Atelier



Le travail oblique de la reconnaissance

par Nathalie Kremer
(Université Sorbonne Nouvelle / Institut Universitaire de France)


La reconnaissance, qui se caractérise par l'identité ou la similitude, instaure un écart, une différence fondatrice et même salvatrice entre les deux termes de la reconnaissance, qui les différencie et les autonomise, quitte à aller jusqu'à produire parfois un contresens. Ce qu'on peut appeler le travail oblique de la reconnaissance, c'est l'instauration d'une différenciation du même, par un chemin de déviation, d'écart, de détour. Nous proposons ici trois exemples de cette «voie oblique vers la connaissance» tirés de la littérature du XVIIIe siècle.

Extrait de l'article de Nathalie Kremer, «La reconnaissance oblique. Trois chemins de traverse sur le xviiie siècle», in: La Reconnaissance littéraire. Hommages à Jan Herman, vol. dir. par Nathalie Kremer, Kris Peeters et Beatrijs Vanacker, Louvain-Paris-Bristol, Peeters, coll. «La République des Lettres», 2022, p.324-336 [p.319-336].

Ce texte est reproduit dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula avec l'aimable autorisation de l'auteur et de son éditeur.


Dossiers Signes de reconnaissance, Figures.



Le travail oblique de la reconnaissance


Un premier exemple du chemin oblique de la reconnaissance nous est donné par Rousseau dans la VIe Promenadede ses Rêveries du Promeneur solitaire, la dernière œuvre du philosophe qu'il composa initialement, au cours de ses longues promenades, sur des cartes à jouer[1]; le second est tiré des Malheurs de l'amour de Mme de Tencin, son troisième best-seller qu'elle fit paraître en 1747, deux années avant sa mort et une dizaine d'années après les deux premiers romans qui lui valurent un franc succès littéraire (les Mémoires du comte de Comminge en 1735 et Le Siège de Calais en 1739, auxquels son nom reste associé); enfin, la troisième leçon oblique de la reconnaissance nous sera donnée par Tervire, la religieuse confidente de l'héroïne dans la Vie de Marianne de Marivaux, qui constitue la figure par excellence d'une «réparation impossible» selon le mot de RenéDémoris.[2]

Le détour: Rousseau ou la reconnaissance obligée

Dans la VIe Promenade de ses Rêveries du Promeneur solitaire, Rousseau nous livre ces pensées éclairantes sur le rapport de reconnaissance qui lie un donateur et son bénéficiaire:

Je sais qu'il y a une espèce de contrat et même le plus saint de tous entre le bienfaiteur et l'obligé. C'est une sorte de société qu'ils forment l'un avec l'autre, plus étroite que celle qui unit les hommes en général, et si l'obligé s'engage tacitement à la reconnaissance, le bienfaiteur s'engage de même à conserver à l'autre, tant qu'il ne s'en rendra pas indigne, la même bonne volonté qu'il vient de lui témoigner [...]. Celui qui la première fois refuse un service gratuit qu'on lui demande ne donne aucun droit de se plaindre à celui qu'il a refusé mais celui qui dans un cas semblable refuse au même la même grâce qu'il lui accorda ci-devant frustre une espérance qu'il l'a autorisé à concevoir; il trompe et dément une attente qu'il a fait naître.[3]

La reconnaissance à laquelle Rousseau réfléchit dans ce passage concerne le troisième sens distingué par Paul Ricœur, celui de la reconnaissance comme gratitude ou reconnaissance mutuelle. Pour Rousseau cette relation est de l'ordre d'un pacte. Dans ce pacte, la reconnaissance a la valeur d'un contre-don, qui appelle le don à son tour dans une relation réciproque, bien qu'irrémédiablement dissymétrique. Il s'ensuit que le «service gratuit» et libre qui avait été rendu la première fois, génère une «espérance» et une «attente» légitime envers ce don qui a valeur d'engagement. D'où le sentiment d'injustice ressenti devant le refus éventuel d'un renouvellement du don : le pacte de bienfaisance, une fois établi, devant être respecté et perpétué.

Pour Rousseau, le rapport de reconnaissance est donc en lui-même pernicieux, en ce qu'il prive le sujet de toute liberté, dès lors qu'il y a un engagement mutuel, un contrat, qui oblige les deux partis. Ce qu'il appelle l'assujettissement du donateur lui est insupportable: «je me suis souvent abstenu d'une bonne œuvre que j'avais le désir et le pouvoir de faire, effrayé de l'assujettissement auquel dans la suite je m'allais soumettre si je m'y livrais inconsidérément».[4] La VIe Promenade s'ouvre d'ailleurs sur l'exem­ple éclairant d'un détour que Rousseau avait pris l'habitude de faire dans le trajet de l'une de ses promenades vers les bords de la Bièvre, pour éviter «un petit garçon fort gentil mais boiteux» auquel il avait eu l'habitude de donner l'aumône à chaque fois qu'il le rencontrait:

J'avais fait une espèce de connaissance avec ce petit bonhomme; il ne manquait pas chaque fois que je passais de venir me faire son petit compliment, toujours suivi de ma petite offrande. Les premières fois je fus charmé de le voir, je lui donnais de très bon cœur, et je continuai quelque temps de le faire avec le même plaisir, y joignant même le plus souvent celui d'exciter et d'écouter son petit babil que je trouvais agréable. Ce plaisir devenu par degrés habitude se trouva je ne sais comment transformé dans une espèce de devoir dont je sentis bientôt la gêne, surtout à cause de la harangue préliminaire qu'il fallait écouter, et dans laquelle il ne manquait jamais de m'appeler souvent M.Rousseau pour montrer qu'il me connaissait bien, ce qui m'apprenait assez au contraire qu'il ne me connaissait pas plus que ceux qui l'avaient instruit. Dès lors je passai par là moins volontiers, et enfin je pris machinalement l'habitude de faire le plus souvent un détour quand j'approchais de cette traverse [barrière].[5]

Le plaisir du don devient source d'obligation puis d'assujettissement: «j'ai souvent senti le poids de mes propres bienfaits par la chaîne des devoirs qu'ils entraînaient à leur suite, alors le plaisir a disparu, et je n'ai plus trouvé dans la continuation des mêmes soins qui m'avaient d'abord charmé, qu'une gêne presque insupportable»,[6] écrit Rousseau; et plus loin encore: «C'est alors que j'eus lieu de connaître que tous les penchants de la nature sans excepter la bienfaisance elle-même, portés ou suivis dans la société sans prudence et sans choix, changent de nature et deviennent souvent aussi nuisibles qu'ils étaient utiles dans leur première direction».[7] Ainsi la bienfaisance nuit à elle-même, elle se retourne contre elle-même lorsque le don devient un dû, et que les marques de gratitude ne deviennent plus que des grimaces d'usage, une «pantomime» hypocrite que blâmaient déjà La Rochefoucauld ou Saint-Simon.[8] La reconnaissance prend ici aux yeux de Rousseau une valeur marchande, qui aliène les hommes du rapport de communion des cœurs puisqu'elle instaure l'attente d'un retour du don.

Cette approche économique du don implique la perte de la liberté, par la transformation du plaisir du don libre en devoir pénible d'un don obligé, mais elle forme aussi une entrave à l'identité du bienfaiteur, associé voire réduit à son rôle de protecteur et donateur. En mettant à part la paranoïa de Rousseau sur les malveillances qu'il suspecte à son égard (la VIe Promenade insiste par ailleurs largement sur les tromperies dont il a été victime), il est vrai que la reconnaissance instaure une répétition d'intentions et de principes similaires: le bienfaiteur est considéré comme étant toujours prêt à récompenser les mêmes actes, et réduit à ce rôle de donateur, ce qui fait entrave à ce que Ricœur appelle l'ipséité de sa personne. Le moi vital et libre risque d'être réduit et figé à un moi toujours égal à lui-même, à cette image de donateur qui, précisément, lui ôte la liberté d'être autre chose, ou de ne plus l'être. Ainsi, la reconnaissance-gratitude institue la méconnaissance de l'identité et la liberté de la personne.

La leçon de Rousseau est claire : la bienfaisance implique une reconnaissance obligée et la perte de la liberté de l'identité des deux personnes engagées dans cette relation mutuelle. Confronté à ce problème, Rousseau choisit la liberté plutôt que la reconnaissance, dont il préfère se passer: la liberté du détour, celui dans la promenade comme dans la vie en tant qu'esquive, évitement des occasions de donner et d'éprouver donc ce plaisir suprême de la bienfaisance, mais liberté du moi, de se reconnaître et d'être reconnu comme être libre et changeant (changeant de chemin, changeant d'intentions). Il est vrai que Rousseau a été toute sa vie en dette à l'égard de différents bienfaiteurs et protecteurs, sans lesquels son œuvre n'aurait pas vu le jour, tout en manifestant une vraie difficulté à reconnaître cette dette, à s'enfermer dans l'obligation d'être l'obligé. En revanche, l'entreprise autobiographique de son œuvre dont les Rêveries forme le faîte vise bien explicitement à obtenir du lecteur et de la postérité une forme de reconnaissance, celle que ses contemporains lui déniaient: demande de reconnaissance donc, que lui-même ne pouvait pas donner autrement que par le détour de cette œuvre qui demandait à être reconnue.

