Atelier



Programme Proust dans la recherche comparatiste, bilan et nouvelles perspectives (Comparatisme : l'exemple de Proust) - Karen Haddad-Wotling, Vincent Ferré.

Deuxième journée : Visages étrangers de Proust (Paris 13, 23 novembre 2007)

Proust et l'épopée de Dante, par Anne Teulade (Université de Nantes)



Proust et l'épopée de Dante

La référence à Dante n'est sans doute pas essentielle dans la Recherche : à la différence d'autres auteurs, davantage évoqués, ou explicitement mobilisés dans le cadre d'une réflexion sur l'écriture, le Florentin n'apparaît que de manière subreptice ou incidente dans le vaste ensemble proustien. Le caractère ténu de ces six ou sept mentions de la Divine comédie n'interdit cependant pas de réfléchir à leur valeur et leur efficacité textuelle. L'on peut également supposer que la présence de l'œuvre dantesque ne se limite pas aux renvois explicites, et imaginer qu'elle travaille la Recherche de manière plus souterraine, indirecte ou voilée, les citations constituant alors les signes visibles d'une présence plus diffuse dont la portée serait à mesurer.

Avant d'appréhender directement cette question, je vous propose un détour par d'autres textes de Proust, extraits de sa correspondance et de ses essais, qui me semblent assez symptomatiques des problèmes que pose ce sujet. Les mentions de Dante y paraissent souvent anodines, quand Proust reproche à Paul Morand de l'avoir jeté dans « cet Enfer que Dante réservait à ses Ennemis »[1], ou quand, pour expliquer à Charles Maurras qu'ils vivent dans deux mondes différents, il lui avoue: « je ne serre pas plus votre main, que si étiez Virgile ou Dante »[2]. La première occurrence rappelle celle de la fin d'Un Amour de Swann, où Swann conçoit le salon de ses ennemis, les Verdurin, comme le « dernier cercle de Dante »[3]. La seconde, qui associe Dante et Virgile, fait écho à une pratique courante sous la plume de Proust. Ainsi, dans la préface à Sésame et les lys, la lecture initiatrice est illustrée à travers le couple Dante/Virgile[4]; dans un article sur Chardin, il évoque l'initiation « à la vie ignorée de la nature morte que chacun de nous peut accomplir en se laissant guider par Chardin, comme Dante se laissa jadis guider par Virgile»[5]. Enfin, dans la préface à la Bible d'Amiens, leur rapport est simplement décrit par la notion d'influence, l'influence « indépendante et cependant similaire de Virgile sur le Dante et l'évêque Gawane Douglas»[6].

Dante est donc le second terme d'un couple diachronique par lequel Proust décrit à plusieurs reprises le processus de lecture créatrice, formulé à travers les termes d'initiation ou d'influence – qui relèvent peut-être de la culture scolaire du temps. Dante est également évoqué, de manière apparemment assez secondaire, dans le pastiche sur la représentation de l'affaire Lemoine par Giotto: « Giotto, je pense que vous le savez, était l'ami de Dante, qui n'était pas un grand ami des juges. Peut-être seriez-vous curieux de connaître sur les juges l'opinion de Dante et celle de Giotto?»[7]. Dante apparaît cette fois dans le sillage de son contemporain et ami Giotto, dont on connaît l'importance capitale aux yeux de Proust.

Mais c'est en clôture de la préface à Sésame et les lys que la mention de la Divine Comédie semble témoigner de l'intérêt le plus direct de Proust pour le Florentin. Pour conclure son développement sur la préférence des grands écrivains pour les livres anciens, il prend justement l'exemple de sa propre réaction à la lecture de Dante: « Que de fois, dans la Divine comédie, dans Shakespeare, j'ai eu cette impression d'avoir devant moi, inséré dans l'heure présente, actuel, un peu du passé[…] »[8]. Dans ce texte où Proust esquisse une théorie de la lecture initiatrice, cette mention n'est sans doute pas fortuite. Quelques pages plus haut, il mettait en scène Virgile guidé par Dante au seuil du paradis. A présent, Proust est devenu lecteur de Dante et ce dernier, d'initié, devient initiateur. La relation de Virgile et Dante peut-elle alors être lue comme le modèle précurseur de celle qui lie Dante à Proust? Ce dernier, qui signa (selon Philip Kolb[9]) deux de ses articles Marc el Dante, n'aurait peut-être pas désavoué cette proposition… Il nous faut alors explorer les diverses modalités selon lesquelles un lien peut être pensé entre la Recherche et La Divine comédie.</p>


Un dispositif analogique? Apprentissage et exploration du monde


A. Les renvois explicites à Dante dans la Recherche


Pour aborder les points de convergence les plus évidents entre les deux œuvres, je commencerai par évoquer rapidement les citations explicites de Dante par Proust, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir[10]. Dans Le Côté de Guermantes, Mme de Villeparisis évoque la lecture d'un chant de l'Enfer par la Ristoni[11]: la mention du texte italien est médiatisée, elle n'est pas le fait du narrateur, mais elle peut néanmoins apparaître comme un hommage indirect aux vers de Dante, par opposition à ceux de la reine de Roumanie. L'évocation des cercles de l'Enfer de Dante par Swann[12] permet également un éloge du texte qualifié d'auguste mais, dans ce cas, la référence intervient dans le cadre d'une analogie: elle permet de qualifier un groupe. De fait, le mode analogique prédomine dans les autres références: on rapproche l'état de la tante Léonie de celui des suppliciés des enfers[13] (le narrateur devient alors Dante fasciné par les condamnés souffrants), l'expérience de l'arrivée au grand hôtel de Balbec constitue pour le narrateur – encore extérieur à la sphère mondaine – une descente aux Enfers, tandis que ses habitués semblent être au Paradis[14]. On compare le travail de l'écrivain qui tente de sauver les damnés à celui de Dante[15], ou le statut de Béatrice à celui des femmes pendant la Première Guerre mondiale[16].

La référence relève en apparence d'une simple « manière de parler » dans laquelle Dante, le comparant, pourrait être considéré comme relativement secondaire, ou éventuellement substituable. Toutefois, dans la mesure où Proust revendique par ailleurs une pratique de l'analogie non ornementale, une écriture où la métaphore constitue l'accès à un sens caché, l'on peut supposer que ces façons imagées de traduire une expérience du narrateur, son rapport à une situation ou à une personne en se référant à la Divine comédie, traduisent un lien profond. Et de fait, il n'est pas trop difficile de penser le rapport entre le narrateur de la Rechercheet celui de la Divine comédie sur le mode de l'analogie.


