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Michel SCHNEIDER, Voleurs de mots. Essai sur le plagiat, la psychanalyse et la pensée, Gallimard, coll. « Connaissance de l'inconscient », 1985, p. 272.

« Il y a dans chaque écrivain un roman des influences, d'autant plus singulier qu'il assemble des dettes dans un ensemble propre à l'auteur, non seulement en dépit du fait que la création, ou son ressort premier, l'imagination, est connue, déjà présente dans la littérature, mais à cause de ce fait même. On en viendrait ainsi au paradoxe suivant : plus un auteur est influencé en profondeur et en extension, plus il est original.

Mon imitation n'est point un esclavage. Je ne prends que l'idée, et les tours, et les lois Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois.

La Fontaine, pour qui l'invention des arts était un « droit d'aînesse » ne la confondait certes pas avec le plagiat auquel il consacra toute une fable (Le geai paré des plumes du paon), permet de poser ainsi la question : dès lors que sont pris non seulement l'idée, mais les tours, les lois, quelle est la part de l'auteur ? Admettons qu'avoir des Maîtres et surtout pouvoir les nommer, n'est pas nécessairement être esclave, au contraire. Mais il y a davantage. Mon imitation n'est pas la vôtre. Je ne prends ni la même chose, ni de la même façon que vous. La Fontaine appartient certes à une époque où l'imitation était un exercice obligé. Corneille, Racine, Boileau, La Bruyère, avaient, comme leur siècle, la manie de l'Antiquité, et l'imitation des Anciens n'était pas simple méfiance à l'égard de soi-même, ou prétexte à des créations dont on n'osait prendre la responsabilité. C'était du dehors de leur écriture, par les canons du Beau légitime que venait cette obligation d'imiter. On remarquera pourtant que rarement l'originalité du style ne fut plus nette qu'à cette époque. »


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Marc Escola

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Dernière mise à jour de cette page le 19 Février 2003 à 22h52.