Compte rendu publié sur Acta fabula (septembre 2024, vol. 25, n° 8) : « Ad personam : pour une théorie du récit à la deuxième personne » par Diane Kalms
Au tournant des XXe et XXIe siècles se développe un mode de narration particulier où le personnage du roman n’est plus désigné par « je » ou « il/elle » mais par « tu » ou « vous ». L’émergence relativement récente d’une littérature écrite aux deuxièmes personnes a ainsi rendu instable la répartition classique des textes en récit à la première ou à la troisième personne, sans que la recherche universitaire ait jusqu’à présent véritablement étudié la question d’un possible « récit à la deuxième personne ». Ce manque de travaux s’explique : la forme considérée est rare, sa diffusion marginale. Pourquoi, alors que la forme était attestée et donc disponible depuis bien longtemps, n’a-t-elle pas été sollicitée avant 2000 ? Et pourquoi, même après, a-t-elle été si peu sollicitée ? S’il est toujours aisé de faire des hypothèses sur les facteurs qui accélèrent la présence d’une forme, il faut aussi s’interroger sur les facteurs qui ralentissent voire empêchent sa diffusion. Cet essai cherche ces facteurs dans la forme elle-même, et c’est à sa description qu’il est consacré.
Daniel Seixas Oliveira a obtenu son Doctorat ès Lettres à l’Université de Lausanne (Suisse) en 2021. Il enseigne aujourd’hui dans le secondaire supérieur du canton de Vaud, en Suisse.
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Sommaire :
Introduction
« Cette fable est ton histoire » 9
Chapitre 1
Histoire d’une forme (I) : vestiges 19
Béthune – Balzac – Bachelin :
les précédents historiques français 22
Nouvelles de l’étranger 30
Chapitre 2
Pour un récit à la deuxième personne 35
« L’appareil formel de l’énonciation » :
un cadre pour penser les relations interpersonnelles 37
De la non-réversibilité du couple je-tu 39
Mesure de bon sens, question de proportion 40
Dispositifs énonciatifs et communicationnels
des récits à la deuxième personne 41
Chapitre 3
La position pragmatique du lecteur 49
Valeurs de la deuxième personne 50
Une position vacillante :
recalibrages référentiels et recalculs inférentiels 52
Une position surplombante :
le lecteur comme témoin d’allocution 57
Une énonciation non pertinente 61
Chapitre 4
La narration en tu/vous :
un dispositif discursif invraisemblable ? 67
« Éclats de fuite » :
un cas de communication narrative infigurable 67
Prise en charge méta-énonciative
de la construction scénographique 75
Scénographie endophasique 78
Scénographies inférées 79
Des mentions signifiantes 85
Chapitre 5
« La mort du narrateur » :
conséquences linguistiques
de l’absence de première personne
dans le récit à la deuxième personne 89
Le protagoniste-tu centre de perception 89
Le discours indirect libre
en contexte de narration à la deuxième personne 92
Quand tu profite d’une source énonciative tue 99
Chapitre 6
Prévisibilité de lecture du récit
à la deuxième personne non scénographié 103
Analogie avec le récit à la troisième personne 106
Analogie avec le récit à la première personne 111
Chapitre 7
Où la deuxième personne narrative
devient expérimentation énonciative 119
« Le propre de la fiction » …
à la deuxième personne 120
Narration et abduction créatrices 126
Chapitre 8
Histoire d’une forme (II) : prestige 131
Un « moment énonciatif » 132
Le « moment au vous » de Marguerite Duras 137
Conclusions momentanées 144
Chapitre 9
Aux sources du récit à la deuxième personne :
Butor et Perec 147
La Modification
ou « l’art de faire accoucher les esprits » 148
Un homme qui dort
ou la métamorphose avortée 165
Conclusion
« Acta est fabula » 181
Bibliographie
Récits à la deuxième personne en français (1957-2016) 189
Autres textes littéraires cités 193
Critique et théorie 195
Sur la narration et le récit à la deuxième personne en particulier 203
Index des notions 205
Index des noms propres 207