L'anecdote rapportée dans cette VIe Promenade symbolise ici littéralement le détour opéré par la reconnaissance oblique dans la vie du philosophe : Rousseau tourne le dos à ses contemporains en optant pour un chemin de traverse qui rompt la réciprocité obligée, et ce faisant préserve la liberté vitale du moi dans le but que celui-ci soit un jour reconnu comme tel, comme un «je» libre de détourner son chemin et libre de choisir la voie oblique vers le renom. Quitte à se cacher des autres pour n'avoir pas à dissimuler, pour se dérober au jeu obligé de l'hypocrisie sociale: le philosophe refuse ainsi doublement la reconnaissance au profit de la liberté, pour être, paradoxalement, reconnu dans sa liberté. Mais bienfaisance et liberté sont-elles vraiment incompatibles? Notre deuxième exemple montre qu'on peut préserver l'un et l'autre par la voie d'une autre forme de reconnaissance oblique.

L'anonymat : Pauline ou la reconnaissance dissimulée

Dans les Malheurs de l'amour de Mme de Tencin, le problème du caractère obligé de la reconnaissance comme contre-don est également abordé dans une intrigue sentimentale où, comme le suggère le titre, un amour malheureux entre Pauline et le comte Barbasan mène au désastre sentimental dans leurs mariages respectifs. Pauline, la protagoniste autodiégétique de l'histoire, rapporte le discours suivant que lui tient son père peu avant de mourir, et qui répond par anticipation —la formule me semble désormais établie— aux réflexions de Rousseau sur le plaisir dont la bienfaisance est la source:

Vous trouverez des ingrats, me disait-il, que vous importe? La reconnaissance est l'affaire des autres; la vôtre est de faire le bien que vous pouvez; il le faudrait même pour le plaisir: je n'ai de ma vie eu d'instant plus délicieux que celui où je rendis un service considérable à un homme que j'aimais; il l'ignora longtemps: il eût pu l'ignorer toujours, sans que j'y eusse rien perdu; la satisfaction de m'en estimer davantage me suffisait. Je rapporte ce discours, parce qu'on verra dans la suite dans quel cas je m'en suis autorisée.[9]

Le problème de la liberté qui se pose dans la reconnaissance mutuelle est ici résolu non par le détour, au sens d'esquive et de renonciation, mais par la seule dissimulation du nom du bienfaiteur, ce qui garantit à la fois la liberté du don et le plaisir de la bienfaisance («il eût pu l'ignorer toujours, sans que j'y eusse rien perdu»). Les personnages de Mme de Tencin montrent donc contre Rousseau que le don et la liberté sont compatibles, mais avec Rousseau que cet acte doit être dissocié de l'identité. Une telle forme d'échange nous place, comme l'a montré Jacques Derrida, dans un rapport de générosité: dans une situation de don sans retenue, sans dette, dans une «surabondance [qui] rompt généreusement l'économie circulaire»[10] de l'échange. Pourtant, si le nom du généreux bienfaiteur reste dans l'ombre, et que le bénéficiaire ne peut lui exprimer sa gratitude, sommes-nous alors encore dans une relation de reconnaissance mutuelle?

La prolepse livrée par la narratrice à la fin de l'extrait que nous avons cité («on verra dans la suite…») trouve son accomplissementaux toutes dernières lignes du roman. Celles-ci étalent le «malheur» complet dans lequel la protagoniste est fatalement tombée: le mari de Pauline est décédé, Barbasan est mort également ainsi que la femme de celui-ci, qu'il prétend pourtant n'avoir jamais aimée par «fidélité de cœur» envers Pauline. Mais il reste un fils de ce mariage, que la femme de Barbasan, juste avant de mourir, confie à Pauline. Celle-ci se retrouve ainsi mère par substitution d'un enfant qu'elle aurait évidemment souhaité avoir avec le père de celui-ci, par la volonté même de celle dont elle aurait désiré prendre la place… et qui la lui donne symboliquement. Voici comment finit l'histoire –pour autant que les histoires aient des fins[11]:

J'allai m'enfermer avec ma chère Eugénie[12]; et sans m'engager par des vœux, je renonçai au monde pour jamais. La fortune de ce malheureux enfant est la seule chose qui a pu faire quelque distraction à ma douleur. </p> Je l'ai mis de bonne heure dans les troupes; il y jouit d'une réputation brillante. Il est actuellement dans les premiers grades. J'ai cru devoir lui laisser toujours ignorer ce qu'il est. Il ne sait même d'où lui vient le bien qu'il reçoit: j'ai mieux aimé renoncer à sa reconnaissance que de lui donner la mortification de se connaître.[13]