B. Initiation et révélation


Les parentés les plus évidentes entre les deux œuvres tiennent d'abord à leur dimension initiatique. Les deux récits présentent le parcours d'un héros-narrateur écrit à la première personne: tous deux relatent un cheminement qui constitue une exploration du monde doublé d'un apprentissage personnel, le mouvement vers la vocation d'écrivain pour le narrateur, le mouvement vers la révélation divine pour Dante. Dans les deux textes sont d'abord exposés les tâtonnements, l'errance dans l'erreur et la pénombre, en particulier dans Combray et L'Enfer. Progressivement, surgissent des visions laissant entrevoir la possibilité d'un salut: c'est ainsi que l'on peut comprendre le parcours que le Purgatoire met en place, tout comme les intuitions encore obscures auxquelles le narrateur proustien est confronté sans pouvoir les comprendre réellement. Enfin, les protagonistes sont soumis à des révélations. Dans le dernier chant du Paradis, Dante plonge ses yeux dans l'Essence infinie et en reçoit l'intuition du mystère de l'incarnation et de la toute-puissance de Dieu :

Oh abbondante grazia ond'io presunsi
ficcar lo viso per la luce etterna,
tanto che la veduta vi consunsi!
Nel suo profondo vidi che s'interna,
legato con amore in un volume,
ciò che per l'universo si squaderna:
sustanze e accidenti e lor costume
quasi conflati insieme, per tal modo
che ciò ch'i' dico è un semplice lume.
La forma universal di questo nodo
credo ch'i vidi, perché piú di largo,
dicendo questo, mi sento ch'i' godo.
Un punto solo m'è maggior letargo
che venticinque secoli a la 'mpresa
che fé Nettuno ammirar l'ombra d'Argo.
Cosí la mente mia, tutta sospesa,
mirava fissa, immobile e attenta,
e sempre di mirar faceasi accesa.
A quella luce cotal si diventa,
che volgersi da lei per altro aspetto
è impossibil che mai si consenta;
però che 'l ben, ch'è del volere obietto,
tutto s'accoglie in lei, e fuor di quella
è defettivo ciò ch'è lí perfetto[17].

[O grâce très abondante qui me fit présumer / de planter mes yeux dans le feu éternel / tant que j'y consumai la vue!/ Dans sa profondeur je vis que se recueille, lié avec amour en un volume, / ce qui dans l'univers se dissémine: / accidents et substances et leurs modalités / comme fondus ensemble, en sorte / que ce que j'en dis est simple lueur. / Je crois bien que je vis la forme universelle de ce nœud / car en disant cela / je sens en moi s'élargir la jouissance. / Et un seul point m'est plus violent oubli / que vingt-cinq siècles à l'entreprise / qui fit s'émerveiller Neptune à voir l'ombre d'Argo. / Ainsi mon âme, tout en suspens, / regardait fixement, immobile, attentive, / et s'enflammait sans cesse à regarder encore. / A cette lumière on devient tel / que se détourner d'elle pour une autre vision / est impossible à jamais consentir; / puisque le bien, qui est seul objet du vouloir, / s'accueille tout en elle, et hors d'elle / est en défaut ce qui là est parfait.]

De son côté, dans le Temps retrouvé, le narrateur subit une extase dans la contemplation de l'essence des choses, un bonheur qu'il qualifie de supra-terrestre. Les termes dans lesquels cette révélation est décrite lui confèrent une consistance quasiment religieuse qui rappellent évidemment la fin de la Divine comédie: la révélation lui permet d'abandonner le plaisir « purement frivole »[18] des mondanités, elle est assimilée à une salvation[19], et se trouve décrite comme un enivrement céleste et lumineux médiatisé par le regard[20]. Cette « extase »[21] est assimilée à la redécouverte d'un paradis[22], et à la jouissance d'essences situées en dehors du temps[23]. S'il s'agit bien, dans la Recherche comme dans la Divine comédie, de décrire dans ce moment là une confrontation avec une vérité située hors du temps, une transcendance des essences, il faut cependant garder à l'esprit que la révélation est effectivement d'ordre religieux chez Dante, tandis que le lexique mystique n'est utilisé chez Proust que pour traduire le caractère extraordinaire ou transcendant de l'extase[24]. Il y a donc une différence de taille entre les deux révélations : chez Proust la contemplation des essences qui survient lorsqu'il bute sur le pavé constitue l'expérience qui permet de comprendre ce que doit être l'écriture. Elle le mène au seuil d'un travail de décryptage créateur. Chez Dante en revanche, le message religieux prend le pas sur la dimension réflexive : la vision céleste constitue l'apogée vers lequel tout culmine, une forme de vérité indépassable, et que le poète va tenter de traduire sans être sûr d'y parvenir. Elle ne fournit pas la clé d'une nouvelle forme d'écriture capable de traduire les essences, comme chez Proust, même si elle débouche sur des problèmes d'écriture, car la parole est courte et le dire est faible, selon le poète, quand il s'agit de représenter la lumière éternelle[25].

Malgré ces différences, il est donc remarquable que les deux œuvres inscrivent à leur dénouement la nécessité de l'écriture. En effet, même dans la Divine comédie, l'accent est mis sur la mission qui incombe à Dante; au chant XVII du Paradis, il lui est demandé : « rimossa ogne menzogna, / tutta tua visïon fa manifesta»[26]; et il lui est précisé que c'est pour cette raison que lui sont montrées dans les hautes sphères les meilleures âmes[27]. Les réflexions sur la possibilité de trouver une parole poétique apte à traduire l'expérience céleste, aux chants XXV[28], XXX[29] et XXXIII[30], font écho à cette mission nouvelle du poète, et aux doutes qui l'entourent.

Cette comparaison entre les œuvres pourra sembler quelque peu générale ; elle devient plus probante lorsque l'on s'attache à relever des similitudes plus ponctuelles dans les modalités des deux « apprentissages ». On pourrait par exemple développer la place qu'occupe l'amour dans l'accès aux révélations supérieures ou cachées. Il faudrait également s'arrêter sur le rôle du sommeil dans les deux œuvres, sur sa capacité à mettre le héros au contact de mondes enfouis[31]. Il serait possible d'examiner plus systématiquement tous les passages de la Recherche qui mobilisent des images de descente dans des profondeurs : profondeurs du sommeil assimilée à une descente dans une caverne[32], des galeries souterraines[33], ou les artères d'une cité enfouie[34], où le narrateur attend un secours venu d'en haut. Les jeux d'opposition entre les ténèbres et le mouvement vers la lumière sont également fréquents, dans les passages consacrés au sommeil, mais aussi lorsque, dans une ascension comparable à celle de la montagne du Purgatoire, la mère monte l'escalier de Combray pour éclairer le narrateur de la lumière d'une bougie qui met fin aux angoisses nocturnes[35].

Il faudrait également mettre l'accent sur la présence d'un dispositif voyeuriste dans les deux œuvres, et sur la fascination des deux héros pour la contemplation des personnages enclins au vice. Sur ce point, je prendrai un seul exemple. Nous avons évoqué le passage de Combray où le nénuphar sur la Vivonne est doublement comparé aux souffrances de la Tante Léonie et aux suppliciés des Enfers. Le recours à l'analogie dantesque a été commenté par la critique comme une manière de formuler l'angoisse du narrateur face à sa tante neurasthénique[36]. Mais l'on peut également noter que la contemplation du nénuphar[37] assimilée à la fascination de Dante qui s'attire les reproches de Virgile[38] survient juste après l'épisode de Montjouvain qui mettait en scène le narrateur dans une position de voyeur du sadisme blasphématoire de la fille de Vinteuil et de son amie[39]. Et d'ailleurs, quelques pages plus loin, le motif infernal revient, nullement assimilé à la question de la neurasthénie : le narrateur imagine que les sources de la Vivonne ressemblent à l'entrée des Enfers[40]. On peut donc reconstituer le fil infernal de cette promenade le long de la Vivonne, dans lequel l'évocation de la fascination dantesque s'inscrit dans le cadre d'une rêverie plus générale sur les Enfers, à la suite d'un épisode inaugural de confrontation au vice. Dans les deux œuvres, voyeurisme, fascination et révélation sont intimement entremêlées. Dans la formulation première, pour ainsi dire matricielle de la scène voyeuriste, Proust recourt à une évocation de Dante, à la fois explicite et cryptée dans la mesure où elle est déplacée, assignée à l'évocation des souffrances neurasthéniques.

