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Analyser (Colloque doctoral, Sorbonne)

Analyser (Colloque doctoral, Sorbonne)

Publié le par Marc Escola (Source : Lucie Patronnat)

Université Paris 1 Panthéon Sorbonne / ED APESA / Institut ACTE

Colloque

Analyser

13 et 14 mai 2024

Appel à communications

Dans la continuité des journées d’études précédentes consacrées à l’illustration (2016), la description (2018), l’interprétation (2021), l’engagement (2022) et la citation (2023) qui ont rassemblé des doctorant·e·s en cinéma, esthétique, arts plastiques et histoire de l’art, nous, doctorant·e·s de l’École Doctorale APESA (Arts Plastiques, Esthétique et Science de l’Art) et membres de l’Institut ACTE, souhaitons désormais questionner le geste d’analyser, à la lumière de nos travaux respectifs.

Par définition, l’analyse est le produit d’une action en deux temps qui décompose un ensemble en différents éléments avant de le recomposer sous la forme d’une hypothèse. Ces deux moments d’un même processus sont contenus dans l’étymologie grecque du terme puisque, comme le rappelle la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française, ana-luein  signifie à la fois « dissoudre », « défaire la trame », et « résoudre », « examiner en détail ». Au gré de ses modulations, ce terme transporte avec lui cette même ambition. Il désigne en logique analytique l’étape préparatoire – mais différente – de la synthèse. Il évoque, en grammaire analytique, l’étude de la nature puis de la fonction de chaque mot. En chimie analytique, il se conçoit comme une phase de séparation, d’identification, de quantification des composants chimiques d'une substance. Ainsi, si une pluralité d’analyses semblent pouvoir être distinguées, il apparaît qu’elles sont unifiées sous un même geste heuristique, que l’on désignera par le verbe « analyser ».

En pratique, en quoi ce geste, appliqué au film, consiste-t-il ? Qu’est-ce qu’il fait ? Qu’est-ce qu’il peut ? Tels sont les questionnements qui animent Jacques Aumont dans Comment pensent les films ? et auxquels il se propose de répondre à partir de la « question première de toute analyse d’image » : « Quel est le problème ? Quel problème puis-je poser à partir de cette ou ces images ? Ou plus justement : quel problème pose-t-elle ou posent-elles, dont elles sont la solution ? » (p. 14). Ce problème résonne à l’échelle de l'œuvre de bien des manières. Il se déploie dans des dynamiques réciproques de décomposition et de recomposition allant des plus grandes unités filmiques (du film aux séquences) vers les plus petites (du syntagme aux plans), et inversement (du plan aux plans, de la séquence aux séquences, vers le film). Il s’inscrit aussi entre les deux moments « extérieurs » et matriciels que sont le contexte de production et le contexte de réception. Et bien que ce problème cinématographique prime toujours sur sa méthode, comme le rappellent Anne Goliot-Lété et Francis Vanoye, « il est possible de définir un certain nombre de “moments” de l’analyse qui jalonnent ce parcours allant de l’objet filmique à l’hypothèse sur l’objet » (p. 12). La description (en tant que relevé des composantes audiovisuelles), la comparaison (entendue comme la mise en réseau des éléments internes, externes ou possibles) et l’interprétation (conçue à la fois comme constat et création) pourraient compter parmi ces moments généraux qui préparent l’hypothèse autant qu’ils la guident.

En ce sens, il semblerait que l’action d’analyser mobilise tout ou partie des procédés de la recherche puisqu’elle demande à l’analyste d’illustrer, de décrire, d’interpréter ou de citer, tout en s’engageant personnellement dans son analyse.

On pourra, notamment, aborder les problèmes suivants :

Problème 1 : Analyser dépend-il de l’approche adoptée ou de son objet ?

L’analyse peut être subordonnée à une approche particulière. Or en études cinématographiques, les approches disciplinaires (histoire, esthétique, études culturelles, sociologie, économie) sont nombreuses, englobent de surcroît des méthodes différentes (génétique, comparatiste, etc.) et admettent certaines hybridations (parfois devenues disciplines, comme dans le cas des gender studies). Le geste analytique peut aussi être considéré à l’aune de son objet d’étude. Le film demeure souvent le point focal de ces démarches, mais les résultats diffèrent selon que ce geste porte sur un élément plutôt qu’un autre, qu’il s’agisse de la mise en scène, du scénario, de la genèse, du contexte (de production et/ou de réception), voire sur des aspects comme la représentation et le jeu d’acteur, ou d’autres pôles de fabrication.

Problème 2 : La création du film est-elle déjà un geste d’analyse ? 

Partant du postulat que le film entretient un rapport complexe à l’objet qu’il représente, il sera intéressant de questionner les formes qu’il prend et celles dont il dispose pour accomplir lui-même ce geste. D’un côté, le dispositif filmique peut être mis au service d’une analyse : films essais, films sur des œuvres d’art, films d’analyse de film... D’un autre côté, le film peut mobiliser des outils expressifs ayant trait au geste analytique : gros plan, montage parallèle, accompagnement musical, voix off…

Problème 3 : Résistance de l'œuvre ou limite de l’analyste ?