Une fin étonnante et cruelle à plus d'un titre… En effet, la phrase finale, «j'ai mieux aimé renoncer à sa reconnaissance que de lui donner la mortification de se connaître», se donne à lire comme le faîte de la bienfaisance exemplaire de Pauline: la privation de soi ultime au profit du bonheur de l'autre, ce fils qu'elle aurait donc désiré pouvoir donner à son amant, mais qui lui rappelle sans cesse l'échec de ce bonheur à peine frôlé. Par un mouvement de charité proclamée pour ce fils, elle s'engage à lui épargner la «mortification de se connaître», de savoir qui il est, en renonçant par là au prix de la reconnaissance qu'il lui devrait: une reconnaissance est ici substituée à une autre dans un rapport prétendument hiérarchique. Reformulons: le fils de Barbasan est privé d'iden­­tité, et Pauline de la gratitude qu'il lui doit. Il ne s'agit évidemment pas de priver l'enfant de sa famille, puisque ses parents ne sont plus, mais d'une ascendance généalogique: Pauline l'empêche de se connaître, de connaître son identité, de connaître ses origines, qu'elle juge trop malheureuses pour lui être dévoilées. Générosité désintéressée de la part de la narratrice ? À en croire certaines jeunes femmes dont parle Marivaux –Toinon ou Tervire dans La Vie de Marianne par exemple, comme on le verra–, il vaut mieux être orpheline de nom qu'héritière des malheurs de sa famille.[14] Toutefois l'orpheline sans nom s'avère en quête d'une identité obsessionnelle, qu'elle ne peut délier de la quête de soi, comme le prouve bien Marianne. L'obscurité identitaire est un mal, voire une insoluble: sans ce nom familial – qu'il soit damné ou non – le personnage ne se connaît pas et ne parvient pas à s'ancrer dans la société, à se trouver une place légitime.[15]

Mais admettons que Pauline, instruite par l'exemple des malheureuses Tervire et autres, veuille réellement épargner, par pure bienfaisance, la connaissance de son nom au fils de Barbasan. Encore place-t-elle cette question identitaire en lien avec celle de la reconnaissance qu'il devrait témoigner envers elle – et à laquelle elle déclare, sous couvert du même élan de générosité, renoncer à son profit. C'est donc ne pas l'obliger à être en dette envers elle comme sa bienfaitrice, le libérer donc de la contrainte du pacte pesant que dénonce Rousseau. Double privation donc, mais sous couvert d'une double protection: de la mortification de l'identité, de l'obligation de reconnaissance. Peut-on y voir une vraie générosité? Ne pas permettre au fils de Barbasan de témoigner de sa reconnaissance envers la personne qui le protège, c'est lui ôter la possibilité d'un rapport intersubjectif qui le ferait grandir, qui nourrirait une attente et un retour sans pour autant le priver de sa liberté. Comme le soulignait Rousseau, c'est uniquement le bienfaiteur qui est pris dans la contrainte d'une relation obligée qui le prive de sa liberté. Et cela implique en outre, comme le savait aussi Rousseau, que la bienfaisance va de pair avec le risque de la non-reconnaissance, en l'occurrence, de l'ingratitude: Pauline se protège donc aussi bien de cette déception possible envers le garçon dont elle ne supporterait sans doute pas qu'il la rejette à présent qu'elle en est, enfin, devenue la (nouvelle) mère... En restant anonyme et en cachant son rôle de mère par substitution, elle s'épargne donc l'éventuelle douleur d'être rejetée comme mère adoptive.

Faisons un pas de plus. Dans ces fictions du xviiie siècle qui ne sont jamais en mal de rebondissements et de fins intermédiaires, la découverte du secret par le fils de Barbasan ne paraît pas impossible: les manuscrits, après tout, son bel et bien trouvés, et le garçon pourrait tomber par hasard sur celui qu'écrit sa bienfaitrice, et que nous lisons, ou en être averti par un lecteur indiscret, puisque cette dernière, après tout, nous révèle par son récit l'histoire même de ce secret. N'y aurait-il pas une inconsciente demande de reconnaissance dans la revendication même de la renonciation à celle-ci? Une reconnaissance oblique se fait jour ici, au sens de non advenue mais paradoxalement présente dans le secret dévoilé. Pauline parviendrait ainsi non seulement à priver deux fois le fils de Barbasan de son ancrage dans la vie, mais encore à l'obliger à la reconnaissance sans pourtant lui permettre d'entrer dans le circuit de don et du retour qui définit le rapport de reconnaissance mutuelle: le don est gardé secret et le retour ne peut opérer que de façon diffuse.

Sûrement le garçon rejoindra-t-il la cohorte des enfants sans nom, passant leur vie à chercher leur origine et relatant cette recherche génétique dans un roman trouvé… Comme Marianne, le fils de Barbasan ressasse probablement «la constante répétition de l'énigme de sa naissance», selon l'une des heureuses formules de Jan Herman dans Le Récit génétique.[16] Au détour et à la renonciation de Rousseau correspondrait donc chez Mme de Tencin la ramification comme image de la reconnaissance oblique car, comme l'énonce Paul Ricœur sans parler de La Vie de Marianne, mais le roman s'y prête parfaitement: «Apprendre à se raconter, c'est aussi apprendre à se raconter autrement».[17] Et Ricœur ajoute: «Par ce mot, ‘autrement', une problématique entière est mise en mouvement, celle de l'identité personnelle associée au pouvoir raconter et se raconter».[18]