La mobilisation de l'analogie dantesque pour évoquer une expérience initiatique se retrouve dans un autre moment stratégique et inaugural déjà évoqué, l'arrivée du narrateur au Grand-Hôtel de Balbec[41], qui constitue son premier contact avec une mondanité encore inconnue. Cette occurrence met l'accent sur une facette dantesque de l'apprentissage proustien, l'exploration de la comédie mondaine.


C. Divine comédie et comédie mondaine : l'œuvre monde


Dans les deux œuvres, l'initiation personnelle se construit à travers l'exploration du monde, un monde exclusivement mondain et terrestre chez Proust, un monde supra-terrestre et cosmique chez Dante.

Un autre point commun remarquable entre les deux textes réside en effet dans l'intérêt accordé à la société. Sont évoquées l'histoire et les guerres qui la jalonnent comme les crises sociales ou culturelles marquantes : l'affaire Dreyfus, les conflits entre Guelfes et Gibelins, la Première Guerre mondiale, la réflexion sur l'histoire de l'Italie, le pouvoir des papes, etc. Autrement dit dans les deux textes, bien que le fil conducteur concerne le progrès personnel du narrateur, le cadre historique et mondain n'est pas un simple prétexte devant être dépassé par l'accès à une forme de transcendance qui invaliderait l'importance du monde concret. On a d'ailleurs mis l'accent sur l'importance de la représentation de l'histoire et la politique dans La Divine comédie, et ce alors même que le récit se déroule dans un espace situé au-delà du monde terrestre. Auerbach indique, à travers la notion de réalisme figural, que le dispositif mis en place par Dante n'est pas purement allégorique au sens où le réel ne serait qu'une simple voie d'accès au divin[42]. Le monde fait l'objet d'une représentation littérale qui n'est pas un simple prétexte permettant d'accéder à un sens figuré. La Divine comédie donne aussi à lire la comédie du monde.

On connaît la fascination de Proust pour les œuvres sommes, qui représentent toute la complexité et la variété de leur époque ou de leur culture, et prétendent à une certaine unité. Même s'il leur reproche une certaine incomplétude, il dit dans la Prisonnière[43] son admiration pour La Comédie humaine, La Légende des Siècles ou La Bible de l'humanité de Michelet, œuvres que leurs auteurs ont tenté de présenter, parfois rétroactivement, comme des mondes unifiés. Cette faculté d'englober une époque ou une généalogie et d'en proposer une représentation totalisante est un motif qui ressurgit dans la Recherche, de manière parfois détournée. Dans le Côté de Guermantes, le narrateur explique qu'il se forge une représentation de plus en plus complète du monde, juste après une mention rapide de la Comédie humaine de Balzac. L'ordonnancement des noms de ces figures dans sa mémoire imite, écrit-il, « ces œuvres d'art achevées où il n'y a pas une seule touche qui soit isolée, où chaque partie reçoit des autres sa raison d'être comme elle leur impose la sienne »[44], dans une allusion possible à la Comédie humaine qui vient d'être mentionnée.

<p<Sa mémoire aussi s'ordonne à la manière des œuvres-sommes. Dans les Jeunes filles en fleurs, lorsque le narrateur fait part à Elstir de sa déception à la découverte de l'Eglise de Balbec, le peintre se livre à une apologie sans réserve de « la plus belle Bible historiée que le peuple ait jamais pu lire », « l'expression la plus tendre, la plus inspirée, de ce long poème d'adoration et de louanges que le Moyen Age déroulera à la gloire de la Madone »[45], « un gigantesque poème théologique et symbolique », une « vaste vision céleste » qui englobe « tous les cercles du ciel »[46] et où tous les siècles sont représentés. Il loue la délicieuse poésie du sculpteur et la profondeur de ses idées. Pour Elstir, l'église est l'œuvre parfaite, capable de restituer une représentation cosmique et historique totale, par le biais d'un style poétique qui reflète une pensée des plus profondes. </p>

Cette description peut faire écho pour nous à la notion d'œuvre cathédrale, mais il n'est guère difficile de retrouver également dans la description d'Elstir plusieurs procédés stylistiques évoquant la Divine comédie: le poème théologique et symbolique, à la fois poétique et riche d'idées, représentant toute l'histoire et tout le cosmos, pourrait aussi bien renvoyer au grand-œuvre de Dante. D'ailleurs, comme le rappelle Jacqueline Risset[47], Georges Duby[48] a pu montrer les similitudes entre la Divine comédie et l'architecture religieuse des cathédrales, en particulier à cause de la présence de sculptures rappelant des bas-reliefs dans le Purgatoire[49]. L'autre élément probant dans la perspective d'une assimilation entre la Divine comédie et l'art des cathédrales est la place centrale de la rose dans l'Empyrée, au Chant XXXI du Paradis,dont Giuseppe Di Scipio a pu dire qu'elle évoquait la rosace des cathédrales gothiques[50]. La cathédrale dantesque pourrait donc correspondre à un idéal esthétique pour Proust: elle constitue une réalisation possible de l'œuvre qui allie poésie et profondeur de sens, met un jeu une vaste amplitude géographique et temporelle, et mobilise une représentation symbolique. Plus complète et plus profonde que la Comédie humaine, la Divine comédie pourrait bien receler un mode de représentation et des propositions esthétiques précieuses aux yeux de Proust.

Je viens de montrer comment la Recherche et la Divine comédie présentent des analogies qui tiennent au dispositif énonciatif et narratif de l'écriture de l'exploration de soi et du monde[51]. Je souhaiterais à présent prolonger l'hypothèse selon laquelle le texte de Dante pourrait constituer un paradigme esthétique pour l'entreprise proustienne, en m'attachant plus spécifiquement à quelques échos de l'imaginaire et du style dantesque dans la Recherche.


Comment représenter le monde? Imaginaire et style dantesques

A. Rêverie sur l'espace et les personnages


L'évocation des lieux et des personnages que découvre le narrateur s'effectue à travers une forme de rêverie dans laquelle l'on peut retrouver des échos possibles à l'imaginaire mis en place dans la Divine comédie. Outre les sources de la Vivonne explicitement comparées à l'entrée des Enfers dans Combray[52], on peut évoquer l'opposition, dans Noms de pays: le nom,entre une Normandie gothique dont les falaises de la mort sont un point des côtes d'Enfer[53], et les villes italiennes dont les noms produisent sur le narrateur une extase comparable à celle des chrétiens à la veille d'entrer au Paradis[54]. La relation avec Gilberte et Swann est également toute empreinte de connotations merveilleuses: les rencontres attendues aux Champs Elysées, séjour des âmes vertueuses, les tresses de Gilberte faites du « gazon même du Paradis»[55], l'hôtel des Swann comme royaume dans lequel la famille mène une « vie surnaturelle »[56], où Swann chargé d'« occupations glorieuses » reçoit le narrateur avec une « bienveillance infinie »[57]… Ces connotations ne renvoient pas spécifiquement à l'imaginaire dantesque, elles s'inscrivent dans le cadre d'une rêverie associative plus globale où le monde terrestre renvoie à l'au-delà, où le Bois de Boulogne renferme l'allée des Myrtes[58] de l'Enéide et le Jardin Elyséen de la Femme[59].

