Littérature et écritures du cas

Qu’est-ce qu’un cas et que produit-il dans le champ de la pensée et de la création ? Situé à l’intersection des discours clinique, juridique, historique, religieux et littéraire, le cas rappelle l’insistance du particulier et du détail dans toute production de connaissances visant l’universel et le général. Pour les sciences humaines et la médecine, tout comme pour la littérature, la mise en récit de l’expérience intime qui fonde le cas suscite des interrogations d’ordre méthodologique, scientifique, éthique et poétique. Elle oblige à parcourir l’empan des attitudes intellectuelles et créatrices ouvert par ce geste particulier d’écriture, entre la restitution minutieuse d’une parole, d’un vécu, et les aménagements narratifs voire fictionnels imposés par le texte en devenir, par sa visée artistique et/ou scientifique.

Ce sont ces enjeux qui ont été au cœur de la journée d’études « Littérature et écritures du cas », organisée en mai 2018 à l’Université de Berne, avec comme invité d’honneur Carlo Ginzburg. Alors que la pandémie a brutalement propulsé la notion de cas sur les devants de la scène mondiale, le volume présenté ici, sous la direction de Sophie Jaussi et de Muriel Pic, propose les résultats de cette journée d’études, les prolongements réflexifs qu’elle a suscités ainsi qu’un certain nombre de pièces originales données à lire pour la toute première fois. Aux côtés d’un article de Georges Didi-Huberman, on pourra ainsi découvrir quelques feuillets inédits des manuscrits de la drogue d’Henri Michaux, ainsi que la préface donnée en 1934 par Kenneth Burke au Testimony de Charles Reznikoff, jamais publiée en français. Ce volume articule donc des raisonnements littéraires, artistiques, historiques, cliniques et épistémologiques, afin de sonder les matériaux composites - toujours particuliers – du cas. Il invite à penser le document humain.