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Sur Romain Gary. Entretien avec Myriam Anissimov (nonfiction.fr)

Sur Romain Gary. Entretien avec Myriam Anissimov (nonfiction.fr)

Publié le par Marc Escola

À l'heure du conflit israélo-palestinien et d'un regain d'antisémitisme dans le monde, nonfiction.fr nous invite à faire retour sur la relation de l'écrivain Romain Gary à la judéité , en donnant à lire un entretien avec sa biographe Myriam Anissimov initialement paru dans la Revue d'histoire de la Shoah, en 2002. Myriam Anissimov est l'auteur de la biographie Romain Gary le caméléon (Folio,2006) et de Romain Gary l'enchanteur (Textuel, 2010).

Myriam Ruszniewski-Dahan : Romain Gary a tantôt prétendu qu'il était né à Wilno, tantôt à Moscou, tantôt à Koursk, et dans d'autres lieux encore.

Myriam Anissimov : Son acte de naissance, que j'ai pu retrouver, établit qu'il est né à Wilno. Ce n'est pas ce document que Gary utilisait, car l'Ambassade de France à Moscou, lorsqu'il était diplomate, lui en avait rédigé un qui comportait une inexactitude concernant sa généalogie. Le prénom de sa mère était inexact.

Était-ce une façon de dissimuler le fait qu'il était un Juif né dans cette ville qu'on appelait « la Jérusalem de Lituanie » ?

Gary est arrivé en France en 1928, à l'âge de quatorze ans. Il a immédiatement décidé de se fondre dans la société française et de disparaître en tant que Juif. Sa mission sacrée, fixée par sa mère, était l'ascension sociale. Il était convaincu, et il n'avait pas tort, que le fait d'être juif ne lui faciliterait pas les choses.

Lorsqu'il commence à publier en 1946, l'éditeur lui demande de rédiger un curriculum vitae. Sachant les Français très ignorants de la géographie, il suppose que Wilno est un nom complètement inconnu d'eux. Et il choisit Moscou comme lieu de naissance pour faire plus chic, plus russe. Très rapidement, il citera également Koursk, la steppe, la Mongolie, selon ses interlocuteurs. Il disait ce qu'il pensait que les gens attendaient de lui. Il ne voulait surtout pas passer pour ce que l'on appelait dans les années trente, un métèque.

Dans La Promesse de l'aube, il réussit l'exploit de parler de Wilno, sans jamais parler des Juifs. Il s'agit d'une occultation délibérée. […]

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