Au-delà de ces exemples, une géographie spécifiquement dantesque semble bien travailler l'imaginaire spatial et mondain du texte proustien. La récurrence du motif du cercle, par exemple, est assez révélatrice. Le mot revient sans cesse dans la bouche des personnages pour évoquer leur club: le cercle des Phénix, le cercle des Ganaches, le cercle du Jockey, le cercle Volney, dans les Jeunes filles en fleurs et le Côté de Guermantes. Cet emploi purement mondain du terme se retrouve ailleurs investi de connotations cosmologiques: au Grand-Hôtel de Balbec, les tables rondes du restaurant sont apparentées à des planètes, « telles que celles qui sont figurées dans les tableaux allégoriques d'autrefois »[60], et le parcours des serveurs au cœur de l'« harmonie de ces tables astrales»[61] est décrit comme une évolution vers des zones supérieures[62]. Toujours dans les Jeunes filles, la princesse de Luxembourg est dite siéger dans une « sphère supérieure»[63] à celle du narrateur qu'elle regarde cependant avec bienveillance. Les sphères élevées de la société sont assimilées par deux fois à l'Empyrée[64]. Plus globalement, la vision extrêmement stratifiée de la société, divisée en mondes hiérarchisés, en sphères distantes les unes des autres et plus ou moins fermées (au moins jusqu'au Temps Retrouvé), renvoie à une configuration cosmologique dans laquelle chaque ascension sociale, ou chaque accès à une sphère jusque là interdite constitue une fantastique envolée. Quand il apprend la parenté de Mme de Villeparisis avec les Guermantes, celle-ci subit dans l'esprit du narrateur une « hausse fantastique»[65], depuis le côté de Méséglise jusqu'au côté de Guermantes. L'espoir que nourrit le narrateur de voir Mlle de Stermaria se traduit par l'attente d'une ascension également merveilleuse: « comme si j'avais été porté par les ailes d'un oiseau fabuleux, j'allais franchir en quelques instants les distances sociales infinies – au moins à Balbec – qui me séparaient de Mlle de Stermaria […]»[66]. Toutes ces analogies construisent l'image d'une société où chaque niveau constitue un cercle, une sphère, ou une planète, et dans laquelle l'élévation de l'une à l'autre est apparentée à un processus miraculeux.

Dans cette configuration dantesque, Mme de Guermantes pourrait bien être considérée comme la Béatrice du narrateur, parce qu'elle surplombe l'édifice social ainsi représenté, mais également parce que le narrateur fait d'elle une inspiratrice potentielle de l'écriture. Dès Combray, elle est la dame, l'apparition surnaturelle qui est supposée le guider, le prendre par la main et même initier sa vocation d'écrivain[67]. Cette suzeraine médiévale, dont la vue est éminemment désirable, et dont l'épiderme de lumière est éclairé par un rayon de soleil qui tombe dans la sacristie de l'église de Combray[68], reste l'objet d'une adoration religieuse dans le Côté de Guermantes. Telle la dame aimée des lyriques, « enveloppée d'un mystère devant lequel rêvaient de loin tant de poètes»[69], elle est là encore une figure inspiratrice et admirable, et cristallise l'attention d'un narrateur qui la représente fréquemment dans une céleste apothéose, en une posture qui rappelle celle des dames des chevaliers et de la Béatrice de Dante, évoquées et associées par Charlus dans le Temps retrouvé[70].

L'on peut se demander quelle valeur accorder à cette mythification dantesque du monde et des personnages, qui essaime les premiers volumes jusqu'au Côté de Guermantes, mais disparaît dès La Prisonnière, quand la sphère mondaine ne recèle plus de mystère pour le narrateur qui en a traversé les divers cercles. Celui-ci revient sur ces représentations dans les derniers volumes. Ainsi, à la fin d'Albertine disparue, lors de sa promenade à Combray avec Gilberte, les sources de la Vivonne sont perçues dans toute leur trivialité: « Un de mes étonnements fut de voir les “sources de la Vivonne”, que je me représentais comme quelque chose d'aussi extra-terrestre que l'entrée des Enfers, et qui n'étaient qu'une espèce de lavoir carré où montaient des bulles»[71]. Dans le Temps retrouvé, il évoque sa relation avec la duchesse de Guermantes devenue pour lui « une dame comme une autre», alors que sa vie lui était d'abord apparue « comme un paradis»[72] où il n'entrerait pas. Pourtant, les analogies dantesques ne se trouvent pas invalidées par cette découverte d'une réalité plus médiocre que les visions élaborées par les fantasmes rêveurs de la jeunesse. Ce ne sont pas au sens strict des erreurs à rectifier, car elles ont servi à traduire la posture spécifique de celui qui explore le monde et elles expriment une vérité, celle des impressions éprouvées par le narrateur face à un ordonnancement extrêmement complexe et étanche du monde. D'ailleurs, il apparaît que la vision de cette société, où les cercles et les sphères ne communiquent guère que par le biais de mouvements extraordinaires dont bénéficie le narrateur sous l'égide de Saint-Loup[73] puis de Charlus[74], n'est pas en elle-même erronée. Toutefois, elle ne dure pas, l'ordre se voyant redistribué dans le temps, par l'histoire : les tours opérés tous les dix ans par le kaléidoscope social modifient les hiérarchies et facilitent les passages massifs d'une sphère à l'autre.

Parce que le monde décrit est temporel, contemporain du narrateur et non pas jugé rétrospectivement et fixé dans l'au-delà d'une éternité extra-terrestre comme chez Dante, les analogies dantesques qui ont servi à le décrire ne résistent pas au passage du temps. C'est là sans doute que l'analogie entre l'expérience de Dante et celle du narrateur proustien trouve une limite. La Divine comédie est susceptible de fournir des images aptes à traduire l'expérience de la confrontation à l'inconnu, les impressions personnelles qu'elle induit chez le sujet et la découverte d'un univers composite et structuré imposant. Mais il s'agit chez Dante d'un monde clos, déjà figé dans l'éternité, et dont l'ordre systématique est garanti par une idéologie. S'il emprunte un langage et des images, Proust ne reconduit pas pour autant la représentation d'un monde entièrement cohérent et stable, il fait au contraire apparaître les failles et les secrets des êtres, ainsi que les fissures de l'édifice social, annonçant les bouleversements du volume final. De même, s'il met en scène une révélation finale, celle-ci n'est pas une connaissance ultime. Certes, elle constitue un savoir (i.e.: je dois écrire pour révéler les essences extra-temporelles à travers un style) mais il s'agit d'un savoir ouvert, engageant une création à venir par laquelle un sens sera construit. On peut dire schématiquement que la révélation du Temps retrouvé débouche sur une forme qui produira un sens, alors que celle de la Divine comédie délivre un sens qui devra être traduit dans une forme.


