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Projet d'ouvrage collectif - Le vestimentaire dans le roman africain : types, représentations et significations (Côte d'Ivoire)

Projet d'ouvrage collectif - Le vestimentaire dans le roman africain : types, représentations et significations (Côte d'Ivoire)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Yacouba Koné)

PROJET D’OUVRAGE COLLECTIF

 Sous la direction de 
Professeur Roger  TRO DEHO
Université Alassane Ouattara

 LE VESTIMENTAIRE DANS LE ROMAN AFRICAIN :
TYPES, REPRÉSENTATIONS ET SIGNIFICATIONS

       Certaines pratiques et certains objets sont si intrinsèquement liés à l’existence de l’homme que celui-ci ne peut vivre sans eux, sauf à porter atteinte à son intégrité physique ou morale. Il en est ainsi du manger et du boire, mais aussi du vêtement. 
       Depuis le mythe fondateur de la Genèse, le  vêtement a « une double fonction : ménager la pudeur de l’homme et assurer sa protection contre les intempéries »  (F.-M. Grau, 2007, p. 9). Le mythe de la Genèse rapporte, en effet, que lorsqu’Adam et Ève eurent goûté au fruit défendu, « leurs yeux à tous les deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus ; et cousant des feuilles de figuier, ils se firent des pagnes » (Genèse 3, 7). Lorsque Dieu les chassa, par la suite, hors du  jardin d’Éden, «  il fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit » (Genèse 3, 21). À la fonction originelle du vêtement, qui était de  ménager la pudeur, s’ajouta ainsi celle de  protéger contre les intempéries. Selon le mythe d’Épiméthée, rapporté par Platon dans le Protagoras (Platon, 1997), l’homme, contrairement aux animaux, n’a reçu aucun don des dieux. Il s’est retrouvé nu, sans défense et sans protection. Pour le sauver et  le protéger, Prométhée lui conféra une habileté technique dont l’habit serait  un des fruits. L’acte de se vêtir a donc un fondement anthropologique. Au XVIIIe siècle, Condorcet affirmait, à juste titre, que le vêtement est « le signe qui sépare l’homme de l’animal » (F. Monneyron, 2010, p. 67).
      Mais les fonctions primaires du vêtement, ménager la pudeur de l’homme et le protéger, qui ont traversé les âges et les cultures, ne sauraient être les seules réponses à la question : « Pourquoi s’habille-t-on ? ». « La société (…) est fondée sur le vêtement »  (T. Carlyle, 1834), affirmait déjà, en 1834, l’écrivain britannique Thomas Carlyle. Plus récemment, F. Monneyron (2010, p. 67), à propos du caractère structurant du vêtement, affirmait que « c’est peut-être même en parlant chiffon que commence tout changement social d’importance. » Loin d’être de simples boutades, ces prises de position sont révélatrices des multiples fonctions du vêtement, quel qu’il soit : indice de l’avoir, marqueur et expression de l’identité, expression de la singularité ou d’une idéologie, signe d’appartenance à un groupe ou à une classe, objet esthétique, canal de communication avec soi et les autres, etc.  
       Le personnage romanesque lui aussi s’habille ; et son importance dans l’économie du récit n’est plus à démontrer. Dans un chapitre  au titre évocateur, « Le personnage, moteur du roman », L. Helms (2018, p. 13) réaffirme et explique la centralité des personnages, sans lesquels « aucune action véritable, aucun changement de situation ne peut intervenir (…). [Les personnages] restent la source d’un faire minimal qui imprime au roman son rythme (…). Les personnages remplissent en premier lieu une fonction dynamique dans le texte romanesque : leur rôle est de faire progresser l’action, tout en lui assurant une forte cohésion ».
       Pour remplir cette fonction dans un univers romanesque, mimesis du monde réel, le personnage romanesque doit avoir une épaisseur à la fois physique et psychologique. Les représentations anthropomorphiques qu’en font les auteurs  répondent au souci de faire de ce « vivant sans entrailles » (P. Valery, 1975, p. 746) une « copie » de la personne physique qui va et vient dans la vie sociale. Des ressources esthétiques, liées à la représentation du réel, sont alors mobilisées afin que l’Être, le Faire et le Dire du personnage fassent penser à ceux des personnes réelles. Cependant, il semble bien que des attributs du personnage, le regard du critique ne se soit pas suffisamment porté sur son vêtement,  en lui-même. Considéré, à tort ou à raison, comme un simple ornement qui ne saurait signifier ou participer du sens du texte romanesque, le vêtement du personnage, bien souvent, ne retient ni l’attention du lecteur ni celle de l’analyste. Pourtant, le vêtement, à l’instar des autres attributs du personnage, est inspiré du monde réel. Or dans la société des hommes, le vestimentaire, qu’on l’appelle costume, habit, parure, accoutrement, déguisement, tatouage ou scarification est, en dehors de ses finalités pratiques, chargé d’un sens qui peut être social, politique, philosophique, religieux, etc. À cette première charge de signification qu’il tient du rapport mimétique  entretenu avec le vêtement réel, le vêtement verbal du personnage, « vêtement représenté », en ajoute une autre qui, à en croire Roland Barthes (2002, p. 14), lui est consubstantielle :  «[Le] vêtement « représenté » (…) ne sert plus à protéger, à couvrir ou à parer, mais tout au plus à signifier la protection, la pudeur ou la parure (…) le vêtement écrit n’a aucune fonction pratique ni esthétique : il est tout entier constitué en vue d’une signification.»