La mise en scène: Tervire ou la reconnaissance légitime

Venons-en à notre troisième exemple, celui de Tervire. Comme on l'a souvent répété, l'histoire de Marianne se dédouble dans celle de Tervire par un effet de miroir qui produit une forme de mise en abyme entre les deux histoires. Pour reprendre les mots de Jean Weisgerber dans Les Masques fragiles: «Marianne se reconnaît en Tervire, Tervire en une troisième, si bien que le dedans se mue à son tour en dehors: récits spéculaires de plus en plus brefs, qui font songer aux images enchâssées des miroirs parallèles».[19] Marianne se reconnaît en Tervire, certes, mais intervient toutefois un facteur différenciateur qui assure la séparation des images dans ce rapport en miroir. Il serait plus juste de dire que Tervire forme un «autre» reflet de Marianne.

Comme on l'a vu, Tervire a d'abord le désavantage de ne pas être une enfant trouvée, et d'avoir eu à souffrir d'une non-reconnaissance perpétuelle de la part de sa famille. C'est ce qui est cause de son âme flétrie, à la différence sans doute de l'énergie et de l'optimisme dont fait preuve Marianne. Tervire est fort consciente de l'effet néfaste de ce traumatisme qu'elle encoure suite au rejet de sa famille: «ce sont de ces tristesses retirées dans le fond de l'âme, qui la flétrissent et qui la laissent comme morte»,[20] confie-t-elle à Marianne. Cette non-reconnaissance dont souffre Tervire est multiple, car elle remonte à sa plus tendre enfance et concerne plusieurs membres de sa famille. Son grand-père paternel considéra le mariage secret de son fils comme illégitime et le déshérita, sans avoir le temps avant sa mort de rectifier son testament pour redonner à son fils, et ainsi à sa petite-fille Tervire, leurs droits d'héritiers: la reconnaissance familiale a lieu in extremis, sans toutefois produire à temps une réparation légitime. Tervire est élevée ensuite par sa grand-mère maternelle, Madame de Tresle, ce qui a pour conséquence qu'elle soit rejetée par ses tantes, les héritières légitimes qui à la mort de leur mère n'entendent pas s'encombrer de ce rejeton, qu'on placera chez un fermier nommé Villot. La jeune fille sera ensuite recueillie par sa grand-tante, Mme Dursan, sœur de feu son grand-père Tervire et qui, comme son frère, a déshérité son propre fils dans le passé, faisant de Tervire sa nouvelle héritière, donc un substitut du fils perdu.

Cette constellation d'accueils et de rejets subis par Tervire au cours de sa jeunesse provient d'un manque de reconnaissance central, celui lié à sa mère qui, après la mort de son mari, aura rapidement délaissé cette petite fille issue du premier mariage. À dix-sept ans, au moment de la mort de Mme Dursan, Tervire entreprend de retrouver sa mère pour tenter la réparation de la triple non-reconnaissance dont elle souffre. En effet, premièrement, mère et fille ne se connaissent et donc ne se reconnaissent pas (au sens d'identification), comme il ressort de l'épisode de leur rencontre dans le carrosse pour Paris, où elles se lient d'amitié sans savoir qui elles sont.[21] C'est aussi, en second lieu, une non-reconnaissance au sens de non-légitimité dont souffre Tervire à l'égard de sa mère, qui ne la reconnaît pas comme digne d'intégrer la haute société qu'elle fréquente à partir de son deuxième mariage. Tervire rapporte à ce sujet à Marianne, au moment du remariage de sa mère: «Voilà donc la situation de ma mère bien changée; la voilà devenue une des plus grandes dames du royaume, mais aussi la voilà perdue pour moi. Trois semaines après son mariage, je n'eus plus de mère; les honneurs et le faste qui l'environnaient me dérobèrent sa tendresse, ne laissèrent plus de place pour moi dans son cœur».[22] Tervire devient, autrement dit, l'enfant non légitime du nouveau mariage, et non désirée dans la vie de sa mère: une enfant privée de place dans les rangs supérieurs de la noblesse, et devenant automatiquement une enfant comme les autres, c'est-à-dire indistincte, non reconnaissable, comme en témoigne l'épisode où sa grand-mère maternelle, Madame de Tresle, ne la reconnaît pas dans ses habits malpropres au moment d'une visite qu'elle vient faire à sa fille:

Mme de Tresle (je parle de ma grand-mère) qui ne demeurait qu'à trois lieues de nous, et qui ne se doutait pas que cette chère enfant, que cette petite de Tervire fût si délaissée; qui, quelque temps auparavant, m'avait vue les délices de sa fille, et qui m'aimait en véritable grand-mère, vint un jour pour dîner avec M. le marquis de…, son gendre, et il y avait deux mois qu'elle n'était venue. Quand elle arriva, j'étais à l'entrée de la cour du château, assise par terre, où l'on m'avait mise en fort mauvais ordre. Au linge que je portais, à ma chaussure, au reste de mes vêtements délabrés et peut-être changés, il était difficile de me reconnaître pour la fille de la marquise.[23]

Mme de Tresle ne manquera pas de réprimander sa fille et ensuite de recueillir chez elle l'enfant délaissée, dont le malheur souffre enfin d'une troisième forme de non reconnaissance, celle de ne pouvoir être redevable à sa mère de ce qu'elle est devenue: envers sa mère, qui ne lui a rien donné, il n'est donc aucune gratitude possible pour Tervire, qui n'a donc «que sa santé» pour toute «grâce». Identité, légitimité et gratitude: ces trois grands sens de la reconnaissance font défaut dans le rapport de Tervire à sa mère, et motivent son parcours dans l'espoir de les réparer.

Cette réparation à laquelle la quête de la reconnaissance doit conduire ne passe pas, chez Tervire, par le détour, l'esquive, comme chez Rousseau, ni par la dissimulation comme dans le procédé de la Pauline de Mme de Tencin. Tervire choisit plutôt la voie de la mise en scène comme ductus obliquus de la reconnaissance. L'épisode de sa vie où elle vit chez sa grand-tante, Mme Dursan, et où elle va tenter de réhabiliter le fils et sa famille déshérités, en est exemplaire. «[I]l me vient une idée», déclare-t-elle au fils lorsque celui-ci resurgit après vingt années de disparition, en imaginant ce qu'elle appelle «une petite supercherie» dans laquelle les «personnages» joueront les rôles qu'elle leur distribue en vue d'organiser la réconciliation familiale. «À peine eus-je ouvert cet avis qu'ils s'y rendirent tous, et que leurs remerciements recommencèrent; ce que je proposais marquait, disaient-ils, tant de franchise, tant de zèle et de bonne volonté pour eux, que leur étonnement ne finissait point».[24] Renonçant donc sans hésitation à un gros héritage au profit d'une reconnaissance générale fondée sur sa générosité hors pair, Tervire s'érige ici en metteuse en scène d'une comédie qui finira bien… mais mal pour elle: la femme de Dursan fils, après la mort de celui-ci, s'avèrera bien vite une «ingrate»[25] –alors qu'elle s'était pourtant montrée «transportée de reconnaissance» au moment de la réhabilitation de sa famille–,[26] et Tervire n'aura plus ni héritage, ni mariage réparateur.

Tout au long de sa vie, ce n'est en effet pas à la richesse qu'aspire Tervire, ni même à un rang prestigieux dans la noblesse parisienne. Tervire est humiliée, rejetée par sa mère, or «c'est à être distinguée et identifiée que la personne humiliée aspire»,[27] comme le souligne Paul Ricœur dans son examen du deuxième sens de la reconnaissance. À travers la promesse de renonciation à l'héritage des Dursan, Tervire s'érige en une personne généreuse et estimable, cherchant donc à se construire une identité de personne de distinction. L'effet de pathétique qui se dégage de l'esquisse de maints «tableaux sensibles» dans sa vie participe sans aucun doute également de ce goût pour l'artifice et la mise en scène d'un personnage certes, comme l'écrivait René Démoris, «appliqué à se masquer son propre vide intérieur»,[28] qui tient à la souffrance de la non-reconnaissance. L'ingratitude de la veuve Dursan, la mort de tous les membres de sa famille qui pouvaient l'aider, la poussent enfin à aller retrouver sa mère pour réparer, dans les retrouvailles finales du roman, ces trois formes de non-reconnaissance auxquelles elle aspire tant. Car au centre de toutes les formes de non-reconnaissance, c'est bien la question de l'identité qui ordonne tout, comme l'affirme P.Ricœur: «N'est-ce pas dans mon identité authentique que je demande à être reconnu? Et si, par bonheur, il m'arrive de l'être, ma gratitude ne va-t-elle pas à ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont reconnu mon identité en me reconnaissant?».[29]

Cette reconnaissance sur laquelle finit le roman est-elle réparatrice ? Le roman de Marivaux, on s'en souvient, finit sur une superbe remontrance publique que Tervire adresse à sa distinguée belle-sœur. Pour René Démoris, la réparation est impossible pour Tervire malgré cette scène finale, dans laquelle il entre d'ailleurs, une fois de plus, «un goût pour la mise en scène de sa propre grandeur d'âme». À la fin de son étude, Démoris écrit :

La voie choisie, celle du scandale, est-elle la plus propre à obtenir la satisfaction souhaitée, c'est-à-dire le paiement de la pension de la mère ? On peut se le demander. Mais cette fois, à travers celle de sa mère, c'est bien sa cause propre que plaide Tervire. A travers la rhétorique de la tirade, point l'ébauche d'une révolte. C'est à cet endroit aussi que brutalement le récit s'interrompt, définitivement.