B. La question de l'allégorie


Or, précisément, la question de la forme adoptée par Proust semble nous ramener au style de Dante. Dans le Temps retrouvé, le narrateur propose de fixer les essences dans un style reposant sur la métaphore qui traduise le rapport entre le monde sensible et une vérité spirituelle. La vérité abstraite ne peut procéder de l'intelligence pure, elle doit se fonder sur l'impression, la sensation. Il s'agit donc de déchiffrer les objets matériels, les signes qui traduisent une pensée à la manière des caractères hiéroglyphiques[75]. Le livre, le seul livre, est ce monde « aux caractères figurés »[76], et l'écrivain doit restituer « ces vérités écrites à l'aide de figures »[77]. Ces termes semblent esquisser un travail de déchiffrage allégorique du monde, dont l'écriture constituerait une traduction. La métaphore proposerait une transposition stylistique des vérités dégagées par une lecture allégorique du sensible. Le goût de Proust pour l'art allégorique, les fresques de Giotto, mais aussi les sculptures allégoriques dans les églises, sans doute favorisé par sa traduction de La Bible d'Amiens de Ruskin, à laquelle il a adjoint une préface riche en réflexions sur le sujet et la lecture d'Emile Mâle[78], apparaît à plusieurs reprises dans le roman.

Cet intérêt trouve une formulation très élaborée dans un extrait de Combray qui a été commenté de manière très approfondie par Juliette Hassine[79] et Robert Kahn[80]. Il s'agit du fameux passage sur la fille de cuisine de Combray, assimilée par Swann à la Charité de Giotto[81], passage relayé tout au long de la Recherche par des allusions à l'ensemble des Vices et des vertus représentés dans la Chapelle Scrovegni de Padoue – également appelée l'Arena. L'analogie entre la fille et la fresque, d'abord opaque pour le narrateur, est finalement comprise par lui sous un jour singulier: dans les deux cas, le lien entre la figure représentée et la vertu qu'elle est censée incarnée demeure implicite. Le visage énergique et vulgaire de la fresque de Giotto ne semble pas exprimer la pensée de la charité, de même que la fille de cuisine enceinte porte dans son ventre un symbole dont elle n'a pas l'air de comprendre le sens, et que son visage ne reflète nullement:

Et je me rends compte maintenant que ces Vertus et ces Vices de Padoue lui ressemblaient encore d'une autre manière. De même que l'image de cette fille était accrue par le symbole ajouté qu'elle portait devant son ventre, sans avoir l'air d'en comprendre le sens, sans que rien dans son visage en traduisît la beauté et l'esprit, comme un simple et pesant fardeau, de même c'est sans paraître s'en douter que la puissante ménagère qui est représentée à l'Arena au-dessous du nom de « Caritas » et dont la reproduction était accrochée au mur de ma salle d'études, à Combray, incarne cette vertu, c'est sans qu'aucune pensée de charité semble avoir jamais pu être exprimée par son visage énergique et vulgaire[82].

Les commentaires du narrateur mettent l'accent sur le réalisme des fresques de Giotto, leur ancrage dans l'histoire, et Juliette Hassine rapproche cette interprétation de l'allégorie du réalisme figural de Dante, chez qui se trouveraient déjà exprimés les signes « réels, sans être actuels » et « idéaux, sans être abstraits »[83] et qui coïncident pour mener au monde des Essences. La tradition a l'habitude en effet de rapprocher Giotto de Dante, ne serait-ce que parce que ce dernier est l'un des premiers à saluer la renommée du peintre, dans le chant XI du Purgatoire[84]; Proust lui-même rappelle à propos de l'affaire Lemoine leur contemporanéité, et les considère comme des amis posant un regard similaire sur les choses[85]. Il semble tout à fait légitime de lire, comme le fait Hassine, dans cette réécriture de la Charité de Giotto, une inscription de la Recherche dans la filiation de Giotto et de Dante[86].

La configuration spécifique de cette allégorie, dans laquelle le sens littéral demeure pleinement actualisé et le sens caché relativement éloigné de l'apparence sensible, paraît tout à fait efficace pour rendre compte du travail de décryptage du réel qu'entreprend le narrateur. On peut toutefois noter avec Robert Kahn que la conception que propose Proust de l'allégorie des Vices et des vertus, qui met l'accent sur le caractère crypté du sensible, constitue une vision très singulière de l'allégorie, retravaillée dans une perspective moderne. Robert Kahn rappelle que Benjamin retrouve dans le passage de Proust sur Giotto sa propre définition d'une allégorie qui n'est pas immédiatement lisible, transparente, mais au contraire énigmatique et fragmentée. Apparence et essence sont à penser dans un rapport de symétrie inverse, d'inversion. Le modèle allégorique proustien ne serait donc pas médiéval mais baroque, il ne serait pas systématique et limpide, mais fragmentaire et énigmatique. La découverte des êtres, tant dans l'expérience amoureuse déçue que dans la révélation de l'inversion sexuelle, obéit effectivement à ce schéma: les identités profondes s'avèrent éloignées des apparences, et le narrateur ne parvient à en décrypter les signes que dans une durée relativement longue, et par fragments.

Le cas d'Albertine est à cet égard exemplaire: l'une de ses premières apparitions, dans les Jeunes filles en fleurs, rappelle au narrateur l'Idolâtrie de Giotto, à cause du diabolo qu'elle tient au bout d'un cordonnet[87]. Ce simple objet, au nom diaboliquement connoté, qui rappelle l'idole que tient l'Idolâtrie, justifie l'analogie métaphorique avec le vice d'infidelitas représenté par l'allégorie de Giotto. L'intuition du vice qui accompagne cette vision est toutefois très vite rectifiée par l'apparence de vertu d'Albertine, sa gentillesse incitant le narrateur à poser « l'hypothèse d'une vertu absolue »[88]. Les variations du comportement de la jeune fille obligent le narrateur à remanier à plusieurs reprises cette hypothèse, dès cette première époque, mais elles ne le poussent jamais à inverser pleinement son jugement. Toutefois, au début de la relation amoureuse, le narrateur formule encore une fois l'intuition du vice, sous la forme d'une vision allégorique en apparence seulement justifiée par la disposition respective des personnages, Françoise tenant une lampe au-dessus d'Albertine ayant l'air « de La Justice éclairant le crime »[89]. L'analogie avec la peinture allégorique, qui repose chaque fois sur le pouvoir évocatoire d'une forme – le corps d'Albertine prolongé par le diabolo ou surmonté d'une lumière tenue au-dessus d'elle par une autre figure – exprime ici une vérité des êtres qui n'a pas encore été déployée par le narrateur. Le sensible est en partie porteur de la vérité profonde, mais les signes de la vertu, dominants et évidents, oblitèrent encore une vérité qui ne s'exprime qu'obliquement dans la matière, sous la forme d'une intuition visuelle à valeur prémonitoire, fixée dans l'écriture par une métaphore entre la jeune fille et des allégories du vice. Dans Albertine disparue les révélations permettront au narrateur de mesurer l'étendue de ses erreurs: la vérité de l'être surgit alors dans toute sa complexité, et actualise en définitive les allégories séminales de l'infidélité et du crime. L'image allégorique qui représentait la jeune fille traduisait une impression diffuse du narrateur et était porteuse d'une vérité du personnage qui apparaît progressivement dans le récit.

