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Le/les double(s) : identité, perspective, image (Nice)

Le/les double(s) : identité, perspective, image (Nice)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Valentin PONCET)

Journées d’études doctorales, 5-6 juin 2024, CRHI, Université Nice Côte d’Azur.

 

Le/les double(s) : identité, perspective, image.
 

 

Argumentaire et axes problématiques.

Platon, par l’intermédiaire de l’Étranger d’Élée dans le Sophiste, définit la pensée comme un dialogue intérieur et silencieux de l’âme avec elle-même, autrement dit comme supposant toujours une sorte de dédoublement : 

<<L’Étranger d’Élée : La pensée (dianoia) et le discours (logos) ne sont-ils pas la même chose, sauf qu’au dialogue (dialogos) silencieux qui se produit à l’intérieur de l’âme avec elle-même nous avons donné le nom de “pensée” (dianoia) ?>> (Sophiste, 263e).

Pour qu’il y ait penser, il semble en effet qu’il faille toujours que l’âme se dédouble, s’adresse à elle-même dans une forme de dialogue intérieur. De sorte que le dialogue avec soi - le dédoublement de soi - semble toujours exigé par et pour l'exercice de la pensée elle-même chez Platon. Par où on comprend que penser, c’est d’abord et avant tout dialoguer avec soi-même, en s’interrogeant soi-même et en se répondant à soi-même. Ainsi, chez Platon, penser, c’est être toujours plus qu’un, étant entendu que la pensée semble requérir, par définition, un dédoublement vis-à-vis de soi-même. Toutefois, être double pour penser ne s’oppose jamais au fait de se donner par ailleurs un double, ou bien au fait d’entrer en rapport avec un autre que soi pour tenter de mieux déterminer sa propre pensée et sa propre identité. Se dédoubler pour penser ne s’oppose pas à l’opération qui consiste à se donner un double pour penser aussi : il n’y a là aucune contradiction. Il y a bien chez Platon le philosophe et son double. S’il faut déjà être en quelque sorte double pour penser, mieux déterminer sa pensée et son identité passe par le dialogue ouvert avec un ou des double(s), ou bien encore un autre ou des autres que soi… Conception des choses que partagerait par exemple Nietzsche, lequel n’aura cessé de se donner des doubles pour penser et déterminer sa propre identité, tout en étant toujours au moins double, constitué par un double héritage. Boèce encore, dans la Consolation de Philosophie, se dédouble dans le personnage d’un prisonnier livré à l’affliction, et disponible pour la guérison que lui apportera Dame Philosophie - autre avatar, autre double. Dans l’écriture philosophique de ces deux derniers auteurs, autant que dans celle de Platon, se manifeste une altérité plus ou moins foisonnante, qui donne autant de positions depuis lesquelles penser. Le double, à travers cette figure de l’autre en soi, interroge ainsi au même titre la patiente construction d’une pensée et son énonciation. Tel est le premier axe problématique dans lequel nous nous proposons d’inscrire ces journées d’études.

Mais la question du double hante autant le champ de la signification que ceux de l’identité et des perspectives de pensée et d’écriture. Plus précisément, au croisement de ces différents champs se tient la question du style, dans lequel le philosophe énonce sa pensée autant qu’il la construit. Outre les procédés analogiques, voire allégoriques, qui dépassent le champ de la stylistique, nous voudrions interroger la dualité qui sépare habituellement les notions de sens propre et de sens figuré. La figure de style n’est-elle toujours qu’un double du propre, un redoublement abusif du propre, comme le signale par exemple l’étymologie de la notion de catachrèse ? Et s’il n’y a pas abus de langage dans les différents transferts que l’on opère à partir du sens propre d’un concept, sur quelle base peut-on alors appuyer ces transferts ? Autrement dit, peut-on rendre raison de l’usage d’une figure de style, par exemple d’une métaphore ? Poser cette question suppose d’accorder à la figure et à l’emploi d’un imaginaire dans le discours, un statut épistémologique fort. Au lieu que l’image soit un double fantaisiste sorti de l’imagination singulière du poète, de l’enthousiaste, bref de l’homme inspiré, elle s’appuiera sur une fondation déterminable et déterminée, qui donnera une assise à son emploi. Plusieurs propositions ont été construites en ce sens, dans différents champs allant de la psychanalyse d’inspiration jungienne aux études contemporaines autour de la cognition, en passant par le structuralisme. Dans l’herméneutique ricoeurienne, la métaphore est valorisée comme un instrument perceptif, un outil d’exploration du réel, autant qu’un fondement de la relation éthique au monde, à l’autre et à soi-même. Derrida a quant lui exposé son usage proprement métaphysique, tout en le critiquant. Enfin, chez Blumenberg, la métaphore trouve ses généalogies dans l’anthropologie et l’histoire de la culture. Dans ces différents corpus, la figure discursive n’est plus seulement ce qui améliore l’expressivité du discours, mais un caractère même de la pensée. Il s’agira alors de s’interroger sur le statut de la figure relativement au sens propre qu’elle détourne, sans limitation de corpus ni d’approche théorique. Dans cette perspective, les propositions pourront s’inscrire dans des champs disciplinaires nombreux, au-delà de la philosophie : stylistique, sémiotique, psychologie, anthropologie, pour ne citer que ceux-là.

Bibliographie indicative.

ARISTOTE, Poétique.

BLACK Max, « More About Metaphor ».

BLUMENBERG Hans, Théorie de l’inconceptualité ; Paradigmes pour une métaphorologie.

BOECE, La consolation de Philosophie.

DERRIDA Jacques, « La mythologie blanche ».

DURAND Gilbert, Les structures anthropologiques de l’imaginaire. 

LAKOFF & JOHNSON, Metaphors we live by.

NARCY Michel, Le philosophe et son double.

NIETZSCHE Friedrich, Ecce Homo.

PENDER Elisabeth, Images of Person Unseen. Plato’s Metaphors for the Gods and the Soul.

PLATON, Banquet ; Phèdre ; République ; Sophiste ; Théétète ; Timée. 

ROSSET Clément, Le réel et son double.

QUINTILIEN, Institutions oratoires.

RICOEUR Paul, Soi-même comme un autre ; La métaphore vive ; Du texte à l’action.

SIMONDON Gilbert, Imagination et invention.

 

Modalités de soumission.

Les propositions de communication se tiendront dans la limite de 1500 signes. Elles comprendront un titre et seront accompagnées d’une courte biographie de l’auteur. Les communications dureront 30 minutes et seront suivies de 15 minutes de discussion avec la salle. 

Les propositions sont à envoyer au plus tard le 19 avril 2024 à : 

Valentin PONCET : valentin.poncet@univ-cotedazur.fr 

Et Gaël CABOS : gael.cabos@univ-cotedazur.fr 

Les notifications d’acceptation ou de refus seront envoyées au plus tard le 3 mai 2024. Les journées d’études doctorales se tiendront à Nice les 5 et 6 juin 2024.