Que Tervire ait en définitive dû choisir le tombeau du couvent (obéissant au vœu de la mauvaise mère) et tente d'en décourager Marianne, semble bien montrer le caractère irréparable du manque initial, tout autant que l'étrange incapacité de la narratrice à rendre compte d'une réalité qui depuis toujours la dépasse.[30]

La fin «in medias res» de l'histoire de Tervire, et du roman en même temps, correspond à une dernière mise en scène, cette fois-ci comme dévoilement du moi: Tervire se donne enfin à voir, entendons à connaître, publiquement –et cela à la fois dans sa souffrance et dans ses revendications. C'est bien, comme le souligne Démoris, le moment d'une révolte en amorce: celle du moi gagnant à être enfin, non pas comblé, mais reconnu. La reconnaissance publique atteinte ici par Tervire ne comble en effet certes pas le «manque initial», elle ne le répare pas, mais elle est transformatrice de la situation et de la personnalité de la jeune fille. Aussi faut-il considérer, au-delà du hiatus entre le moment de cette autonomie atteinte et la situation de la narratrice dans son couvent, que celle-ci plaide, précisément, contre le couvent et tente de dissuader Marianne d'y entrer: en tenant compte de cette contradiction pragmatique entre la situation (dans le couvent) et le plaidoyer (contre le couvent), on peut donc aussi considérer toute la narration de son histoire comme un ductus obliquus: un discours oblique vers la reconnaissance publique et générale d'une jeune fille qui apprend ainsi, à travers son récit, à se connaître. Gérard Dessons éclaire magnifiquement cette idée de la reconnaissance en donnant la formule d'«un non-vu dans le toujours regardé»[31]: Tervire enfin se voit, se reconstitue à travers son récit qui est un récit contre elle-même, contre sa vocation du couvent vers laquelle l'a sans doute conduite sa souffrance intérieure. Avec Tervire s'illustrerait donc parfaitement la fonction différenciatrice de la reconnaissance, qui n'est pas simple répétition du même, mais dynamisme et transformation, génératrice d'une connaissance dans la reconnaissance même de celle-ci. Comme le notait Paul Ricœur, que je cite une dernière fois: «Au stade ultime, la reconnaissance non seulement se détache de la connaissance mais lui ouvre la voie».[32]

*

Le détour, la dissimulation ou la mise en scène sont différents ductus obliquus de la reconnaissance: ils mènent à une reconnaissance oblique voire à une non-reconnais­sance (au contraire de la connaissance donc, comme dans le cas de l'héroïne de Mme de Tencin, mais aussi de Rousseau, qui évite certains chemins pour ne pas être reconnu). Rousseau évite la reconnaissance mutuelle pour ménager la reconnaissance de sa liberté personnelle; Pauline coupe la bienfaisance du retour de reconnaissance logique en empêchant la connaissance de son identité; Tervire parvient à la reconnaissance du moi, en mettant en scène (par et dans son récit) ce moi méconnu. Lorsque le détour devient retour, lorsque le masque de la dissimulation tombe, la reconnaissance oblique permet un retour dans le changement: c'est en effet un retour différent, enrichi et transformateur qui est mis en œuvre dans les réflexions sur la reconnaissance que nous avons étudiées à travers les trois œuvres de notre parcours. La reconnaissance ouvre la voie à la connaissance, celle de soi et des autres –celle d'un renouveau sans cesse réitéré, mais par bien des chemins de traverse.



Nathalie Kremer (Université Sorbonne Nouvelle / Institut Universitaire de France) 2022

Mis en ligne dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula en octobre 2022.

Pages associées Figures, Signes de reconnaissance.



[1] Béatrice Didier, «À propos des cartes à jouer de Jean-Jacques Rousseau», in: Poétique de la pensée, Études sur l'âge classique et le siècle philosophique. En hommage à Jean Dagen, éd. Béatrice Guion, Paris, Honoré Champion, 2006, p.353-362.

[2] René Démoris, «Tervire ou la réparation impossible», in: Marivaux et l'imagination. Actes du colloque de Toulouse organisé par le groupe «Idées, thèmes et formes 1560-1789», éd. Françoise Gevrey, Toulouse, Éditions Universitaires du Sud, 2002, p.213-227.

[3] Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire, éd. Érik Leborgne, Paris, GF-Flammarion, 2012, p.112.

[4]Ibid., p.112-113.

[5] Ibid., p.108.

[6] Ibid., p.109.

[7] Ibid., p.110.

[8] Voir dans le présent volume l'article de Marc Hersant, «La reconnaissance dans les Mémoires de Saint-Simon».