Il me semble que l'on perçoit, avec cet exemple, ce qui distingue l'utilisation de l'allégorie par Proust de celle que met en jeu la Divine comédie: elle révèle sa pertinence dans la durée, et elle constitue un approfondissement du sensible qui opère fréquemment une inversion de son sens immédiat. Dans l'écriture, elle surgit de manière isolée et fulgurante, pour traduire une impression prémonitoire. Elle n'est pas organisée en système cohérent, elle n'est pas fixée dans une fresque extra-temporelle, et elle n'est pas immédiatement lisible. Les hésitations, les évolutions et les inversions qui jalonnent le déchiffrage du sensible constituent la matière de l'écriture, tout autant que les révélations auxquelles accède finalement le narrateur.

J'ai essayé de dégager plusieurs facettes de la relation entre la Recherche et la Divine comédie: les allusions ponctuelles révèlent des parentés plus profondes tenant au dispositif narratif et énonciatif de la quête, à l'ambition esthétique totalisante, et à la formulation des impressions et des intuitions qui repose sur l'analogie avec un imaginaire spatial dantesque et avec des figures allégoriques. Sur chacun de ces points, l'on peut postuler l'existence d'une filiation entre les deux œuvres: la Divine comédie a fourni des propositions esthétiques fécondes pour l'écriture de la confrontation avec l'inconnu et de la découverte d'un sens caché. Mais à chaque étape de la réflexion, les limites de l'analogie entre les deux œuvres se révèlent être les mêmes: la Recherche ne progresse pas vers la révélation d'un système d'idées unifié qui garantirait rétrospectivement la stabilité du sens, elle ne s'inscrit pas dans une vision fixée hors du temps, mais s'élabore dans le temps et reflète le travail du temps. Proust transposerait donc la quête dantesque dans le temps humain et profane, la soumettant ainsi à l'incertitude et à la variation. S'il s'inscrit dans la perspective épique de l'œuvre dantesque, il écrit une épopée morcelée, ou, pour reprendre un adjectif cher à Benjamin, une épopée mélancolique.


Anne Teulade

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[1] Lettre à Paul Morand: « Merci pour votre charmante dédicace. Mais comme elle est autographe et non imprimée, elle ne fait pas contrepoids pour le public qui ne la connaîtra pas à l'Ode où vous m'avez jeté dans cet Enfer que Dante réservait à ses Ennemis. » (Correspondance, t. XVIII, 1919, éd. Philip Kolb, Plon, 1990, p. 424).

[2] Lettre à Charles Maurras: « Nous vivons hélas comme dans deux siècles différents, je ne vois pas plus votre visage, je ne serre pas plus votre main, que si vous étiez Virgile ou Dante » (Correspondance, t. XX, 1921, Plon, 1992, p. 229).

[3] Du côté de chez Swann [1913], A la recherche du temps perdu, I, édition sous la direction de Jean-Yves Tadié, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987, p. 283: « “C'est vraiment, disait-il, ce qu'il y a de plus bas dans l'échelle sociale, le dernier cercle de Dante. Nul doute que le texte auguste ne se réfère aux Verdurin!”» (édition désormais abrégée en RTP).

[4] Préface pour la traduction de Sésame et les Lys(1905):/, reprise dans Sur la lecture, Actes Sud, 1994, p. 37: « Et Dante n'est pas le seul poète que Virgile ait conduit au seuil du paradis».

[5] Essais et articles, dans Contre Sainte-Beuve, précédé de Pastiches et mélanges et suivi de Essais et articles, éd. Pierre Clarac et Yves Sandre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade», 1971, p. 380: « Nous sommes ici au terme de ce voyage d'initiation à la vie ignorée de la nature morte que chacun de nous peut accomplir en se laissant guider par Chardin, comme Dante se laissa jadis guider par Virgile».

[6] « Journées de Pèlerinage, Ruskin à Notre-Dame d'Amiens, à Rouen, etc.» [paru en tête de la trad. de la Bible d'Amiens], dans Contre Sainte-Beuve, éd. cit., p. 92: « Qu'il y ait une littérature classique sacrée parallèle à celle des Hébreux et se fondant avec les légendes symboliques de la chrétienté au moyen âge, c'est un fait qui apparaît de la manière la plus tendre et la plus frappante dans l'influence indépendante et cependant similaire de Virgile sur le Dante et l'évêque Gawane Douglas».

[7] « Sur la représentation de l'affaire Lemoine par Giotto» [Appendice aux Pastiches], dans Contre Sainte-Beuve, éd. cit., p. 205: « Giotto, je pense que vous le savez, était l'ami de Dante, qui n'était pas un grand ami des juges. Peut-être seriez-vous curieux de connaître sur les juges l'opinion de Dante et celle de Giotto?».

[8] Préface pour la traduction de Sésame et les Lys (1905), éd. citée, p. 53 : « Que de fois, dans la Divine comédie, dans Shakespeare, j'ai eu cette impression d'avoir devant moi, inséré dans l'heure présente, actuel, un peu du passé, cette impression de rêve qu'on ressent à Venise sur la Piazzetta[…]».

[9] A Lucien Daudet, Proust demande de faire passer un article dans le Gaulois ou L'intransigeant: « Vous pouvez rétablir ma signature si vous le préférez, mais à condition que cela ne vous ennuie nullement. Sans cela laissez ce pseudonyme, ou tout autre qui vous plaira » (Correspondance,t. VIII, 1908, éd. Philip Kolb, Plon, 1981, p. 194). En note, Ph. Kolb indique que le pseudonyme en question est Marc el Dante. Voir aussi la Correspondance, t. XXI, 1922, Plon, 1993, p. 636 (lettre à Lucien Daudet) : « pour ne pas risquer de vous causer d'ennuis par le rapprochement de deux noms que la méchanceté seule a jamais mis l'un près de l'autre j'ai repris le petit article et mis au lieu de ma signature un pseudonyme transparent et pour vous et d'ailleurs pour tout le monde».

[10] Sur ces occurrences, on peut lire le très bel essai de Jacqueline Risset, Traduction et mémoire poétique, Hermann, 2007, p. 106-108.

[11] Le Côté de Guermantes I, [1920], RTP, II, p. 499: « J'ai entendu Mme Ristoni dans son beau temps, ce n'est plus qu'une ruine. Et puis je déteste les vers de Carmen Sylva. La Ristoni est venue ici une fois, amenée par la duchesse d'Aoste, dire un chant de l'Enfer de Dante. Voilà où elle est incomparable».

[12] Voir note 3.

[13] Du côté de chez Swann I [1913]RTP, I, p. 167: « Tel était ce nénuphar, pareil aussi à quelqu'un de ces malheureux dont le tourment singulier, qui se répète indéfiniment durant l'éternité, excitait la curiosité de Dante, et dont il se serait fait raconter plus longuement les particularités et la cause par le supplicié lui-même, si Virgile, s'éloignant à grands pas, ne l'avait forcé à le rattraper au plus vite, comme moi mes parents».

[14] A l'ombre des jeunes filles en fleur II, [1918], RTP, II, 1988, p. 24: « Et en même temps le regard de Minos, Eaque et Rhadamante (regard dans lequel je plongeais mon âme dépouillée, comme dans un inconnu où plus rien ne la protégeait) me fut jeté sévèrement par des messieurs qui, peu versés peut-être dans l'art de “recevoir”, portaient le titre de “chefs de réception”; plus loin, derrière un vitrage clos, des gens étaient assis dans un salon de lecture pour la description duquel il m'aurait fallu choisir dans le Dante tour à tour les couleurs qu'il prête au Paradis et à l'Enfer, selon que je pensais au bonheur des élus qui avaient le droit d'y lire en toute tranquillité, ou à la terreur que m'eût causée ma grand-mère si dans son insouci de ce genre d'impressions, elle m'eût ordonné d'y pénétrer.»