       Qu’il soit pris  en lui-même ou saisi dans son rapport au vêtement réel, le vêtement du personnage romanesque, cousu, porté et décrit par des mots,  signifie et participe du processus de signification du texte. Mais peut-on tenir encore pour acquis ces positions dans un monde sans limite où les habits jadis masculins se sont féminisés ?… Les fêtes de renversement de toutes sortes accompagnent (carnaval, fashion week, la mode vintage ou retro…) aussi des pratiques vestimentaires transgressives en privé, relativement de personnes aux personnalités ambiguës… En somme, se vêtir est un langage difficile à fixer à signification. 
       Dans le domaine du roman africain, les exemples sont légion où le vêtement occupe une place stratégique. Par exemple, dans Le Vieux nègre et la médaille (F. Oyono, 1956) le drame et le comique se nouent et se cristallisent autour de la quête d’une veste zazou de Méka, de  ses chaussures, pour aller à la rencontre de l’autre (Le gouverneur) et recevoir la médaille à lui offerte par l’Administration coloniale. Le contexte colonial de L’Étrange destin de Wangrin (A. Hampaté Bâ, 1973) et la bipartition sociale qu’il induit peuvent être reconstitués aussi à partir des descriptions de deux costumes d’époque : l’un,  celui de Wangrin, l’écolier de l’école des otages ; et l’autre, une tenue officielle arborée par un colon et dont les  composantes  parlent d’elles-mêmes. Dans En attendant le vote des bêtes sauvages (A. Kourouma, 1998), des périphrases vestimentaires suffisent à caractériser les principaux personnages, et à faciliter l’identification de leurs référents réels dans l’histoire des dictatures africaines postindépendances.
       La fonctionnalisation du vêtement du personnage romanesque peut ainsi aller de pair avec une métaphorisation  de l’habillement de la pensée de l’auteur  ou même ouvrir à la fonction d’embrayage dont parle Philippe Hamon… (P. Hamon, 1984). Au fond, le personnage ne s’habille pas ;  il est habillé par le romancier qui lui constitue une garde-robe en fonction de ses intentions et des enjeux de son écriture.  
       « L’habit ne fait pas le moine », dit l’adage. Pour les esprits retors, « c’est à l’habit qu’on reconnait le moine »… Légitimement, on peut se demander,  ce qu’est la représentation de l’habit, du vestimentaire au sens générique, dans les textes de fiction et dans le roman, en particulier ? Quels sont les problèmes critiques, théoriques et idéologiques que peut induire le port de vêtements cousus à coups de mots par des personnages,  des « êtres de papier » qui se meuvent et interagissent dans une société fictive mimant la société réelle ? Que dit le vestimentaire dans la création littéraire du roman africain, spécifiquement ? Les statuts et les gestes vestimentaires des personnages peuvent-ils impacter le cours et le sens du récit romanesque ? 
       C’est ce pouvoir de signifier,  inhérent au vêtement du personnage, pris au sens le plus large du terme, que le présent ouvrage collectif entend interroger dans le corpus romanesque africain. Entre autres centres d’intérêt, les contributeurs pourront porter leurs réflexions sur :  
    - les rapports de fidélité et/ou de trahison entre les « garde-robes » des personnels romanesques et les pratiques  ou modes vestimentaires  des sociétés réelles auxquelles les textes font référence ;
    - les mécanismes de lecture et de réception par lesquels le modèle vestimentaire du personnage inspire ou suscite une mode vestimentaire ;
    - les types de vêtements et leurs irradiations romanesques ;
    - le rôle et le poids du vestimentaire dans la caractérisation des personnages et dans leur trajectoire narrative ;
    - le passage de la valeur fonctionnelle à la valeur symbolique du vêtement du personnage ;
    - la place des gestes et statuts vestimentaires des personnages dans l’économie du récit en termes, entre autres, de fonctions narrative et symbolique ;
    - les techniques de représentation verbale des vêtements dans les textes et les problèmes théoriques qu’elles induisent ;
    - le repérage des modes de pensée à travers la conception et le fonctionnement des vêtements des personnages ;
    - le nu comme absence ou degré zéro du vêtement ;
    - les liens possibles entre les goûts vestimentaires de l’écrivain et le style vestimentaire de ses personnages ;
    - les postures d’écrivains et le jeu de l’habillement ;
    - le couple habillement-déshabillement comme moments intimes et initiatiques ; 
    - le texte romanesque pris comme vêtement, habillage des idées de l’auteur ;
    - le vestimentaire et la question du genre ;
    - etc.