[9] Claudine de Tencin, Les Malheurs de l'amour, éd. Érik Leborgne, Paris, Desjonquères, 2001, p.64.

[10] Jacques Derrida, «Economimesis», in Mimesis – Des articulations, Paris, Aubier-Flammarion, 1975, p.71. Voir aussi de Derrida: L'Écriture et la différence, Paris, Le Seuil, 1967, p.219 sq. Je me permets de renvoyer ici à une belle illustration de cette relation de générosité entendue comme «restitution» sur le plan artistique chez l'artiste Harun Farocki analysée par Georges Didi-Huberman dans son article «Rendre une image», in Penser l'image, éd. Emmanuel Alloa, Paris, Les Presses du réel, 2019, p.267-292, et particulièrement aux p.274-275.

[11] Cf. Les Fins intermédiaires dans les fictions narratives des xviie et xviiie siècles. En hommage à Jean-Paul Sermain, éd. Marc Escola, Nathalie Kremer et François Rosset, Fabula – Colloques en ligne, URL: https://www.fabula.org/colloques/sommaire5879.php.

[12] Eugénie, alias Mlle Joyeuse, est une sœur du couvent où Pauline fut élevée durant son adolescence, et dont elle rapporte l'histoire dans la deuxième partie du roman. Pauline annonce ici qu'elle retourne vivre dans ce couvent, sans toutefois prendre le voile.

[13] Mme de Tencin, Les Malheurs, op cit., p.149 (je souligne).

[14] «Et puis, quand vous auriez vos parents, que savez-vous si vous en seriez plus heureuse? Hélas! ma chère enfant, il n'y a point de condition qui mette à l'abri du malheur, ou qui ne puisse lui servir de matière!», énonce Tervire à l'adresse de Marianne (Marivaux, La Vie de Marianne, éd. Jean Dagen, Paris, Gallimard, «Folio classique», 1997, p.508)

[15] Ainsi, Marianne dit se sentir «déplacée» chez la Dutour (ibid., p.86), sa vie est la quête d'une «place» qui ne cesse de se dérober à elle dans la société. Les récits génétiques ne manquent pas au xviiie siècle qui compte plus d'un enfant trouvé, en tout cas trouvé par Jan Herman (voir Le Récit génétique au xviiie siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2009).

[16] Jan Herman, Le Récit génétique au xviiie siècle, op. cit., p.99.

[17] Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., p.152.

[18] Cité dans Jan Herman, op. cit., p. 97.

[19] Jean Weisgerber, Les Masques fragiles: esthétique et formes de la littérature rococo, Lausanne, 1991, p.168-169: «L'histoire de Marianne se dédouble grosso modo dans celle de Tervire, le contenant se réfléchit dans le contenu en un effet de miroir qui constitue une authentique ‘mise en abyme'. Enfin, si Tervire met son amie en garde contre les difficultés de la vie monacale, on apprend qu'elle-même a jadis été avertie de la même façon par une religieuse dont elle rapporte les paroles: ‘je voyais si bien mon histoire dans la sienne'. Le reflet se prolonge en un autre, plus schématique qu'il ne l'est lui-même et surtout que la première image dans laquelle leur ensemble s'incorpore. Marianne se reconnaît en Tervire, Tervire en une troisième, si bien que le dedans se mue à son tour en dehors: récits spéculaires de plus en plus brefs, qui font songer aux images enchâssées des miroirs parallèles.»

[20] Marivaux, La Vie de Marianne, op. cit., p.526 (Tervire fait mention de ce trait de son tempérament après l'épisode de la mort de sa grand-mère).

[21] Au début de la XIe partie (ibid., p.628-635).

[22] Marivaux, La Vie de Marianne, op cit., p.515.

[23] Ibid., p.515-17.

[24] Ibid., p.597.

[25] «[T]oute ingrate qu'elle était…», note Tervire à propos de la veuve de Dursan fils (La Vie de Marianne, ibid., p.623); le mot «ingratitude» figure déjà à son propos à la p.622, alors qu'elle …

[26] La Vie de Marianne, ibid., p.602.

[27] Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., p.45.

[28] René Démoris, art. cit., p.226.

[29] Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., p.11.

[30] René Démoris, art. cit., p.226. Démoris note à juste titre que le récit de Tervire se caractérise par «l'absence de rétrospections critiques» (ibid.). Toutefois la capacité du personnage à relater son histoire et à en faire ressortir la cohérence (celle précisément du «cercle enchanté et infernal» d'un «retour de ce qu'il craint le plus», ibid., p.227) prouverait précisément la capacité de la jeune fille à le reconnaître pour le «saisir autrement», c.-à-d., à rompre le cercle infernal.

[31] Gérard Dessons, L'Art et la manière. Art, littérature, langage, Paris, Honoré Champion, 2004, p.38.

[32] Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., p.38.



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Dernière mise à jour de cette page le 5 Octobre 2022 à 11h22.