[15] La Prisonnière, [1922], RTP,III, 1988, p. 711: « Le poète est à plaindre, et qui n'est guidé par aucun Virgile, d'avoir à traverser les cercles d'un enfer de soufre et de poix, de se jeter dans le feu qui tombe du ciel pour en ramener quelques habitants de Sodome».

[16] Le Temps retrouvé, [1927], RTP, IV, p. 377: « On n'ose lui répondre que les “dames” des chevaliers, au Moyen Age, et la Béatrice de Dante étaient peut-être placées sur un trône aussi élevé que les héroïnes de M. Becque».

[17] Dante, Paradiso/Le Paradis, trad. J. Risset, Paris, GF, édition bilingue, 2004, Chant XXX, v. 82-105, p. 310-313. Les traductions de la Divina commedia sont celles de Jacqueline Risset dans cette édition.

[18] Le Temps retrouvé, éd. cit., p. 444.

[19] Ibid., p. 445: « Mais c'est quelquefois au moment où tout nous semble perdu que l'avertissement arrive qui peut nous sauver».

[20] Ibid., p. 445: « un azur profond enivrait mes yeux, des impressions de fraîcheur, d'éblouissante lumière tournoyaient près de moi»

[21] Ibid., p. 453.

[22] Ibid.,p. 449: « c'est un air qu'on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayé de faire régner dans le paradis et qui ne pourrait donner cette sensation profonde de renouvellement que s'il avait été respiré déjà, car les vrais paradis sont les paradis que l'on a perdus»

[23] Ibid., p. 450: « l'être qui alors goûtait en moi cette impression le goûtait en ce qu'elle avait de commun dans un jour ancien et maintenant, dans ce qu'elle avait d'extra-temporel, un être qui n'apparaissait que quand, par une de ces identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il pût vivre, jouir de l'essence des choses, c'est-à-dire en dehors du temps».

[24] Barthes décrit d'ailleurs le parcours du narrateur comme une quête mystagogique d'initiation au sacré. Dans « Proust et les noms », il évoque une «véritable mystagogie, articulée en trois moments dialectiques: le désir (le mystagogue postule une révélation), l'échec (il assume les dangers, la nuite, le néant), l'assomption (c'est au comble de l'échec qu'il trouve la victoire)» (Nouveaux essais critiques, dans Œuvres complètes, t. 2, éd. Eric Marty, Seuil, 1994 [1972], p. 1369.

[25] Dante, op. cit., p. 312-313: « Oh quanto è corto il dire e como fioco / al mio concetto! e questo, a quel ch'i' vidi, / è tanto, che non basta a dicer ‘poco' ». Traduction : « O comme le dire est faible et qu'il est court / à ma pensée ! Si court, devant ce que j'écris, que dire “peu ” ne suffit pas ».

[26] Ibid., p. 168 « écartant tout mensonge, porte au jour ta vision tout entière».

[27] Ibid., p. 168: « Però ti son mostrate in queste rote, / nel monte e ne la valle dolorosa / pur l'anime che son di fama note».

[28] Ibid., p. 234-235: « con altra voce omai, con altro vello / ritornerò poeta ». Traduction : « avec une autre voix alors, avec une autre laine, / je reviendrai poète ».

[29] Ibid., p. 282-3: « O isplendor di Dio, per cu'io vidi, / l'alto trïunfo del regno verace, / dammi virtú a dir com'ïo il vidi! ». Traduction: « O splendeur de Dieu, par qui je vis / le haut triomphe du règne véridique, / donne-moi la force de dire comme je le vis! »

[30] Voir note 25.

[31] Combray, RTP I, p. 5-6: « quand je m'éveillais au milieu de la nuit, comme j'ignorais où je me trouvais, je ne savais même pas au premier instant qui j'étais; j'avais seulement dans sa simplicité première, le sentiment de l'existence comme il peut frémir au fond d'un animal; j'étais plus dénué que l'homme des cavernes; mais alors le souvenir – non encore du lieu où j'étais, mais de quelques-uns de ceux que j'avais habités et où j'aurais pu être – venait à moi comme un secours d'en haut pour me tirer du néant d'où je n'aurais pu sortir tout seul; je passais en une seconde par-dessus des siècles de civilisation, et l'image confusément entrevue de lampes à pétrole, puis de chemises à col rabattu, recomposaient peu à peu les traits originaux de mon moi». Voir aussi A l'ombre des jeunes filles en fleur II, RTP II, p. 176-177: « Tout à coup je m'endormais, je tombais dans ce sommeil lourd où se dévoilent pour nous le retour à la jeunesse, la reprise des années passées, des sentiments perdus, la désincarnation, la transmigration des âmes, l'évocation des morts, les illusions de la folie, la régression vers les règnes les plus élémentaires de la nature […] tous ces mystères que nous croyons ne pas connaître et auxquels nous sommes en réalité initiés presque toutes les nuits ainsi qu'à l'autre grand mystère de l'anéantissement et de la résurrection».

[32] Combray, RTP I, p. 5.

[33] Le côté de Guermantes I, RTP II, p. 390-391: « descendre dans les galeries les plus souterraines du sommeil […], le jardin où nous avons été enfant. Il n'y a pas besoin de voyager pour le revoir, il faut descendre pour le retrouver. Ce qui a couvert la terre n'est plus sur elle, mais dessous, l'excursion ne suffit pas pour visiter la ville morte, les fouilles sont nécessaires».

[34] Sodome et Gomorrhe, RTP III,p. 157: « Monde du sommeil où la connaissance interne, placée sous la dépendance des troubles de nos organes, accélère le rythme du cœur ou de la respiration, parce qu'une même dose d'effroi, de tristesse, de remords, agit, avec une puissance centuplée si elle est ainsi injectée dans nos veines; dès que pour y parcourir les artères de la cité souterraine, nous nous sommes embarqués sur les flots noirs de notre propre sang comme sur un Léthé intérieur aux sextuples replis, de grandes figures solennelles nous apparaissent, nous abordent et nous quittent, nous laissant en larmes».

[35] Combray, éd. cit., p. 35(« Je vis dans la cage de l'escalier la lumière projetée par la bougie de maman. Puis je la vis elle-même; je m'élançai»), p. 38(« Certes, le beau visage de ma mère brillait encore de jeunesse ce soir-là où elle me tenait si doucement les mains»), p. 43(« C'est ainsi que, pendant longtemps, quand, réveillé la nuit, je me ressouvenais de Combray, je n'en revis jamais que cette sorte de pan lumineux, découpé au milieu d'indistinctes ténèbres, pareil à ceux que l'embrasement d'un feu de Bengale ou quelque projection électrique éclairent et sectionnent dans un édifice dont les autres parties restent plongées dans la nuit ; à la base assez large, le petit salon, la salle à manger, l'amorce de l'allée obscure par où arrivait M. Swann, l'auteur inconscient de mes tristesses, le vestibule où je m'acheminais vers la première marche de l'escalier, si cruel à monter, qui constituait à lui seul le tronc fort étroit de cette pyramide irrégulière; et, au faîte, ma chambre à coucher avec le petit couloir à porte vitrée pour l'entrée de maman»).