  Agenda :

    -  Les propositions de contribution contenant un résumé d’une vingtaine de lignes (le titre de la contribution, la problématique, les hypothèses, la méthodologie) et une  biobibliographie de 5 à 10 lignes doivent être envoyées au Comité scientifique avant le 10 mars 2024.
    -  Réponse du  Comité scientifique : avant 10 avril 2024.
    -  Date de tombée des textes : avant le 30 juin 2024.
    -  Réponse du  Comité scientifique : avant le 30 août 2024.
    -  Date de tombée des textes définitifs : avant le 30 septembre 2024.
    -  Publication : Décembre 2024.

Les contributions sont à  envoyer, en français et par courrier électronique, uniquement à l’adresse suivante : trodeho@yahoo.fr 
Responsable : Professeur Roger TRO DEHO
Adresse : Université Alassane Ouattara – Côte d’Ivoire

 Le comité scientifique : 

     -  Professeur Adama COULIBALY, Université Félix Houphouët-Boigny 
     -  Professeur Roger TRO DEHO, Université Alassane Ouattara
     -  Professeur Effoh Clément EHORA, Université Alassane Ouattara
     -  Docteur Yao Louis KONAN, Maître de Conférences, Université Alassane Ouattara

 Références bibliographiques :

Amadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages, Paris, Seuil, 1998.
Ferdinand Oyono, Le Vieux nègre et la médaille, Paris, Juilliard, 1956.
François-Marie Grau, Histoire du costume, Paris, PUF, 2007, p. 9 (Première édition, 1999).
Franz Bartelt, Le Costume, Paris, Gallimard, 1999.
Frédéric Monneyron, La Sociologie de la mode, Paris, PUF, 2010.
Genèse 3,7.
Genèse 3, 21.
Hamadou Hampaté Bâ, L’Etrange destin de Wangrin, Paris, UGE, 1973.
Laure Helms, Le Personnage de roman, Paris, Armand Colin, 2018.
Paul Valéry, Œuvres, T. II, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la pléiade I », édition établie par Jean Hytier, 1975 [1960] p. 746.
Philippe Hamon, Texte et idéologie, Paris, PUF, 1984.
Platon, Protagoras, Paris, Garnier-Flammarion, 1997, Traduction de Frédérique IIdefonse. 
Roland Barthes, Le Système de la mode, Paris, Seuils, 2002, (Première édition, 1967).
Thomas Carlyle, Sartor resartus (1834).