Enfin, il n’est pas rare que l'œuvre résiste à l’analyse. Cette résistance n’est pas disqualifiante mais invite au contraire à l'interrogation : le genre, l’orientation politique, la génération ou la situation raciale peuvent influer sur ce que l’analyste voit. En outre, la résistance peut indiquer une fissure dans un système consolidé de lecture d'œuvres d’art, provoquée par la nouveauté de celles-ci ou par des basculements historico-politiques extérieurs à elles. L’échelle de l’analyse ne sera pas la même, par exemple, dans un film du slow cinema et dans un film classique hollywoodien. Ou encore, la vague d’approches féministes du cinéma des années 1970 est tributaire de son contexte historique. Les limites de l’analyse invitent alors à la création épistémologique. Les nouveaux objets transforment-ils les méthodes d’analyse comme celles-ci transforment les objets ?

Ce colloque adressé aux doctorant·e·s se tiendra les 13 et 14 mai 2024 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ED APESA, Institut ACTE (Centre Saint-Charles). L’appel s’étend aux communications qui croisent les études cinématographiques avec les arts plastiques, les arts du spectacle, la sociologie, l’histoire, l’anthropologie, les études culturelles, les études féministes et la psychanalyse. Afin de favoriser les échanges, la durée des interventions sera de trente minutes suivies de dix minutes de questions.

Les propositions de communication (un titre, 500 mots maximum et une courte bio-bibliographie) doivent être envoyées à je.apesa@gmail.com avant le 4 mars 2024.

Comité scientifique/d’organisation : 

Vincent Amiel, Wladislas Aulner, Catarina Bassotti, Camille Bui, Alessandro Cariello, Matthieu Couteau, Clément Dumas, Cécile Gornet, Aurélien Gras, Sarah Leperchey, Anaëlle Liégeois-de Paz, José Moure, Massimo Olivero, Lucie Patronnat, Caroline San Martin.

Bibliographie

Amiel Vincent, « Analyse, génétique, création », in Serge Le Péron et Fréderic Sojcher (dir.), Cinéma à l’Université. Le regard et le geste, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, coll. « Caméras subjectives », 2020, p. 96-104.

Arasse Daniel, Le Détail : pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2008.

Aumont Jacques, Comment pensent les films ? Apologie du filmique, Paris, Mimesis, coll. « Images, Médiums » 2001.

Boutang Adrienne, Clémot Hugo, Jullier Laurent, Le Forestier Laurent, Moine Raphaëlle, Vancheri Luc, L’Analyse des films en pratique : 31 exemples commentés d’analyse filmique, Malakoff, Armand Colin, 2018.

Bellour Raymond, « Système d’un fragment », L’Analyse du film, Paris, Callmann-Lévi, 1995.

Bortzmeyer Gabriel, « Précis d’analyse filmique », Débordements [En ligne], 2 septembre 2018, URL : https://debordements.fr/Precis-d-analyse-filmique/

Brenez Nicole, De la figure en général et du corps en particulier : l’invention figurative au cinéma, Bruxelles, De Boeck Université, 1998.

D’Azevedo Amandine et Faucon Térésa, Les Cartes de l’analyse [En ligne], IRCAV et LabEx ICCA, URL : https://lescartesdelanalyse.net.

Esquenazi Jean-Pierre, Eléments pour l’analyse des séries, Paris, L'Harmattan, 2017.

Esquenazi Jean-Pierre, Sociologie des publics, Paris, La Découverte, 2003.

Ferro Marc, « Le Film, une contre-analyse de la société ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 28, nᵒ 1, 1973, EHESS, p. 109-124.

Goliot-Lété Anne et Vanoye Francis, Précis d’analyse filmique, Malakoff, Armand Colin, 2020.

Haskell Molly, From Reverence to Rape: The Treatment of Women in the Movies, Chicago, University of Chicago Press, 2016.

Kuntzel Thierry, « Le Travail du film », Communications, vol. 19, nᵒ 1, 1972, p. 25-39.

MacDougall David, The Corporeal Image: Film, Ethnography, And The Senses, Princeton Oxford, Princeton University Press, 2005. 

Metz Christian, Le Signifiant imaginaire : psychanalyse et cinéma, Paris, Bourgois, 2002.

Moure José, Le Plaisir du cinéma : analyses et critiques des films, Paris, Archimbaud Klincksieck, coll. « Essai caméra », no 6, 2012.

Mulvey Laura, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, vol. 16, nᵒ 3, octobre 1975, p. 6-18.

Vancheri Luc, Les Pensées figurales de l’image, Paris, Armand Colin, 2011.

Xavier Ismail, Allegories Of Underdevelopment: Aesthetics and Politics in Modern Brazilian Cinema, Minneapolis, University of Minnesota press, 1997.