[36] Voir Gemma Pappot, « L'Inferno de Proust à la lumière de Dante. Remarques sur les renvois à La Divina commedia de Dante dans A la recherche du temps perdu», Marcel Proust aujourd'hui, I, 2003, p. 102; Carolyn Clark Breen. « Proust, Dante, and Vergil: An Incident of Intertextuality along the Vivonne », Classical and Modern Literature, 1988, IX, No. 1, 73-78.

[37] Combray, p. 167. Voir note 13.

[38] Au chant XXX des Enfers, GF, p. 275.

[39] Combray, p. 157-161.

[40] Ibid., p. 169: « Jamais dans la promenade du côté de Guermantes nous ne pûmes remonter jusqu'aux sources de la Vivonne, auxquelles j'avais souvent pensé et qui avaient pour moi une existence si abstraite, si idéale, que j'avais été aussi surpris quand on m'avait dit qu'elles se trouvaient dans la département, à une certaine distance kilométrique de Combray, que le jour où j'avais appris qu'il y avait un autre point précis de la terre où s'ouvrait, dans l'Antiquité, l'entrée des Enfers».

[41] Voir note 14.

[42] Erich Auerbach, Figura, Macula, 2003 [1993] et Erich Auerbach, Ecrits sur Dante, Macula, 1998.

[43] La Prisonnière, RTP III, p. 666.

[44] Côté de Guermantes II, RTP II, p. 826.

[45] A l'ombre des jeunes filles en fleur II, RTP II, p. 196.

[46] Ibid., p. 197.

[47] Dante, Purgatorio/Le Purgatoire, trad. J. Risset, Paris, GF, édition bilingue, 1992, p. 8.

[48] Georges Duby, Le Temps des cathédrales, Genève, Skira, 1976, p. 126.

[49] Sur la deuxième corniche de la montagne, au Chant X, Dante trouve en effet des sculptures de marbre blanc.

[50] Giuseppe Di Scipio, « La ‘Candida Rosa' di Dante e la cattedrale gotica », Letteratura italiana e arti figurative, 1988, vol. I, pp. 253-259.

[51] Ces analogies éclairent tout autant, me semble-t-il, le côté dantesque de Proust que la dimension proustienne du texte du Dante, et la modernité de son écriture à la première personne focalisée sur les évolutions d'une intériorité confrontée à l'exploration du monde.

[52] Voir note 38.

[53] RTP I, p. 378: « J'essayais de me représenter comment ces pêcheurs avaient vécu, le timide et insoupçonné essai de rapports sociaux qu'ils avaient tenté là, pendant le Moyen Age, ramassés sur un point des côtes d'Enfer, aux pieds des falaises de la mort».

[54] RTP I, p. 383-384 : « ces images de Florence, de Venise et de Pise desquelles le désir qu'elles excitaient en moi gardait quelque chose d'aussi profondément individuel que si ç'avait été un amour, un amour pour une personne – je ne cessai pas de croire qu'elles correspondaient à une réalité indépendante de moi, et elle me firent connaître une aussi belle espérance que pouvait en nourrir un chrétien des premiers âges à la veille d'entrer dans le paradis».

P. 386: « A ces mots je m'élevai à une sorte d'extase; ce que j'avais cru jusque-là impossible, je me sentis vraiment pénétrer entre ces ‘rochers d'améthyste pareils à un récif de la mer des Indes'; par une gymnastique suprême et au-dessus de mes forces, me dévêtant comme d'une carapace sans objet de l'air de ma chambre qui m'entourait, je le remplaçai par des parties égales d'air vénitien, cette atmosphère marine, indicible et particulière comme celle des rêves, que mon imagination avait enfermée dans le nom de Venise, je sentis s'opérer en moi une miraculeuse désincarnation».

[55] A l'ombre des jeunes filles en fleur I, RTP I, p. 494.

[56] Ibid., p. 499.

[57] Ibid., p. 500.

[58] Noms de pays: le nom . RTP I, p. 410.

[59] Ibid., p. 419.

[60] RTP II, p. 167-168.

[61] Ibid., p. 168.

[62] Ibid.

[63] Ibid., p. 59.

[64] RTP I, p. 462 (pour Odette), et RTP II, p. 398 (pour le narrateur).

[65] RTP II, p. 113.

[66] Ibid., p. 45.

[67] RTP I, p. 170: « Je rêvais que Mme de Guermantes m'y faisait venir, éprise pour moi d'un soudain caprice; tout le jour elle y pêchait la truite avec moi. Et le soir me tenant par la main, en passant devant les petits jardins de ses vassaux, elle me montrait le long des murs bas, les fleurs qui y appuient leurs quenouilles violettes et rouges et m'apprenait leurs noms. Elle me faisait lui dire le sujet des poèmes que j'avais l'intention de composer. Et ces rêves m'avertissaient que puisque je voulais un jour être écrivain, il était temps de savoir ce que je comptais écrire. Mais dès que je me le demandais, tâchant de trouver un sujet où je pusse faire tenir une signification philosophique infinie, mon esprit s'arrêtait de fonctionner, je ne voyais plus que le vide».

[68] RTP I, p. 175-176.

[69] RTP II, p. 743.

[70] Voir note 16.

[71] RTP IV, p. 268.

[72] Ibid., p. 585.

[73] Dans A l'ombre des jeunes filles en fleur II et Le Côté de Guermantes I.

[74] Dans Le Côté de Guermantes.

[75] RTP IV, p. 457.

[76] Ibid., p. 458.

[77] Ibid., p. 457.

[78] Emile Mâle, L'Art religieux du XIIIe siècle en France, Paris, Leroux, 1898. Proust utilisa cet ouvrage pour décrire le porche de l'église de Balbec et entretint une correspondance avec Mâle.

[79] Juliette Hassine, « La charité de Giotto ou l'allégorie de l'écriture dans l'œuvre de Proust», Bulletin d'information proustienne, 26, 1995, p. 23-43.

[80] Robert Kahn, Images, passages : Marcel Proust et Walter Benjamin, Paris, Kimé, 1998, p. 206 sq.: « L'allégorie chez Proust et Benjamin».

[81] RTP I, p. 79-82.

[82] Ibid., p. 80.

[83] RTP IV, p. 451.

[84] Op. cit., p. 105.

[85] Voir note 7.

[86] Op. cit., p. 38-39.

[87] RTP II, p. 241: « je faisais quelques pas avec Albertine que j'avais aperçue, élevant au bout d'un cordonnet un attribut bizarre qui la faisait ressembler à l'‘Idolâtrie' de Giotto; il s'appelle d'ailleurs un ‘diabolo' et est tellement tombé en désuétude que devant le portrait d'une jeune fille en tenant un, les commentateurs de l'avenir pourront disserter comme devant telle figure allégorique de l'Arena».

[88] Ibid., p. 292: « Pour ce qui concerne l'hypothèse d'une vertu absolue […], je ne laissai pas de la remanier à plusieurs reprises. Cette hypothèse était tellement le contraire de celle que j'avais bâtie le premier jour où j'avais vu Albertine!».

[89] Ibid., p. 655.



Vincent Ferré

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