciplinarité (Halberstam 2011, Loty 2000/2005) qui explore l’hybridité, les croisements, les entre-deux. Comment une discipline autre que la sienne permet-elle de réinvestir sa pratique et sa recherche ? Être “sur le seuil” devient une méthode de recherche et de création qui, dans une période de crise sociale, économique et politique, nous permet de penser dans l’altérité. La plus-value de ce cycle de séminaires tient dans son hybridation transdisciplinaire entre recherche et création, mêlant conférences et ateliers artistiques avec des intervenant·es chercheur·es/artistes.

Première séance

"Elle renversait la tête en arrière, elle fermait les yeux, et son rire montait haut, très haut, il s’envolait quelque part dans le ciel, sans doute dans un endroit spécial du paradis où les Russes se retrouvaient pour parler de leur vie, avant les HLM".

C’est ainsi que Tania Sollogoub, à travers la voix de sa narratrice, décrit sa grand-mère Babou dans son roman semi-autobiographique Au Pays des pierres de lune (2011). Russe exilée en France, Babou et sa bague en pierre de lune incarnent le seuil d’un pays perdu et fantasmé que l’héroïne ne peut découvrir que par des bribes de souvenirs et des récits hauts en couleurs.

En se réappropriant le sujet politique, intime et artistique de l’exil, Tania Sollogoub mêle sa sensibilité poétique, son expertise géopolitique et son expérience personnelle et familiale pour revisiter les souvenirs de sa grand-mère à travers ses propres souvenirs. Dans son court-métrage In The Land of Moonstones (2018), Nicola Rose transpose ce récit dans une autre culture, d’un HLM à Boulogne-Billancourt à un immeuble résidentiel de Brooklyn, où se tissent de nouveaux liens intimes, familiaux et culturels, et où l’autofiction elle-même prend une autre forme. Là où, dans le roman, les souvenirs d’enfance de l’autrice servaient de tremplin vers ceux de sa grand-mère, dans le court-métrage, l’animation sert d’image manquante pour figurer un pays qui n’existe nulle part ailleurs que dans les récits de la grand-mère d’une autre. Si écrire l’autofiction, c’est reconstruire ses souvenirs sur le seuil de soi-même, adapter l’autofiction, c’est arriver sur le seuil d’une autre.

Dans cette première séance du cycle de séminaires « Seuils in(ter)disciplinaires », organisé par le collectif de jeunes chercheuses d’Aix-Marseille Université Frontières, Tania Sollogoub et Nicola Rose proposent des regards croisés et interdisciplinaires sur la transmission de l’exil comme seuil culturel, générationnel, identitaire et artistique. À travers une table ronde, un ciné-débat et un atelier d’écriture, ce séminaire à l’intersection de la théorie et de la création interroge l’exil comme seuil, entre deux cultures, deux langues, deux identités, qui, ni totalement dans un lieu ni dans l’autre, se situe nulle part, au pays des pierres de lune.

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